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tional au peuple, il doit être pendu comme voleur domestique. Rousseau même en est convenu, sans songer à ce qu'il demandait pour lui (1). Pourquoi a-t-on commis l'imprudence d'accorder la parole à tout le monde ? C'est ce qui nous a perdus. Les philosophes (ou ceux qu'on a nommés de la sorte) ont tous un certain orgueil féroce et rebelle qui ne s'accommode de rien: ils détestent sans exception toutes les distinctions dont ils ne jouissent pas; il n'y a point d'autorité qui ne leur déplaise; il n'y a rien au-dessus d'eux qu'ils ne haïssent. Laissez-les faire, ils attaqueront tout, même Dieu, parce qu'il est maître. Voyez si ce ne sont pas les mêmes hommes qui ont écrit contre les rois et contre celui qui les a établis! Ah! si lorsque enfin la terre sera raffermie.......

LE SÉNATEUR.

Singulière bizarrerie du climat ! après une journée des plus chaudes, voilà le vent qui fraîchit au point que la place n'est plus tenable. Je ne voudrais pas qu'un homme

(1) Contrat social.

échauffé se trouvât sur cette terrasse; je ne voudrais même pas y tenir un discours trop animé. Il y aurait de quoi gagner une extinction de voix. A demain donc, mes bons amis.

FIN DU HUITIÈME ENTRETIEN.

NOTES DU HUITIÈME ENTRETIEN.

No I.

(Page 108. Ce dogme est si plausible qu'il s'empare pour ainsi dire du bon sens et n'attend pas la révélation.)

Les livres mêmes des protestants présentent plusieurs témoignages favorables à ce dogme. Je ne me refuserai point le plaisir d'en citer un les plus frappants, et que je n'irai point exhumer d'un in-fol. Dans les Mélanges extraits des papiers de madame Necker, l'éditeur, M. Necker, rappelle au sujet de la mort de son incomparable épouse ce mot d'une femme de campagne : « Si celle-là n'est pas reçue en paradis <«< nous sommes tous perdus. » Et il ajoute : Ah! sans doute elle y est dans ce séjour céleste ; ELLE Y EST OU ELLE Y SERA, et son crédity servira ses amis ! (Observations de l'éditeur, tom. I, p. 15.)

On conviendra que ce texte exhale une assez forte odeur de Catholicisme, tant sur le purgatoire que sur le culte des saints; et l'on ne saurait, je crois, citer une protestation plus naturelle et plus spontanée du bon sens contre les préjugés de sectes et d'éducation.

II.

(Page 109. Ils se brouillent de nouveau parce qu'ils ne veulent que le purgatoire.)

Le docteur Beattie, en parlant du VIo livre de l'Enéide, dit qu'on y trouve une théorie sublime des récompenses et des châtiments de l'autre vie, theorie prise probablement des Pythagoriciens et des Platoniciens, qui la devaient eux-mêmes à une ancienne tradition. Il ajoute que ce système, quoique imparfait, s'accorde avec les espérances et les craintes de l'homme, et avec leurs notions naturelles du vice et de la vertu, ASSEZ

pour rendre le récit du poète interessant et pathétique à l'excès. (On Thruth., part. III, ch. 1, in-8., p. 221, 223.)

Le docteur, en sa qualité de protestant, ne se permet pas de parler plus clair; on voit cependant combien sa raison s'accommodait d'un système qui renfermait surtout LUGENTES CAMPOS. Le Protestantisme, qui s'est trompé sur tout, comme il le reconnaîtra bientôt, ne s'est jamais trompé d'une manière plus anti-logique et plus anti-divine que sur l'article du purgatoire.

Les Grecs appelaient les morts les souffrants. (Oi nenμŋnótes, oi namóvτes.) Clarke, sur le 278e vers du IIIe livré de l'Iliade, et Ernesti dans son Lexique, ( in KAMNË ) prétendent que cette expression est exactement synonyme du latin vitâ functus ; ce qui ne peut être vrai, ce me semble, surtout à l'égard de la seconde forme καμόντες le vers d'Homère où se trouve cette expression remar quable indiquant, sans le moindre doute, la vie et la souffrance

actuelles.

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Καὶ ποταμοί, καὶ γαῖα, καὶ οἱ ὑπένερθε ΚΛΜΟΝΤΑΣ ̓Ανθρώπους τέννυσθον,

(Hom. Iliad., III, 278.)

III.

(Page 112. Puisqu'on ne saurait avoir l'idée de ce qui n'existe pas.) Mallebranche, après avoir exposé cette belle démonstration de l'existence de Dieu par l'idée que nous en avons, avec toute la force, toute la clarté, toute l'élégance imaginable, ajoute ces mots bien dignes de lui et bien dignes de nos plus sages méditations: Mais, dit-il, il est assez inutile de proposer au commun des hommes de ces démonstrations que l'on peut appeler personnelles (Mallebr., Rech. de la Vér., liv. II, chap. XI.) Que toute personne donc pour qui cette démonstration est faite s'écrie de tout son cœur Je vous remercie de n'être pas comme un de ceux-là. Ici la prière du pharisien est permise et même ordonnée, pourvu qu'en la prononçant, la personne ne pense pas de tout à ses talents, et n'éprouve pas le plus léger mouvement de haine

contre ceux-là.

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NOTES DU HUITIEME ENTRETIEN.

IV.

(Page 119. Ils ont fait de la recherche des intentions une affaire majeure, une espèce d'arcane.)

Un de ces fous désespérés, remarquable par je ne sais quel orgueil aigre, immodéré, repoussant, qui donnerait à tout lecteur l'envie d'aller battre l'auteur s'il était vivant, s'est particulièrement distingué par le parti qu'il a tiré de ce grand sophisme. Il nous a présenté une théorie des fins qui embrasserait les ouvrages de l'art et ceux de la nature (un soulier, par exemple, et une planète ), et qui proposerait des régles d'analyse pour découvrir les vues d'un agent par l'inspection de son ouvrage. On vient, par exemple, d'inventer le métier à bas : vous êtes tenu de découvrir par voie d'analyse les vues de l'artiste, et tant que vous n'avez pas deviné qu'il s'agit du bas de soie, il n'y a point de fin, et, par conséquent, point d'artiste. Cette theorie est destinée à remplacer les ouvrages où elle est faiblement traitée; car la plupart des ouvrages écrits jusqu'à présent sur les causes finales, renferment des principes si hasardés, si vagues, des observations si puériles et si décousues, des réflexions si triviales et si déclamatoires, qu'on ne doit pas être surpris qu'ils aient dégoûte tant de personnes de ces sortes de lectures. Il se garde bien, au reste, de nommer les auteurs de ces ouvrages si puerils, si déclamatoires, etc.; car il aurait fallu nommer tout ce qu'on a jamais vu de plus grand, de plus religieux et de plus aimable dans le monde, c'est-à-dire, tout ce qui lui ressemblait le moins.

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