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aux penchants de son coeur et aux rêves de son esprit (1).

Certain que l'homme est de lui-même incapable de prier, David demande à Dieu de le pénétrer de cette huile mystérieuse, de cette onction divine qui ouvrira ses lèvres, et leur permettra de prononcer des paroles de louange et d'allégresse (2); et comme il ne nous racontait que sa propre expérience, il nous laisse voir dans lui le travail de l'inspiration. J'ai senti, dit-il, mon coeur s'échauffer au-dedans de moi; les flammes ont jailli de ma pensée intérieure; alors ma langue s'est déliée, et j'ai parlé (3). A ces flammes chastes de l'amour divin, à ces élans sublimes d'un esprit ravi, dans le ciel, comparez la chaleur putride de Sapho ou l'enthousiasme soldé de Pindare: le goût, pour se décider, n'a pas besoin de la vertu.

Voyez comment le Prophète déchiffre l'incrédule d'un seul mot: il a refusé de croire, de peur de bien agir (4); et comment en un seul mot encore il donne une leçon terrible

(1) Ibunt in adinventionibus suis. (LXXX, 13.)

(2) LXII, 6.

(3) XXXVIII, 4.

(4) XXXV, 4.

aux croyants lorsqu'il leur dit : Vous qui faites profession d'aimer le Seigneur, haïssez donc le mal (1).

Cet homme extraordinaire, enrichi de dons si précieux, s'était néanmoins rendu énormément coupable; mais l'expiation enrichit ses hymnes de nouvelles beautés : jamais le repentir ne parla un langage plus vrai, plus pathétique, plus pénétrant. Prêt à recevoir avec résignation tous les fléaux du Seigneur (2), il veut lui-même publier ses iniquités (3). Son crime est constamment devant ses yeux (4), et la douleur qui le ronge ne lui laisse aucun repos (5). Au milieu de Jérusalem au sein de cette pompeuse capitale, destinée à devenir bientôt la plus superbe ville de la superbe Asie (6), sur ce trône où la main de Dieu l'avait conduit, il est seul comme le pélican du désert, comme l'orfraie cachée dans les ruines, comme le passereau solitaire qui gémit sur le falte aérien des

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(1) Qui diligitis Dominum, odite malum. (XCVI, 10.) Berthier à divinement parlé sur ce texte. Voy. sa traduction.)

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(6) Longè clarissima urbium Orientis. (Plin. Hist. nat. V, 14.)

palais (1). Il consume ses nuits dans les gémissements, et sa triste couche est inondée de ses larmes (2). Les flèches du Seigneur l'ont percé (3). Dès-lors il n'y a plus rien de saint en lui; ses os sont ébranlés (4), ses chairs se détachent; il se courbe vers la terre; son cœur se trouble; toute sa force l'abandonne; la lumière même ne brille plus pour lui (5): il n'entend plus; il a perdu la voix : il ne lui reste que l'espérance (6). Aucune idée ne saurait le distraire de sa douleur, et cette douleur se tournant toujours en prière comme tous ses autres sentiments, elle a quelque chose de vivant qu'on ne rencontre point ailleurs. Il se rappelle sans cesse un oracle qu'il a prononcé lui-même : Dieu a dit au coupable: Pourquoi te mêles-tu d'annoncer mes préceptes avec ta bouche impure (7)? je ne veux être célébré que par le juste (8). La ter

(1) Ps. CI. 7-8.

(2) VI, 7.

(3) XXVII, 3.

(4) VI, 3.

(5) XXXVII, 4, 6, 7.

(6) Ibid. 16.

(7) Peccatori dixit Deus: Quare tu enarras justitias meas el assumis testamentum meum per os tuum? XLIX, 16.

(8) Recto decet laudatio. (XXXII, 1.)

reur chez lui se mêle donc constamment à la confiance; et jusque dans les transports de l'amour, dans l'extase de l'admiration, dans les plus touchantes effusions d'une reconnaissance sans bornes, la pointe acérée du remords se fait sentir comme l'épine à travers les touffes vermeilles du rosier.

Enfin, rien ne me frappe dans ces magnifiques psaumes comme les vastes idées du Prophète en matière de religion; celle qu'il professait, quoique resserrée sur un point du globe, se distinguait néanmoins par un penchant marqué vers l'universalité. Le temple de Jérusalem était ouvert à toutes les nations, et le disciple de Moïse ne refusait de prier son Dieu avec aucun homme, ni pour aucun homme plein de ces idées grandes et généreuses et poussé d'ailleurs par l'esprit prophétique qui lui montrait d'avance la célérité de la parole et la puissance évangélique (1), David ne cesse de s'adresser au genre humain et de l'appeler tout entier à la vérité. Cet appel à la lumière, ce vœu de son cœur, revient à chaque instant dans ses sublimes

(1) Velociter currit sermo ejus. (CXLVII, 15.) Dominus dat verbum evangelizantibus. (LXVII. 12.)

compositions. Pour l'exprimer en mille manières, il épuise la langue sans pouvoir se contenter. Nations de l'univers, louez toutes le Seigneur; écoutez-moi, vous tous qui habitez le temps (1). Le Seigneur est bon pour tous les hommes, et sa miséricorde se répand sur tous ses ouvrages (2). Son royaume embrasse tous les siècles et toutes les générations (3). Peuples de la terre, poussez vers Dieu des cris d'allégresse; chantez des hymnes à la gloire de son nom; célébrez sa grandeur par vos cantiques; dites à Dieu : La terre entière vous adorera; elle célébrera par ses cantiques la sainteté de votre nom. Peuples, bénissez votre Dieu et faites retentir partout ses louanges (4); que vos oracles, Seigneur, soient connus de toute la terre, et que le salut que nous tenons de vous parvienne à toutes les nations (5). Pour moi, je suis l'ami, le frère de tous ceux

(1) Omnes qui habitatis tempus. (XLVIII, 2.) Cette belle expression appartient à l'hébreu. La Vulgate dit: Qui habitatis orbem. Hélas! les deux expressions sont synonymes.

(2) CXLIV, 9.

(3) Ibid., 13.

(4) LXVI, 1, 4, 8.

(5) LXVI, 3,

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