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gion est de lui montrer ce qu'il vaut, lui montrant ce qu'il a coûté.

REGARDEZ-MOI; C'EST DIEU QUI FAIT MOURIR UN DIEU (1).

en

Oui! regardons - le attendivement, amis qui m'écoutez! et nous verrons tout dans ce sacrifice énormité du crime qui a exigé une telle expiation; inconcevable grandeur de l'être qui a pu le commettre; prix infini de la victime qui a dit: Me voici (2)!

Maintenant, si l'on considère d'une part que toute cette doctrine de l'antiquité n'était que le cri prophétique du genre humain, annonçant le salut par le sang, et que, de l'autre, le Christianisme est venu justifier cette prophétie, en mettant la réalité à la place du type, de manière que le dogme inné et radical n'a cessé d'annoncer le grand sacrifice qui est la base de la nouvelle révélation, et que cette révélation, étincelante de tous les rayons de la vérité, prouve à son tour l'origine

(1) ΙΔΕΣΘΕ ΜΟΙΑ ΠΡΟΣ ΘΕΟΥ ΠΑΣΧΩ ΘΕΟΣ. Videte quanta patior à Deo Deus!

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divine du dogme que nous apercevons constamment comme un point lumineux au milieu des ténèbres du Paganisme, il résulte de cet accord une des preuves les plus entraînantes qu'il soit possible d'imaginer.

Mais ses vérités ne se prouvent point par le calcul ni par les lois du mouvement. Celui qui a passé sa vie sans avoir jamais goûté les choses divines; celui qui a rétréci son esprit et desséché son cœur par de stériles spéculations qui ne peuvent, ni le rendre meilleur dans cette vie, nile préparer pour l'autre ; celui-là, dis-je, repoussera ces sortes de preuves, et même il n'y comprendra rien. Il est des vérités que l'homme ne peut saisir qu'avec l'esprit de son coeur (1). Plus d'une fois l'homme de bien est ébranlé, en voyant des personnes dont il estime les lumières se refuser à des preuves qui lui paraissent claires : c'est une pure illusion. Ces personnes manquent d'un sens, et voilà tout. Lorsque l'homme le plus habile n'a pas le sens religieux, non-seulement nous ne pouvons pas le vaincre, mais nous n'avons même aucun moyen de nous faire entendre de lui, ce qui

(1) MENTE CORDIS SUI. (Luc I, 51.)

ne prouve rien que son malheur. Tout le monde sait l'histoire de cet aveugle-né qui avait découvert, à force de réflexion, que le cramoisi ressemblait infiniment au son de la trompette: or, que cet aveugle fût un sot ou qu'il fût un Saunderson, qu'importe à celui qui sait ce que c'est que le cramoisi?

Il faudrait de plus grands détails pour approfondir le sujet intéressant des sacrifices; mais je pourrais abuser de votre patience, et moi-même je craindrais de m'égarer. Il est des points qui exigent, pour être traités à fond, tout le calme d'une discussion écrite(1). Je crois au moins, mes bons amis, que nous en savons assez sur les souffrances du juste. Ce monde est une milice, un combat éternel. Tous ceux qui ont combattu courageusement dans une bataille sont dignes de louanges sans doute; mais sans doute aussi la plus grande gloire appartient à celui qui en revient blessé. Vous n'avez pas oublié, j'en suis sûr, ce que nous disait l'autre jour un homme d'esprit que j'aime de tout mon cœur. Je ne suis pas du tout, disait-il, de l'avis de Sénèque, qui ne s'étonnait point si Dieu se

(1) Voyez à la fin de ce volume le morceau intitulé: Eclaircissements sur les sacrifices.

donnait de temps en temps le plaisir de contempler un grand homme aux prises avec l'adversité (1). Pour moi, je vous l'avoue, je ne comprends point comment Dieu peut s'amuser à tourmenter les honnêtes gens. Peut-être qu'avec ce badinage philosophique il aurait embarrassé Sénèque ; mais pour nous il ne nous embarrasserait guère. Il n'y a point de juste, comme nous l'avons tant dit; mais s'il est un homme assez juste pour mériter les complaisances de son Créateur, qui pourrait s'étonner que Dieu, ATTENTIF SUR SON PROPRE OUVRAGE, prenne plaisir à le perfectionner? Le père de famille peut rire d'un serviteur grossier qui jure ou qui ment; mais sa main tendrement sévère punit rigoureusement ces mêmes fautes sur le fils unique dont il rachetterait volontiers la vie par la sienne. Si la tendresse ne pardonne rien c'est pour n'avoir plus rien à pardonner. En mettant l'homme de bien aux prises avec l'infortune, Dieu le purifie de ses fautes pas

(4) Ego verò non miror si quando impetum capit (Deus) spectandi magnos viros colluctantes cum aliquâ calamitate............ Ecce spectaculum dignum ad quod respiciat INTENTUS OPERI SUO DEUS! Ecce par Deo dignum! vir fortis cum mala fortuna compositus! (Sen., de Prov., cap. II.)

sées, le met en garde contre les fautes futures, et le mûrit pour le ciel. Sans doute il prend plaisir à le voir échapper à l'inévitable justice qui l'attendait dans un autre monde. Y a-t-il une plus grande joie pour l'amour que la résignation qui le désarme ? Et quand on songe de plus que ses souffrances ne sont pas seulement utiles pour le juste, mais qu'elles peuvent, par une sainte acceptation, tourner au profit des coupables, et qu'en souffrant ainsi il sacrifie réellement pour tous les hommes, on conviendra qu'il est en effet impossible d'imaginer un spectacle plus digne de la divinité.

Encore un mot sur ces souffrances du juste. Croyez-vous par hazard que la vipère ne soit un animal venimeux qu'au moment où elle mord, et que l'homme affligé du mal caduc ne soit véritablement épileptique que dans le moment de l'accès ?

LE SÉNATEUR.

Où voulez-vous donc en venir, mon digne ami?

LE COMTE.

Je ne ferai pas un long circuit, comme

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