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Il est bien vrai que la médecine et la divination sont très proches parentes (1).

Il est bien vrai que les dieux sont venus quelquefois s'asseoir à la table des hommes justes, et que, d'autres fois, ils sont venus sur la terre pour explorer les crimes de ces mêmes hommes (2).

(1) Ἱητρικὴ δέκαὶ μαντικὴ καὶ πάνυ συγγενὲς εἰσὶ. (Hippocr. Epist. ad Philop., opp., tom. II, p. 896.) « Car sans le «< secours d'Esculape, qui tenait ces secrets de son père, jamais les << hommes n'auraient pu inventer les remèdes.» (Ibid. p. 966.) La médecine a placé ses premiers inventeurs dans le ciel, et aujourd'hui encore on demande de tous côtés des remèdes aux oracles. ( Plin. Hist. nat., XXIX,1.) Ce qui ne doit point étonner, puisque <<< c'est le « Très-Haut qui a créé le médecin, et c'est lui qui guérit par les mé«decins.... C'est lui qui a produit de la terre tout ce qui guérit....; «< qui a fait connaître aux hommes les remèdes et qui s'en sert pour apaiser les douleurs.... Priez le Seigneur....; détournez-vous du péché...; purifiez votre cœur... Ensuite appelez le médecin; car << c'est le Seigneur qui l'a créé. » ( Eccli., XXXVIII, 1, 2, 4, 6, 7, 10, 12.)

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(2) Ils sont finis ces jours où les esprits célestes

Remplissaient ici-bas leurs messages divins :

Où l'ange, hôte indulgent du premier des humains,
L'entretenait du ciel, des grandeurs de son Maitre ;
Quelquefois s'asseyait à sa table champêtre,

Oubliant pour ses fruits le doux nectar des cieux.

(MILTON, trad. par M. Delille. P. P. IX, 1. seqq.)

C'est une élégante paraphrase d'Hésiode, cité lui-même par Origène comme rendant témoignage à la vérité. ( Adv. Cels., tom. I, opp. IV, n° 76, p. 563.)

Ξυναὶ γὰρ τότε δαίτες ἔσαν ξυνοί δὲ ποώκοι
Αθανατοῖσι θεοῖσι κατὰ θνητοίς τ ̓ ἀνθρώποις.

(Gen. XVIII, XIX. Ovid. Metam. I, 210, seqq.)

Il est bien vrai que les nations et les villes ont des patrons, et, qu'en général, Jupiter exécute une infinité de choses dans ce monde par le ministère des génies (1).

Il est bien vrai que les éléments mêmes, qui sont des empires, sont présidés, comme les empires, par certaines divinités (2).

Il est bien vrai que les princes des peu

(1) Constat omnes urbes in alicujus Dei esse tutelá, etc. (Macrob., Sat. III, 9.) Quemadmodum veteres Pagani tutelaria sua numina habuerunt regnorum, provinciarum et civitatum (Dî quibus imperium stelerat), ita romana Ecclesia suos habet tutelares sancios, etc. (Henr. Morus, opp. theol., p. 665.)

Exod. xIII; Dan. x, 13, 20, 21; xu, 1. Apoc. viii, 3; xiv, 18; xvi, 5. Huet, Dem.evang. prop. VII, no 9. S. Aug., De Civ. Dei, VII,

30.

Saint Augustin dit que Dieu exerçait sa juridiction sur les Gentils par le ministère des anges; et ce sentiment est fondé sur plusieurs textes de l'Ecriture. (Berthier sur les Psaumes, Ps. CXXXIV, 4, tom. V, p. 363.) — « Mais ceux qui, par une grossière imagination (en effet, «< il n'y en a pas de plus grossière ), croient toujours ôter à Dieu tout ce «< qu'ils donnent à ses anges et à ses saints......., ne prendront-ils jamais le << droit esprit de l'Ecriture, etc.?» (Bossuet, Préf. sur l'expl. de l'Apoc., n° xxvII.) Voy. les Pensées de Leibnitz, tom. II, p. 54, 66.

