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qui vous craignent, de tous ceux qui observent vos commandements (1). Rois, princes, grands de la terre, peuples qui la couvrez, louez le nom du Seigneur, car il n'y a de grand que ce nom (2). Que tous les peuples réunis à leurs mattres ne fassent plus qu'une famille pour adorer le Seigneur (3)! Nations de la terre, applaudissez, chantez, chantez notre roi ! chantez, car le Seigneur est le roi de l'univers. CHANTEZ AVEC INTELLIGENCE (4). Que tout esprit loue le Seigneur (5).

Dieu n'avait pas dédaigné de contenter ce grand désir. Le regard prophétique du saint Roi, en se plongeant dans le profond avenir, voyait déjà l'immense explosion du cénacle et la face de la terre renouvelée par l'effusion de l'esprit divin. Que ses expressions sont belles et surtout justes! De tous les points de la terre les hommes se RESSOUVIENDRONT du Seigneur et se convertiront à lui; il se

(1) Particeps ego sum omnium timentium se et custodientium mandata sua. (CXVIII, 63.)

(2) CXLVII, 11, 12.

(3) CI, 22.

(4) Psallite sapienter. (XLVI, 8.

(5) Omnis spiritus laudet Dominum. (CL, 5.) C'est le dernier mot du dernier psaume.

montrera, et toutes les familles humaines s'inclineront (1).

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Sages amis, observez ici en passant comment l'infinie bonté a pu dissimuler quarante siècles (2) elle attendait le souvenir de l'homme (3). Je finirai par vous rappeler un autre vœu du Prophète-Roi : Que ces pages, dit-il, soient écrites pour les générations futures, et les peuples qui n'existent point encore béniront le Seigneur (4).

Il est exaucé, parce qu'il n'a chanté que l'Eternel; ses chants participent de l'éternité: les accents enflammés, confiés aux cordes de sa lyre divine, retentissent encore après trente siècles dans toutes les parties de l'univers. La synagogue conserva les psaumes; l'Eglise se hâta de les adopter; la poésie de toutes les nations chrétiennes s'en est emparée; et, depuis plus de trois siècles, le soleil ne cesse d'éclairer quelques temples dont les voûtes

(1) REMINISCENTUR et convertentur ad Dominum universi fines terræ, et adorabunt in conspectu ejus omnes familiæ gentium. (XXI, 28.) (2) Act. XVII, 30.

(3) Oui, Platon, tu dis vrai ! Toutes les vérités sont dans nous; elles sont NOUS, et lorsque l'homme croit les découvrir, il ne fait que regarder dans lui et dire out!

(4) Scribantur hæc in generatione alterâ, et populus qui creabitur, laudabit Dominum. (Ps. CI, 19.)

retentissent de ces hymnes sacrées. On les chante à Rome, à Genève, à Madrid, à Londres, à Québec, à Quito, à Moscou, à Pékin, à Botany-Bay; on les murmure au Japon.

LE CHEVALIER.

Sauriez-vous me dire pourquoi je ne me ressouviens d'avoir lu dans les psaumes rien de ce que vous venez de me dire?

pas

LE COMTE.

Sans doute, mon jeune ami, je saurai vous le dire: ce phénomène tient à la théorie des idées innées; quoiqu'il y ait des notions originelles communes à tous les hommes, sans lesquelles ils ne seraient pas hommes, et qui sont en conséquence accessibles, ou plutôt naturelles, à tous les esprits, il s'en faut néanmoins qu'elles le soient toutes au même point. Il en est au contraire qui sont plus ou moins assoupies, et d'autres plus ou moins dominantes dans chaque esprit; et celles-ci forment ce qu'on appelle le caractère ou le talent: or il arrive que lorsque nous recevons par la lecture une sorte de pâture spirituelle, chaque esprit s'approprie ce qui convient plus particulièrement à ce que je pourrais appeler son

tempérament intellectuel, et laisse échapper le reste. De là vient que nous ne lisons pas du tout les mêmes choses dans les mêmes livres ; ce qui arrive surtout à l'autre sexe comparé au nôtre, car les femmes ne lisent point comme nous. Cette différence étant générale et par là même plus sensible, je vous invite à vous en occuper.

LE SÉNATEUR.

La nuit qui nous surprend me rappelle, M. le comte, que vous auriez bien pu, puisque vous étiez si fort en train, nous rappeler quelque chose de ce que David a dit sur la nuit: comme il s'en occupait beaucoup, il en a beaucoup parlé, et toujours je m'attendais que, parmi les textes saillants qui se sont présentés à vous, il y en aurait quelques-uns sur la nuit: car c'est un grand chapitre sur lequel David est revenu souvent : et qui pourrait s'en étonner? Vous le savez, mes bons amis, la nuit est dangereuse pour l'homme, et sans nous en apercevoir nous l'aimons tous un peu parce qu'elle nous met à l'aise, La nuit est une complice naturelle constamment à l'ordre de tous les vices, et cette complaisance séduisante fait qu'en général nous valons tous

moins la nuit que le jour. La lumière intimide le vice; la nuit lui rend toutes ses forces et c'est la vertu qui a peur. Encore une fois, la nuit ne vaut rien pour l'homme, et cependant, ou peut-être à cause de cela même, ne sommes-nous pas tous un peu idolâtres de cette facile divinité? Qui peut se vanter de ne l'avoir jamais invoquée pour le mal? Depuis le brigand des grands chemins jusqu'à celui des salons, quel homme n'a jamais dit : Flecte, precor, vultus ad mea furta tuos? Et quel homme encore n'a jamais dit : Nox conscia novit? La société, la famille la mieux réglée, est celle où l'on veille le moins, et toujours l'extrême corruption des mœurs s'annonce par l'extrême abus dans ce genre. La nuit étant donc, de sa nature, malè suada, mauvaise conseillère, de là vient que les fausses religions l'avaient consacrée souvent à des rits coupables, nota bonæ secreta deą (1).

LE COMTE.

Avec votre permission, mon cher ami, je dirai plutôt que la corruption antique avait consacré la nuit à de coupables orgies, mais

(1) Juven., Sat. VI, 314.

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