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du XVIIIe siècle; il n'est permis d'accorder à ce peuple aucune science quelconque : il ne connaissait pas la moindre vérité physique ni astronomique pour lui, la terre n'était qu'une platitude et le ciel qu'un baldaquin; sa langue dérive d'une autre, et aucune ne dérive d'elle; il n'avait ni philosophie, ni arts, ni littérature; jamais, avant une époque très retardée, les nations étrangères n'ont eu la moindre connaissance des livres de Moïse; et il est très faux que les vérités d'un ordre supérieur qu'on trouve disséminées chez les anciens écrivains du Paganisme dérivent de cette source. Accordons tout par complaisance : comment se fait-il que cette même nation soit constamment raisonnable, intéressante, pathétique, très souvent même sublime et ravissante dans ses prières ? La Bible, en général, renferme une foule de prières dont on a fait un livre dans notre langue; mais elle renferme de plus, dans ce genre, le livre des livres, le livre par excellence et qui n'a point de rival, celui des Psaumes.

LE SÉNATEUR.

Nous avons eu déjà une longue conversation avec monsieur le chevalier sur le livre

des Psaumes; je l'ai plaint à ce sujet, comme

vous plains vous-même, de ne pas entendre l'esclavon: car la traduction des Psaumes que nous possédons dans cette langue est un chef-d'œuvre.

LE COMTE.

Je n'en doute pas : tout le monde est d'accord à cet égard, et d'ailleurs votre suffrage me suffirait; mais il faut que, sur ce point, vous me pardonniez des préjugés ou des systèmes invincibles. Trois langues furent consacrés jadis sur le Calvaire : l'hébreu, le grec et le latin; je voudrais qu'on s'en tînt lå. Deux langues religieuses dans le cabinet et une dans l'église, c'est assez. Au reste j'honore tous les efforts qui se sont faits dans ce genre chez les différentes nations : vous savez bien qu'il ne nous arrive guère de disputer ensemble.

LE CHEVALIER.

Je vous répète ajourd'hui ce que je disais l'autre jour à notre cher sénateur en traitant le même sujet : j'admire un peu David comme Pindare, je veux dire sur parole.

LE COMTE.

Que dites-vous, mon cher chevalier? Pindare n'a rien de commun avec David: le premier a pris soin lui même de nous apprendre qu'il ne parlait qu'aux savants, et qu'il se souciait fort peu d'être entendu de la foule de ses contemporains, auprès desquels il n'était pas fâché d'avoir besoin d'interprètes (1). Pour entendre parfaitement ce poète, il ne vous suffirait pas de le prononcer, de le chanter même; il faudrait encore le danser. Je vous parlerai un jour de ce soulier dorique tout étonné des nouveaux mouvements que lui prescrivait la muse impétueuse de Pindare (2). Mais quand vous parviendriez à le comprendre aussi parfaitement qu'on le peut de nos jours, vous seriez peu intéressé. Les odes de Pindare sont des espèces de cadavres dont l'esprit s'est retiré pour toujours. Que vous importent les chevaux de Hiéron ou les mules d'Agésias? quel intérêt prenez-vous å la noblesse des villes et de leurs fondateurs, aux miracles des dieux, aux exploits

(1) Olymp. II, 149.

(2) Δωρίω φωνὰν ἔναρμόξα ΠΕΔΙΛΩ. Οlymp. III, 9.

des héros, aux amours des nymphes? Le charme tenait aux temps et aux lieux ; aucun effet de notre imagination ne peut le faire renaître. Il n'y a plus d'Olympie, plus d'Elide, plus d'Alphée; celui qui se flatterait de trouver le Péloponèse au Pérou serait moins ridicule que celui qui le chercherait dans la Morée. David, au contraire, brave le temps et l'espace, parce qu'il n'a rien accordé aux lieux ni aux circonstances: il n'a chanté que Dieu et la vérité immortelle comme lui. Jérusalem n'a point disparu pour nous : elle est toute où nous sommes ; et c'est David surtout qui nous la rend présente. Lisez donc et relisez sans cesse les Psaumes, non, si vous m'en croyez, dans nos traductions modernes qui sont trop loin de la source, mais dans la version latine adoptée dans notre église. Je sais que l'hébraïsme, toujours plus ou moins visible à travers la Vulgate, étonne d'abord le premier coup d'oeil; car les Psaumes, tels que nous les lisons aujourd'hui, quoiqu'ils n'aient pas été traduits sur le texte, l'ont cependant été sur une version qui s'était tenue elle-même très près de l'hébreu; en sorte que la difficulté est la même: mais cette difficulté cède aux premiers efforts. Faites choix

d'un ami qui, sans être hébraïsant, ait pu néanmoins, par des lectures attentives et reposées, se pénétrer de l'esprit d'une langue la plus antique sans comparaison de toutes celles dont il nous reste des monuments, de son laconisme logique, plus embarrassant pour nous que le plus hardi laconisme grammatical, et qui se soit accoutumé surtout à saisir la liaison des idées presque invisible chez les Orientaux, dont le génie bondissant n'entend rien aux nuances européennes : vous verrez que le mérite essentiel de cette traduction est d'avoir su précisément passer assez près et assez loin de l'hébreu; vous verrez comment une syllabe, un mot, et je ne sais quelle aide légère donnée à la phrase, feront jaillir sous vos yeux des beautés du premier ordre. Les Psaumes sont une véritable préparation évangélique; car nulle part l'esprit de la prière, qui est celui de Dieu, n'est plus visible, et de toutes parts on y les promesses de tout ce que nous possédons. Le premier caractère de ces hymnes, c'est qu'elles prient toujours. Lors même que le sujet d'un psaume paraît absolument accidentel, et relatif seulement à quelque événement de la vie du Roi-Prophète, toujours

lit

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