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LE SÉNATEUR.

Ne me grondez pas, mon cher chevalier; vous savez, et votre ami le sait aussi, que je suis à genoux devant les glorieuses actions qui ont illustré le clergé français pendant l'épouvantable période qui vient de s'écouler. Lorsque j'ai dit: Vous n'avez plus de héros, j'ai parlé en général et sans exclure aucune noble exception : j'entendais seulement indiquer un certain affaiblissement universel que vous sentez tout aussi-bien que moi; mais je ne veux point insister, et je vous rends la parole, M. le comte.

LE COMTE.

Je réponds donc, puisque vous le voulez l'un et l'autre. Vous attendez un grand événement vous savez que, sur ce point, je suis totalement de votre avis, et je m'en suis expliqué assez clairement dans l'un de nos premiers entretiens. Je vous remercie de vos réflexions sur ce grand sujet, et je vous remercie en particulier de l'explication si simple, si naturelle, si ingénieuse du Pollion de Virgile, qui me semble tout à fait acceptable au tribunal du sens commun.

Je ne vous remercie pas moins de ce que vous me dites sur la société biblique. Vous êtes le premier penseur qui m'ayez un peu réconcilié avec une institution qui repose tout entière sur une erreur capitale; car ce n'est point la lecture, c'est l'enseignement de l'Ecriture sainte qui est utile: la douce colombe, avalant d'abord et triturant à demi le grain qu'elle distribue ensuite à sa couvée, est l'image naturelle de l'Eglise expliquant aux fidèles cette parole écrite, qu'elle a mise à leur portée. Lue sans notes et sans explication, l'Ecriture sainte est un poison. La société biblique est une œuvre protestante, et, comme telle, vous devriez la condamner ainsi que moi; d'ailleurs, mon cher ami, pouvez-vous nier qu'elle ne renferme, je ne dis pas seulement une foule d'indifférents, mais de sociniens même, de déistes achevés, je dis plus encore, d'ennemis mortels du Christianisme?.. Vous ne répondez pas......... on ne saurait mieux répondre.... Voilà cependant, il faut l'avouer, de singuliers propagateurs de la foi ! Pouvezvous nier de plus les alarmes de l'église anglicane, quoiqu'elle ne les ait point encore exprimées formellement ? Pouvez-vous ignorer que les vues secrètes de cette société ont

été discutées avec effroi dans une foule d'ouvrages composés par des docteurs anglais ? Si l'église anglicane, qui renferme de si grandes lumières, a gardé le silence jusqu'à présent, c'est qu'elle se trouve placée dans la pénible alternative, ou d'approuver une société qui l'attaque dans ses fondements, ou d'abjurer le dogme insensé et cependant fondamental du Protestantisme, le jugement particulier. Il y aurait bien d'autres objections à faire contre la société biblique, et la meilleure c'est vous qui l'avez faite, M. le sénateur; en fait de prosélytisme, ce qui déplait à Rome ne vaut rien. Attendons l'effet qui décidera la question. On ne cesse de nous parler du nombre des éditions; qu'on nous parle un peu de celui des conversions. Vous savez, au reste, si je rends justice à la bonne foi qui se trouve disséminée dans la société, et si je vénère surtout les grands noms de quelques protecteurs! Ce respect est tel, que souvent je me suis surpris argumentant contre moimême sur le sujet qui nous occupe dans ce moment, pour voir s'il y aurait moyen de transiger avec l'intraitable logique. Jugez donc si j'embrasse avec transport le point de vue ravissant et tout nouveau sous lequel vous me

faites apercevoir dans un prophétique lointain l'effet d'une entreprise qui, séparée de cet espoir consolateur, épouvante la religion au lieu de la réjouir.

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Cætera desiderantur.

FIN DU ONZIÈME ET DERNIER ENTRETIEN.

NOTES DU ONZIÈME ENTRETIEN.

No I.

(Page 270... La nation française devait être le grand instrument de la plus grande des révolutions.)

On ne lira pas sans intérêt le passage suivant d'un livre allemand intitulé: Die Siegesgeschichte der christlichen Religion in einer gemein“ nützigen Erklarung der Offenbarung Johannis. Nüremberg, 1799, in-8°. L'auteur anonyme est fort connu en Allemagne ; mais nullement en France, que je sache du moins. Son ouvrage mérite d'être lu par tous ceux qui en auront la patience. A travers les flots d'un fanatisme qui fait peur, erat quod tollere velles. Voici donc le passage, qui est très analogue à ce que vient de dire l'interlocuteur.

« Le second ange qui crie: Babylone est tombée, est Jacob Bohme. << Personne n'a prophétisé plus clairement que lui sur ce qu'il appelle « l'ère des lis (LITIENZEIT). » Tous les chapitres de son livre crient : «<< Babylonne est tombée! sa prostitution est tombée; le temps des lis es « arrive.» (Ibid., ch. XIV, v. vIII, pag. 421.)

<< Le roi Louis XVI avait mûri dans sa longue captivité, et il était de« venu une gerbe parfaite. Lorsqu'il fut monté sur l'échafaud, il leva << les yeux au ciel et dit comme son rédempteur : Seigneur pardonnez à « mon peuple. Dites, mon cher lecteur, si un homme peut parler ainsi «< sans être pénétré (durchgedrungen) de l'esprit de Jésus-Christ! Après «<lui des millions d'innocents ont été moissonnés et rassemblés dans la « grange par l'épouvantable révolution. La moisson a commencé par le champ français, et de là elle s'étendra sur tout le champ du Seigneur « dans la chrétienté. Tenez-vous donc prêts, priez et veillez. (Page429.

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