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Solis nous a conservé un monument de l'horrible bonne foi de ces peuples, en nous transmettant le discours de Magiscatzin à Cortez pendant le séjour de ce fameux Espagnol a Tlascala. Ils ne pouvaient pas ↳ lui dit-il, se former l'idée d'un véritable sacrifice. à moins qu'un homme ne mourût pour le salut des autres (1).

Au Pérou les pères sacrifiaient de même leurs propres enfants (2). Enfin cette fureur, et même celle de l'anthropophagie, ont fait le tour du globe et déshonoré les deux continents (3).

les lois et les coutumes que nous tenons de nos ancêtres veulent que l'en-rólement ne connaisse plus d'exceptions.—Et en effet, les esclaves mêmes marchaient.(Cic. pro M. Fonteio.)

(1) Ni sabian que pudiese hacer sacrificio, sin que muriese alguno por la salud de los demas. (Ant. Solis, Cong, de la Nueva Esq. lib. III, c.3.)

(2) On trouvera un détail exact de ces atrocités dans les lettres américaines du comte Carli-Rubi, et dans les notes d'un traducteur fanatique qui a malheureusement souillé des recherches intéressantes par tous les excès de l'impiété moderne. (Voy. Lettres américaines, traduct. de l'italien de M. le comte Gian Rinaldo Carli. Paris, 1788; 2 vol. in-8o, lettre vine, p. 116; et lettre xxvie, p. 407 et suiv.) En réfléchissant sur quelques notes très sages, je serais tenté de croire que la traduction, originairement partie d'une main pure, a été gâtée dans une nouvelle édition par une main bien différente : c'est une manœuvre moderne et très connue.

(3) L'éditeur français de Carli se demande pourquoi? et il répond doctement: Parce que l'homme du peuple est toujours dupe de l'opinion. (Tom. I, lettre xine, p. 416.) Belle et profonde solution!

Aujourd'hui même, malgré l'influence de nos armes et de nos sciences, avons-nous pu déraciner de l'Inde ce funeste préjugé des sacrifices humains?

Que dit la loi antique de ce pays, l'évangile de l'Indostan ? Le sacrifice d'un homme réjouit la divinité pendant mille ans; et celui de trois hommes pendant trois mille ans (1).

Je sais que, dans des temps plus ou moins postérieurs à la loi, l'humanité, parfois plus forte que le préjugé, a permis de substituer à la victime humaine la figure d'un homme formée en beurre ou én pâte; mais les sacrifice réels ont duré pendant des siècles, et celui des femmes à la mort de leurs maris subsiste toujours.

Cet étrange sacrifice s'appelle le Pitrimedha-Yaga (2): la prière que la femme récite avant de se jeter dans les flammes se nomme

(1) Voy. le Rudhiradhyaya, ou le chapitre sanglant, traduit du Calica-Puran, par M. Blaquière. (Asiat. Research. Sir Will. Jones's works n-4°, tom. II, p. 1058.)

(2) Cette coutume qui ordonne aux femmes de se donner la mort ou de se brûler sur le tombeau de leurs maris, n'est point particulière à l'Inde. On la retrouve chez des nations du Nord. ( Hérod. liv. V, ch. 1, § 11.) Voy. Brottier sur Tacite, de Mor. Germ. c. xix, note 6. -Et en Amérique. (Carli, Lettres citées, tom. I, lettre x.)

la Sancalpa. Avant de s'y précipiter, elle invoque les dieux, les éléments, son âme et sa conscience (1); elle s'écrie : et toi, ma conscience! sois témoin que je vais suivre mon époux, et, en embrassant le corps au milieu des flammes, elle s'écrie satya'! satya! satya! (ce mot signifie vérité).

C'est le fils ou le plus proche parent qui met le feu au bûcher (2). Ces horreurs ont lieu dans un pays où c'est un crime horrible de tuer une vache; où le superstitieux bramine n'ose pas tuer la vermine qui le dévore,

Le gouvernement du Bengale ayant voulu connaître, en 1803, le nombre des femmes qu'un préjugé barbare conduisait sur le bûcher de leurs maris, trouva qu'il n'était pas moindre de trente mille par ans (3).

(1) La conscience!

Qui sait ce que vaut cette persuasion au tribunal du juge infaillible qui est si doux pour tous les hommes, et qui verse sa miséricorde sur toutes ses créatures, comme sa pluie sur toutes es plantes? (Ps. CXLIV, 9.)

(2) Asiat. Research., tom. VII, p. 222.

(3) Extraits des papiers anglais traduits dans la Gazette de France du 19 juin 1804, no 2369. — Annales littéraires et morales, tom. II, Paris, 1804; in-8°, p. 145.-M. Colebrooke, de la société de Calcutta, assure, à la vérité, dans les Recherches asiatiques ( Sir William Jones's works, Supplém., tom. II, p. 722.), que le nombre de ces martyres de la superstition n'a jamais été bien considérable, et que les exemples en sont devenus rares. Mais d'abord ce mot de rare ne pré

Au mois d'avril 1802, les deux femmes d'Ameer-Jung, régent de Tanjore, se brûlèrent encore sur le corps de leur mari. Le détail de ce sacrifice fait horreur : tout ce que la tendresse maternelle et filiale a de plus puissant, tout ce que peut faire un gouvernement qui ne veut pas user d'autorité, fut employé en vain pour empêcher cette atrocité: les deux femmes furent inébranlables (1).

Dans quelques provinces de ce vaste continent, et parmi les classes inférieures du peuple, on fait assez communément le vœu de se tuer volontairement, si l'on obtient telle ou telle grâce des idoles du lieu. Ceux qui ont fait ces vœux, et qui ont obtenu ce qu'ils désiraient, se précipitent d'un lieu nommé Calabhairava, situé dans les montagnes entre les rivières Tapti et Nermada. La foire annuelle qui se tient là est communément témoin de huit ou dix de ces sacrifices commandés par la superstition (2).

sente rien de précis ; et j'observe d'ailleurs que le préjugé étant incontestable, et régnant sur une population de plus de soixante millions d'hommes peut-être, il semble devoir produire nécessairement un très grand nombre de ces atroces sacrifices.

(1) Voy. The asiatic. annual Register, 1802, in-8°. On voit dans la relation que, suivant l'observation des chefs marattes ces sortes de sacrifices n'étaient point rares dans le Tanjore.

(2) Asiat. Research, tom, VII, p. 267.

Toutes les fois qu'une femme indienne accouche de deux jumeaux, elle doit en sacrifier un à la déesse Gonza, en le jetant dans le Gange quelques femmes mêmes sont encore sacrifiées de temps en temps à cette déesse (1).

Dans cette Inde si vantée, « la loi permet « au fils de jeter à l'eau son père vieux et in. capable de travailler pour se procurer sa « subsistance. La jeune veuve est obligée de <<< se brûler sur le bûcher de son mari; on «offre des sacrifices humains pour apaiser « le génie de la destruction, et la femme qui « a été stérile pendant longtemps offre à «son dieu l'enfant qu'elle vient de mettre « au monde, en l'exposant aux oiseaux de «proie ou aux bêtes féroces, ou en le lais«sant entraîner par les eaux du Gange. La

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plupart de ces cruautés furent encore com«mises solennellement, en présence des Européens, à la dernière fête indostane don« née dans l'île de Sangor, au mois de « décembre 1801 (2). »

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On sera peut-être tenté de dire : Comment

(1) Gazette de France, à l'endroit cité.

(2) Voy. Essais by the students of Fort William Bengal, etc. Calcurta, 1802.

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