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<<< titre. Quant au soldat, c'est, à tout pren

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dre, un ministre de cruautés et d'injus «tices. Combien y a-t-il de le, guerres évidem«ment justes? Combien n'y en a-t-il pas « d'évidemment injustes! Combien d'injus«<tices particulières, d'horreurs et d'atrocités <<< inutiles! J'imagine donc que l'opinion a « très justement versé parmi vous autant de « honte sur la tête du soldat, qu'elle a jeté « de gloire sur celle de l'exécuteur impassible « des arrêts de la justice souveraine. » oh

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Vous savez ce qui en est, messieurs, et combien le génie se serait trompé! Le militaire et le bourreau occupent en effet les deux extrémités de l'échelle sociale; mais c'est dans le sens inverse de cette belle théorie. Il n'y a rien de si noble que le premier, rien de si abject que le second car je ne ferai point un jeu de mots en disant que leurs fonctions ne se rapprochent qu'en s'éloignant; elles se touchent comme le premier dégré dans le cercle touche le 360°, précisément parce qu'il n'y en a pas de plus éloigné (1). li pulnay 29!, ja:

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(1) Il me semble, sans pouvoir l'assurer, que cette comparaison heureuse appartient au marquis de Mirabeau', qui l'emploie quelque " part dans Pami des hommes

Le militaire est si noble, qu'il ennoblit même ce qu'il y a de plus ignoble dans l'opinion générale, puisqu'il peut exercer les fonctions de l'exécuteur sans s'avilir, pourvu cependant qu'il n'exécute que ses pareils, et que, pour leur donner la mort, il ne se serve que de

ses armes.

LE CHEVALIER.

Ah! que vous dites là une chose importante, mon cher ami! Dans tout pays où, par quelque considération que l'on puisse imaginer, on s'aviserait de faire exécuter par le soldat des coupables qui n'appartiendraient pas à cet état, en un clin d'œil; et sans savoir pourquoi, on verrait s'éteindre tous ces rayons qui environnent la tête du mili- . taire on le craindrait, sans doute; car tout homme qui a, pour contenance ordinaire, un bon fusil muni d'une bonne platine, mérite grande attention: mais ce charme indéfinissable de l'honneur aurait disparu sans retour. L'officier ne serait plus rien comme officier : s'il avait de la naissance et des vertus, il il pourrait être considéré, malgré son grade, au lieu de l'être par son grade; il l'ennoblirait, au lieu d'en être ennobli; et, si ce grade donnait

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que ses

de grands revenus, il aurait le prix de la richesse, jamais celui de la noblesse; mais vous avez dit, monsieur le sénateur: « Pourvu cependant que le soldat n'exécute << compagnons, et que, pour les faire mourir, « il n'emploie que les armes de son état, »> Il faudrait ajouter et pourvu qu'il s'agisse d'un crime militaire: dès qu'il est question d'un crime vilain, c'est l'affaire du bourreau.

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LE COMTE.

En effet, c'est l'usage. Les tribunaux ordinaires ayant la connaissance des crimes civils, on leur remet les soldats coupables de ces sortes de crimes. Cependant, s'il plaisait au souverain d'en ordonner autrement, je suis fort éloigné de regarder comme certain que la caractère du soldat en serait blessé; mais nous sommes tous les trois bien d'accord sur les deux autres conditions; et nous ne doutons pas que ce caractère ne fût irrémissiblement flétri si l'on forçait le soldat à fusiller le simple citoyen, ou à faire mourir son camarade par le feu ou par lacorde. Pour maintenir l'honneur et la discipline d'un corps, d'une association quelconque les récompenses privilégiées ont moins de

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force que les châtiments privilégiés : les Romains, le peuple de l'antiquité à la fois le plus sensé et le plus guerrier, avaient conçu une singulière idée au sujet des châtiments militaires de simple correction, Croyant qu'il ne pouvait y avoir de discipline sans bâton, et ne voulant cependant avilir ni celui qui frappait, ni celui qui était frappé, ils avaient imaginé de consacrer, en quelque manière, la bastonnade militaire : pour cela ils choisirent un bois, le plus inutile de tous aux usages de la vie, la vigne, et ils le destinèrent uniquement à châtier le soldat. La vigne, dans la main du centurion, était le signe de son autorité et l'instrument des punitions corporelles non capitales. La bas onnade, en général, était, chez les Romains, une peine avouée par la loi (1); mais nul homme non militaire ne pouvait être frap é avec la vigne, et nul autre bois que celui de la vigne ne pouvait servir pour frapper un militaire. Je ne sais comment

no quia siquie al soli

(1)) 1) Elle lúi donnait même un nom asseż doux, puisqu'elle l'appelait simplement l'avertissement du baton; tandis qu'elle nommait châtiment la peine du fouet, qui avait quelque chose de déshonorant, Fustium admonitio, flagellorum castigatio. (Callistratus, in lege vu, Digest de Pœnis!)

quelque idée semblable ne s'est présentée à à l'esprit d'aucun souverain moderne. Si j'étais consulté sur ce point, ma pensée ne ramènerait pas la vigne; car les imitations serviles ne valent rien je proposerais le laurier.

LE CHEVALIER.

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Votre idée m'enchante, et d'autant plus que je la crois très susceptible d'être mise à exécution. Je présenterais bien volontiers je vous l'assure, à S. M. I., le plan d'une vaste serre qui serait établie dans la capitale, et destinée exclusivement à produire le laurier nécessaire pour fournir des baguettes de discipline à tous les bas officiers de l'armée russe. Cette serre serait sous l'inspection d'un officier-général, chevalier de Saint-Georges, au moins de la seconde classe, qui porterait le titre de haut inspecteur de la serre aux lauriers : les plantes ne pourraient être soignées, coupées et travaillées que par de vieux invalides d'une réputation sans tache. Le modèle des baguettes, qui devraient être toutes rigoureusement semblables, reposerait à l'office des guerres dans un étui de vermeil : chaque baguette serait suspendue à la boi

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