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qui s'en écarte lui doit sa liberté. S'il pouvait y avoir sur ce point du plus et du moins, je dirais que les femmes sont plus redevables que nous au Christianisme. L'antipathie qu'il a pour l'esclavage (qu'il éteindra toujours doucement et infailliblement partout où il agira librement) tient surtout à elles sachant trop combien il est aisé d'inspirer le vice, il veut au moins que personne n'ait droit de le commander (1).

Enfin aucun législateur ne doit oublier cette maxime: Avant d'effacer l'Evangile, il faut enfermer les femmes, ou les accabler par des lois épouvantables, telles que celles de l'Inde. On a souvent célébré la douceur des Indous; mais qu'on ne s'y trompe pas : hors de la loi qui a dit, BEATI MITES! il n'y a point d'hommes doux. Il pourront être faibles, timides, poltrons, jamais doux. Le poltron

(1) Il faut remarquer aussi que si le Christianisme protége la femme, elle, à son tour, a le privilége de protéger la loi protectrice à un point qui mérite beaucoup d'attention. On serait même tenté de croire que cette influence tient à quelque affinité secrète, à quelque loi naturelle. Nous voyons le salut commencer par une femme anoncée depuis l'origine des choses : dans toute l'histoire évangélique, les femmes jouent un rôle très remarquable; et dans toutes les conquêtes célèbres du Christianisme, faites tant sur les individus que sur les nations, toujours on voit figurer une femme. Cela doit être, puisque.... Mais j'ai peur que cette note devienne trop longue.

peut être cruel; il l'est même assez souvent : l'homme doux ne l'est jamais. L'Inde en fournit un bel exemple. Sans parler des atrocités superstitieuses que je viens de citer, qu'elle terre sur le globe a vu plus de cruautés ?

Mais nous, qui pâlissons d'horreur à la seule idée des sacrifices humains et de l'anthropophagie, comment pourrions-nous être tout à la fois assez aveugles et assez ingrats pour ne pas reconaître que nous ne devons ces sentiments qu'à la loi d'amour qui a veillé sur notre berceau? Une illustre nation, parvenue au dernier degré de la civilisation et de l'urbanité, osa naguère, dans un accès de délire dont l'histoire ne présente pas un autre exemple, suspendre formellement cette loi : que vimesnous ? en un clin d'œil, les mœurs des Iroquois et des Algonquins; les saintes lois de l'humanité foulées aux pieds; le sang innocent couvrant les échafauds qui couvraient la France; des hommes frisant et poudrant des têtes sanglantes, et la bouche même des femmes souillées de sang humain.

Voilà l'homme naturel ! ce n'est pas qu'il ne porte en lui-même les germes inextinguibles de la vérité et de la vertu : les droits de sa naissance sont imprescriptibles; mais sans

une fécondation divine, ces germes n'écloront jamais, ou ne produiront que des êtres équivoques et malsains.

Il est temps de tirer des faits historiques les plus incontestables une conclusion qui ne l'est pas moins.

Nous savons par une expérience de quatre siècles: Que partout où le vrai Dieu ne serà pas connu et servi, en vertu d'une révélation exprésse, l'homme immolera toujours l'homme, et souvent le dévorerà.

Lucrèce, après nous avoir raconté le sacrifice d'Iphigénie (comme une histoire authentique, cela s'entend, puisqu'il en avait besoin), s'écriaît d'un air triomphant:

Tant la religion peut enfanter de maux ! ́

Hélas! il ne voyait que les abus, ainsi que tous ses successeurs, infiniment moins excusables que lui. Il ignorait que celui des sacrifices humains, tout énormé qu'il était, disparaissait devant les maux que produit l'impiété absolue. Il ignorait, ou il ne voulait pas voir qu'il n'y a, qu'il ne peut y avoir même de religion entièrement fausse; que celle de toutes les nations policées, telle qu'elle était à l'époque où il écrivait, n'en était

que

pas moins le ciment de l'édifice politique, et les dogmes d'Epicure étaient précisément sur le point, en la sapant, de saper du même coup l'ancienne constitution de Rome, pour lui substituer une atroce et interminable tyrannie.

Pour nous, heureux possesseurs de la vérité, ne commettons pas le crime de la méconnaître. Dieu a bien voulu dissimuler quarante siècles (1); mais depuis que de nouveaux siècles ont commencé pour l'homme, ce crime n'aurait plus d'excuse. En réfléchissant sur les maux produits par les fausses religions, bénissons, embrassons avec transport la vraie, qui a expliqué et justifié l'instinct religieux du genre humain, qui a dégagé ce sentiment universel des erreurs et des crimes qui le déshonoraient, et qui a renouvelé la face de la terre.

TANT LA RELIGION PEUT CORRIGER DE MAUX!

(1) Actes XVII, 30. Et tempora quidem hujus ignorantiæ despiciens Deus, etc., vpepidóv. Arnaud, dans le nouveau Testament de Mons, traduit Dieu étant en colère contre ces temps d'ignorance, etc. Et dans une note au bas de la page, il écrit: Autrement, Dieu ayant laisse passer et comme dissimule; et, suivant la lettre, méprisé ces temps, elc. En effet, c'est tout à fait autrement.

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C'est à peu près, si je ne me trompe, ce qu'on peut dire, sans trop s'avancer, sur le principe caché des sacrifices, et surtout des sacrifices humains qui ont déshonoré toute la famille humaine. Je ne crois pas inutile maintenant de montrer, en finissant ce chapitre, de quelle manière la philosophie moderne a considéré le même sujet.

L'idée vulgaire qui se présente la première à l'esprit, et qui précède visiblement la réflexion, c'est celle d'un hommage ou d'une espèce de présent fait à la divinité. Les Dieux sont nos bienfaiteurs (datores bonorum); il est tout simple de leur offrir les prémices de ces mêmes biens que nous tenons d'eux : de là les libations antiques et cette offrande des prémices qui ouvraient les

repas (1).. Heyne, en expliquant ce vers d'Homère,

Du repas dans la flamme il jette les prémices (2).

trouve dans cette coutume l'origine des sacrifices : « Les anciens, dit-il, offrant aux

(1) Cette portion de la nourriture, qui était séparée et brûlée en l'honneur des dieux, se nommaient chez les Grecs Aparque (¿æ¤¡×) et l'action même d'offrir ces sortes de prémices était exprimée par un verbe (άжάрxε0×) aparquer ou COMMENCER (par excellence). (2) Ο δὲ ἐν πυρί βάλλε θυηλάς (Iliad. XI, 220.) Odyss. XIV, 436, 446.

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