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tutions légales très connues dans l'antiquité, et si ridiculement niées par Voltaire. Les anciens, persuadés qu'une divinité courroucée ou malfaisante en voulait à la chasteté de leurs femmes, avaient imaginé de lui livrer des victimes volontaires, espérant ainsi que Vénus, tout entière à sa proie attachée, ne troublerait point les unions légitimes: semblable à un animal féroce auquel on le pour le détourner

jetterait un agneau pour d'un homme (1).

Il faut remarquer que, dans les sacrifices proprement dits, les animaux carnaciers ou stupides, ou étrangers à l'homme, comme les bêtes fauves, les serpents, les poissons, les oiseaux de proies, etc., n'étaient point immolés (2). On choisissait toujours, parmi les animaux, les plus précieux par leur utilité, les plus doux, les plus innocents, les plus en rapport avec l'homme par leur instinct et leurs habitudes. Ne pouvant enfin immoler l'homme pour sauver l'homme, on choisissait dans l'espèce animale les victimes les plus

(1) Voy. la Nouvelle démonstration evangélique de Leland. Liége, 1768, 4 vol. in-12, tom. I, part. I, chap. vii, p. 352.

(2) A quelques exceptions près qui tiennent à d'autres principes.

humaines, s'il est permis de s'exprimer ainsi; et toujours la victime était brûlée en tout ou en partie, pour attester que la peine naturelle du crime est le feu, et que la chair substituée était brûlée à la place de la chair coupable (1).

:

Il n'y a rien de plus connu dans l'antiquité que les tauroboles et les crioboles qui tenaient au culte oriental de Mithra. Ces sortes de sacrifices devaient opérer une purification parfaite, effacer tous les crimes et procurer à l'homme une véritable renaissance spirituelle on creusait une fosse au fond de laquelle était placé l'initié : on étendait audessus de lui une espèce de plancher percé d'une infinité de petites ouvertures, sur lequel on immolait la victime. Le sang coulait en forme de pluie sur le pénitent, qui le recevait sur toutes les parties de son corps (1),

(1) Car tout ainsi que les humeurs viciés produisent dans les corps le feu de la fièvre, qui les purifie ou les consume sans les brûler, de même les vices produisent dans les âmes la fièvre du feu, qui les purifie ou les brûle sans les consumer. (Vid. Orig., De Princip. II, 40, opp. tom. I, p. 102.)

(2) Prudence nous a transmis une description détaillée de cette dégoûtante cérémonie :

Tum per frequentes mille rimarum vias
Illapsus imber tabidum rorem pluit;

et l'on croyait que cet étrange baptême opérait une régénération spirituelle. Une foule de bas reliefs et d'inscriptions (1) rappellent cette cérémonie et le dogme universel qui l'avait fait imaginer.

Rien n'est plus frappant dans toute la loi de Moïse que l'affectation constante de contredire les cérémonies païennes, et de sépa rer le peuple hébreux de tous les autres par des rites particuliers; mais, sur l'article des sacrifices, il abandonne son système général; il se conforme au rite fondamental des na tions; et non-seulement il s'y conforme, mais

Defossus intus quem sacerdos excipit,
Guttas ad omnes turpe subjectum caput
Et veste et omni putrefactus corpore.
Quin os supinat, obvias offert genas ;
Supponit aures; labra, nares objicit,
Oculos et ipsos proluit liquoribus :
Nec jam palato parcit, et linguam rigat
Donec cruorem totus atrum combibat.

(1) Gruter nous en a conservé une qui est très singulière, et que Van Dale a citée à la suite du passage de Prudence :

DIS MAGNIS

MATRI DEUM ET ATTIDL

SEXTUS AGESILAUS ESIDIUS....

• . TAUROBOLIO

CRIOBOLIOQUE IN ÆTERNUM

RENATUS ARAM SACRAVIT.

(Ant. Van Dale, Dissert. de orac. ethnicorum. Amst., 1683;

in-8°, p. 223.)

il le renforce au risque de donner au caractère national une dureté dont il n'avait nul besoin. Il n'y a pas une des cérémonies prescrites par ce fameux législateur, et surtout il n'y a pas une purification, même physique, qui n'exige du sang.

La racine d'une croyance aussi extraordinaire et aussi générale doit être bien profonde. Si elle n'avait rien de réel ni de mystérieux, pourquoi Dieu lui-même l'aurait-il conservée dans la loi mosaïque? où les anciens auraient-il pris cette idée d'une renaissance spirituelle par le sang? et pourquoi aurait-on choisi, toujours et partout, pour honorer la Divinité, pour obtenir ses faveurs, pour détourner sa colère, une cérémonie que la raison indique mutuellement et que le 'sentiment repousse ? Il faut nécessairement recourir à quelque cause secrète, et cette cause était bien puissante.

CHAPITRE II..

DES SACRIFICES HUMAINS.

La doctrine de la substitution étant universellement reçue, il ne restait plus de doute sur l'efficacité des sacrifices proportionnée à l'importance des victimes; et cette double croyance, juste dans ses racines, mais corrompue par cette force qui avait tout corrompu, enfanta de toute part l'horrible superstition des sacrifices humains. En vain la raison disait à l'homme qu'il n'avait point de droit sur son semblable, et que même il l'attestait tous les jours en offrant le sang des animaux pour racheter celui de l'homme; en vain la douce humanité et la compassion naturelle prêtaient une nouvelle force aux arguments de la raison: devant ce dogme entraînant, la raison demeurait aussi impuissante que le sentiment.

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