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« secours merveilleux, en vertu d'une cer<< taine force qui ne peut être nommée (1).»

Les deux rédemptions ne diffèrent donc point en nature, mais seulement en excellence et en résultats, suivant le mérite et la puissance des agens. Je rappellerai à cet égard, ce qui a été dit dans les Entretiens, au sujet de l'intelligence divine et de l'intelligence humaine. Elles ne peuvent différer que comme des figures semblables qui sont toujours telles, quelles que soient leurs différences de dimen

sion.

Contemplons en finissant la plus belle des analogies. L'homme coupable ne pouvait être absous que par le sang des victimes: ce sang

étant donc le lien de la réconciliation, l'erreur antique s'était imaginé que les dieux accouraient partout où le sang coulait sur les autels (2); ce que nos premiers docteurs mêmes ne refusaient point de croire en croyant à leur tour que les anges accouraient partout où coulait le véritable sang de la véritable victime (3).

(1) Orig., ubi sup.

(2) Porphyr., de Abst., lib. II, dans la Dem. evang. de Leland, tom. I, ch. v, § 7. (Saint August. de Civit. Dei, X, 11. Orig., adv., Cels. lib. III.)

(3) Chrysost., Hom. III, in Ep. ad Ephes., orat. de Nat. Chr. ;

Par une suite des mêmes idées sur la nature et l'efficacité des sacrifices, les anciens voyaient encore quelque chose de mystérieux dans la communion du corps et du sang des victimes. Elle emportait, suivant eux, le complément du sacrifice et celui de l'unité religieuse; en sorte que, pendant longtemps, les Chrétiens refusèrent de goûter aux viandes immolées, de peur de communier (1).

Mais cette idée universelle de la communion par le sang, quoique viciée dans son application, était néanmoins juste et prophétique dans sa racine, tout comme celle dont elle dérivait.

Il est entré dans les incompréhensibles desseins de l'amour tout-puissant de perpétuer jusqu'à la fin du monde, et par des moyens bien au-dessus de notre faible intelligence, ce même sacrifice matériellement offert une seule fois pour le salut du genre humain. La chair ayant séparé l'homme du ciel, Dieu

Hom. III, de Incomp. Nat. Dei. Perpét. de la foi, etc., in-4°, t. I, liv. II, chap. vii, no 1. Tous ces docteurs ont parlé de la réalité du sacrifice, mais nul d'eux plus réellement que saint Augustiu lorsqu'il dit: que le Juif, converti au Christianisme, buvait le même sang qu'il avait verse (sur le Calvaire). Aug. Serm. LXXVII.

(1) Car tous ceux qui participent à une même victime sont un même corps. (I. Cor. X, 17.)

s'était revêtu de la chair pour s'unir à l'homme par ce qui l'en séparait : mais c'était encore trop peu pour une immense bonté attaquant une immense dégradation. Cette chair divinisée et perpétuellement immolée est présentée à l'homme sous la forme extérieure de sa nourriture privilégiée : et celui qui refusera d'en manger ne vivra point (1). Comme la parole, qui n'est dans l'ordre matériel qu'une suite d'ondulations circulaires excitées dans l'air, et semblables dans tous les plans imaginables à celles que nous apercevons sur la surface de l'eau frappée dans un point; comme cette parole, dis-je, arrive cependant dans toute sa mystérieuse intégrité, à toute oreille touchée dans tout point du fluide agité, de même l'essence corporelle (2) de celui qui s'appelle parole, rayonnant du centre de la toute-puissance, qui est partout, entre toute entière dans chaque bouche, et se multiplie à l'infini sans se diviser. Plus rapide que l'éclair, plus actif que la foudre, le sang théan drique pénètre les entrailles coupables pour

(1) Job. VI, 34.

(2) Mapa äɣlov tì. (Orig. adv. Cels., lib. VIII, no 33, cité dans la Perpet. de la foi, in-4° tom. II, liv. VII, ch. 1.)

en dévorer les souillures (1). Il arrive jusqu'aux confins inconnus de ces deux puissances irréconciliablement unies (2) où les élans du cœur (3) heurtent l'intelligence et la troublent. Par une véritable affinité divine, il s'empare des éléments de l'homme et les transforme sans les détruire. « On a droit de <«<< s'étonner, sans doute, que l'homme puisse « s'élever jusqu'à Dieu : mais voici bien un « autre prodige ! c'est Dieu qui descend jus« qu'à l'homme. Ce n'est point assez pour appartenir de plus près à sa créature ché« rie, il entre dans l'homme, et tout juste <<< est un temple habité par la Divinité (4). » C'est une merveille inconcevable, sans doute, mais en même temps infiniment plausible, qui satisfait la raison en l'écrasant. Il n'y a

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(1) Adhæreat visceribus meis... ut in me non remaneat scelerum macula. (Liturgie de la messe.)

(2) Usque ad divisionem animæ et spiritús. ( Hebr. IV, 12.)

Intentiones cordis. (Ibid.)

(4) Miraris homines ad Deos ire? Deus ad homines venit; imò ( quod proprius est) IN HOMINES VENIT. (Sen., Epist. LXXIV. In unoquoque virorum bonorum. (quis deus incertum EST) habitat Deus. (Id., Epist. XLI.) Beau mouvement de l'instinct humain, qui cherchait ce que la foi possède !

INTUS CHRISTUS INEST ET INOBSERVABILE NUMEN.

(Vida, Hymn. in Euchar.)

QUIS DEUS CERTUM EST.

pas dans tout le monde spirituel une plus magnifique analogie, une proportion plus frappante d'intentions et de moyens, d'effet et de cause, de mal et de remèdes. Il n'y a rien qui démontre d'une manière plus digne de Dieu ce que le genre humain a toujours confessé, même avant qu'on le lui eût appris : sa dégradation radicale, la réversibilité des mérites de l'innocence payant pour le coupable, et LE SALUT PAR LE SANG.

FIN DU SECOND ET DERNIER VOLUME.

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