(2) Quand je vois dans les prophètes, dans l'Apocalypse et dans l'Evangile même, cet ange des Perses, cet ange des Grecs, cet ange des Juifs, l'ange des petits enfants, qui en prend la défense...; l'ange des caux, l'ange du feu, etc., je reconnais dans ces paroles une espèce de médiation des saints anges: je vois même le fondement qui peut avoir donné occasion aux Païens de distribuer leurs divinités dans les éléments et dans les royaumes pour y présider : car toute erreur est fondée sur une vérité dont on abuse (Bossuet, ibid.) et dont elle n'est qu'une vicieuse imitation. (Massillon, Ver. de la Rel., 1er point.)

ples sont appelés au conseil du Dieu d'Abraham, parce que les puissants dieux de la terre sont bien plus importants qu'on ne le croit (1).

Mais il est vrai aussi que

parmi tous ces dieux, il n'en est pas un qui puisse se com<<< parer au SEIGNEUR, et dont les œuvres approchent des siennes.

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Puisque le ciel ne renferme rien de « semblable à lui; que parmi les fils de Dieu, « Dieu même n'a point d'égal; et que, d'ailleurs, il est le seul qui opère des mi<<< racles (2).

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Comment donc ne pas croire que le Paganisme n'a pu se tromper sur une idée aussi universelle et aussi fondamentale que

(1) Quæ Pater ut summà vidit Saturnius arce,
Ingemit, et referens fœdæ convivia mensæ,
Ingentes animo et dignas Jove concipit iras,
Conciliumque vocat; tenuit mora nulla vocatos....

Dextra leváque deorum

Atria nobilium valvis celebrantur apertis....
Ergo ubi marmoreo Superi sedère recessu,
Celsior ipse loco, etc.

(OVID., Métam. II

Principes populorum congregati sunt cum Deo Abraham: quoniam dii fortes terræ vehementer elevati sunt. ( Ps. XLVI, 10.)

(2) Non est similis tui in diis, DoMINE; et non est secundùm opera tua (Ps. LXXXV, 8.)

Quis in nubibus (sur l'Olympe) æquabitur Domino; similis erit Deo in filiis Dei? (Ps. LXXXVIII, 7.)

Qui facis mirabilia solus. (Ps. LXXI, 15.)

celle des sacrifices, c'est-à-dire de la rédemption par le sang? Le genre humain ne pouvait deviner le sang dont il avait besoin. Quel homme livré à lui-même pouvait soupçonner l'immensité de la chute et l'immensité de l'amour réparateur ? Cependant tout peuple, en confessant plus ou moins clairement cette chute, confessait aussi le besoin et la nature du remède.

Telle a été constamment la croyance de tous les hommes. Elle s'est modifiée dans la pratique, suivant le caractère des peuples et des cultes; mais le principe paraît toujours? On trouve spécialement toutes les nations d'accord sur l'efficacité merveilleuse du sacrifice volontaire de l'innocence qui se dévoue elle-même à la divinité comme une victime propitiatoire. Toujours les hommes ont attaché un prix infini à cette soumission du juste qui accepte les souffrances; c'est par ce motif que Sénèque, après avoir prononcé son fameux mot: Ecce par Deo dignum! vir fortis cum malá fortuna compositus (1), ajoute tout de suite: UTIQUE SI ET PROVOCAVIT (2).

(1) Voyez le grand homme aux prises avec l'infortune! ces deux lutleurs sont dignes d'occuper les regards de Dieu. (Sen. De Provid., 11.) (2) Du moins si le grand homme a provoqué le combat. (Ibid.)

Lorsque les féroces geôliers de Louis XVI, prisonnier au Temple, lui refusèrent un rasoir, le fidèle serviteur qui nous a transmis l'histoire intéressante de cette longue et affreuse captivité lui dit: Sire, présentez-vous à la Convention nationale avec cette longue barbe, afin que le peuple voie comment vous étes traité.

Le roi répondit: JE NE DOIS POINT CHERCHER A INTÉRESSER SUR MON SORT (1).

Qu'est-ce donc qui se passait dans ce cœur si pur, si soumis, si préparé? L'auguste martyr semble craindre d'échapper au sacrifice, ou de rendre la victime moins parfaite : qu'elle acceptation! et que n'aura-t-elle pas mérité !

On pourrait sur ce point invoquer l'expérience à l'appui de la théorie et de la tradition; car les changements les plus heureux qui s'opèrent parmi les nations sont presque toujours achetés par de sanglantes catastrophes dont l'innocence est la victime. Le sang de Lucrèce chassa les Tarquins, et celui de Virginie, chassa les Décemvirs. Lorsque

(1) Voy. la Relation de M. Cléri. Londres, Baylis, 1793 ; in-8°, pag. 173.

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