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Or il est certain que, dans cette cérémonie, les Egyptiens peuvent être regardés comme de véritables précurseurs de la révélation qui a dit anathème à la chair, qui l'a déclarée ennemie de l'intelligence, c'està-dire de Dieu, et nous a dit expressément que tous ceux qui sont nés du sang ou de la volonté de la chair ne deviendront jamais enfants de Dieu (1).

L'homme étant donc coupable par son principe sensible, par sa chair, par sa vie, l'anathème tombait sur le sang; car le sang était le principe de la vie, ou plutôt le sang était la vie (2). Et c'est une chose bien sin

(Plut., De usu carn., Orat. II,) cités par M. Larcher dans sa précieuse traduction d'Hérodote, liv. II, § 85. Je ne sais au reste pourquoi ce grand helléniste a traduit dà raûra par c'est pour ces choses; au lieu de, c'est par ces choses.

Il y a un rapport singulier entre cette prière des prêtres égyptiens et celle que l'Eglise prononce à côté des agonisants. « Quoiqu'il ait péché, il a cependant toujours cru; il a porté dans son sein le «< zèle de Dieu; il n'a cessé d'adorer le Dieu qui a tout créé, etc. » Licèt enim peccaverit, tamen.... credidit, et zelum Dei in se habuit,

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et eum qui fecit omnia fideliter adoravit, etc.

(1) Joh. I, 12, 13. Lorsque David disait : Spiritum rectum innova in visceribus meis, ce n'était point une expression vague ou une manière de parler: il énonçait un dogme précis et fondamental.

(2) Vous ne mangerez point le sang des animaux, qui est leur vie. (Gen. IX, 4, 5.) La vie de la chair est dans le sang; c'est pourquoi je vous l'ai donné, afin qu'il soit répandu sur l'autel pour l'expiation de vos péchés ; car c'est par le sang que l'AME sera purifiée. (Lev. XIII,

gulière que ces vieilles traditions orientales, auxquelles on ne faisait plus d'attention, aient été ressuscitées de nos jours, et soutenues par les plus grands physiologistes.

Le chevalier Rosa avait dit, il y longtemps, en Italie, que le principe vital réside dans le sang (1). Il a fait sur ce sujet de fort belles expériences, et il a dit des choses curieuses sur les connaissances des anciens à cet égard; mais je puis citer une autorité plus connue (2), celle du célèbre Hunter, le plus grand anatomiste du dernier siècle, qui a ressuscité et motivé le dogme oriental de la vitalité du sang.

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« Nous attachons, dit-il, l'idée de la vie « à celle de l'organisation; en sorte que nous << avons de la peine à forcer notre imagina<tion de concevoir un fluide vivant; mais

11.) Gardez-vous de manger leur sang (des animaux) car leur sang est leur vie ; ainsi vous ne devez pas manger avec leur chair ce qui est leur vie; mais vous répandrez ce sang sur la terre comme l'eau (Deut. XII, 23, 24, etc., etc., etc.)

(1) On trouvera une belle analyse de ce système dans les œuvres du comte Gian-Rinaldo Carli-Rubi. Milan, 1790, 30 vol. in-8°, tom. IX.

(2) Je ne dis pas plus décisive, car les pièces ne sont plus sous mes yeux, et jamais je n'ai pu les comparer. D'ailleurs, quand Rosa aurait tout dit, qu'importe ? l'honneur de la priorité pour le système de la vitalité du sang ne lui serait point accordé. Sa patrie n'a ni flottes, ni armées, ni colonies: tant pis pour elle et tant pis pour lui.

II.

22.

L'organisation n'a rien de commun avec « la vie (1). Elle n'est jamais qu'un instru«ment, une machine qui ne produit rien, « même en mécanique, sans quelque chose qui réponde à un principe vital, savoir « une force.

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« Si l'on réfléchit bien attentivement sur << la nature du sang, on se prête aisément « à l'hypothèse qui le suppose vivant. On « ne conçoit pas même qu'il soit possible «<< d'en faire une autre, lorsqu'on considère qu'il n'y a pas une partie de l'animal qui << ne soit formée du sang, que nous venons « de lui (wee grow out of it), et que, s'il « n'a pas la vie antérieurement à cette opé«ration, il faut au moins qu'il l'acquière « dans l'acte de la formation, puisque nous « ne pouvons nous dispenser de croire à c l'existence de la vie dans les membres << on différentes parties, dès qu'elles sont << formées (2).

Il paraît que cette opinion du célèbre Hunter à fait fortune en Angleterre. Voici ce qu'on lit dans les Recherches asiatiques :

(1) Vérité du premier ordre et de la plus grande évidence. (2) Voy. John. Hunter's a Treatise on the blood, inflammation and Gun-shot wounds. London, 1794; in-4°.

« C'est une opinion, du moins aussi an

«< cienne que Pline, que le sang est un fluide <<< vivant; mais il était réservé au célèbre

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physiologiste Jean Hunter de placer cette

<< opinion au rang de ces vérités dont il n'est plus possible de disputer (1). :

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La vitalité du sang, ou plutôt l'identité. du sang et de la vie étant posée comme un fait dont l'antiquité ne doutait nullement, et. qui a été renouvelé de nos jours, c'était aussi une opinion aussi ancienne que le monde, le ciel irrité contre la chair et le sang, ne pouvait être apaisé que par le sang; et aucune nation n'a douté qu'il y eût dans l'effusion du sang une vertu expiatoire! Or, ni la raison ni la folie n'ont pu inventer cette idée, encore moins la faire adopter généralement. Elle a sa racine dans les dernières profon

(2) Voy. le Mémoire de M. William Boag sur le venin des serpents, dans les Recherches asiatiques, tom. VI, in-4o, p. 108.

On a vu que Pline est bien jeune comparé à l'opinion de la vitalité du sang; voici au reste ce qu'il dit sur ce sujet : Duc grandes venæ..... per alias minores omnibus membris vitalitatem rigant.......... magna est in eo vitalitatis portio.

(C. Plinii Sec. Hist. nat. curis Harduini. Paris, 1685; in-4o, t. II, lib. XII, cap. 69-70, pag. 364, 365, 583.)

Hinc sedem animæ sanguinem esse veterum plerique dixerunt. (Not. Hard., ibid., p. 583.)

la

deurs de la nature humaine, et l'histoire, sur ce point, ne présente pas une seule dissonnance dans l'univers (1). La théorie entière reposait sur le dogme de la réversibilité. On croyait (comme on a cru, comme on croira toujours) que l'innocent pouvait payer pour le coupable; d'où l'on concluait que vie étant coupable, une vie moins précieuse pouvait être offerte et acceptée pour une autre. On offrit donc le sang des animaux; et cette ame, offerte pour une dme, les anciens l'appelèrent antipsychon ( avri‡uxov ), vicariam animam; comme qui dirait ame pour âme ou âme substituée (2).

Le docte Goguet a fort bien expliqué, par ce dogme de la substitution, ces prosti

(1) C'était une opinion uniforme, et qui avait prévalu de toute part, que la rémission ne pouvait s'obtenir que par le sang, et que quelqu'un devait mourir pour le bonheur d'un autre. (Bryant's Mythology explaned. tom. II, in-4°, p. 455.)

Les Thalmudistes décident de plus que les péchés ne peuvent être effacés que par le sang. (Huet. Dem. Evang. prop. IX, nap. 145.)

Ainsi le dogme du salut par le sang se retrouve partout. Il brave le temps et l'espace; il est indestructible, et cependant il ne découle d'aucune raison antécédente ni d'aucune erreur assignable.

(2) Lami, Appar : Ad Bibl. I, 7.

Cor

pro
corde, precor, pro fibris accipe fibras,
Hane animam vobis pro meliore damus.

(OVID. Fast. VI, 161.)

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