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une lésion plus ou moins profonde des couches optiques, toutes les fois qu'un ou plusieurs sens avaient été abolis pendant la vie; tandis que la lésion portait sur les corps striés, si les symptômes pendant la vie avaient été caractérisés par un trouble dans les mouvements (1).

Les faits pathologiques que nous venons d'énumérer démontrent: 1o que la périphérie du cerveau est lésée chez les déments qui néanmoins sentent, voient, odorent, etc.; 2o et que la perte d'un ou plusieurs sens coïncide avec la lésion des couches optiques. Nous avons ainsi deux raisons au lieu d'une pour placer le siége de la perception dans les couches optiques: 1° parce que ce siége ne saurait être à la périphérie du cerveau, car la sensibilité persiste chez les déments; 2° parce que l'abolition partielle ou complète de la sensibilité coïncide avec la lésion des couches optiques (2).

(1) Hillairet, Archives de médecine, 1858, t. I, p. 256.
Serres, Anatomie comparée du cerveau, 1826, t. II, p. 705 et suiv.
Lallemand, Lettres sur l'Encéphale, t. I, p. 138 et t. II,
Maisonneuve, Société anatomique, 1835, p. 39.

Potain, Société anatomique, 1861, p. 139.

p. 320.

Gros et Loncereau, Affections nerveuses syphilitiques, 1861, p. 245.
Andral, Clinique médicale.

Moutard-Martin, Société anatomique, 1845, p. 41.

Cruveilhier, Anatomie pathologique.

Chaillou, Société anatomique, 1863, p. 72.

(2) Longet et quelques autres physiologistes après lui pensent que la protubérance est le point où les impressions se transforment en sensations, et ils se fondent sur ce fait que, après avoir enlevé les lobes cérébraux et les couches optiques à un rat ou à un chien, on provoque encore des cris et des miaulements par le pincement ou tout autre moyen d'excitation. Ces faits sont exacts, mais ils ne prouvent pas que les cris provoqués dans ces conditions aient été précédés d'une impression sentie. Ils prouvent tout simplement que les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs sont dans des relations telles dans la protuberance que l'excitation des uns provoque l'action des autres comme dans tout mouvement reflexe.

L'autre opinion, beaucoup plus près de la vérité que la précédente, est celle de M. Luys. Cet éminent physiologiste, suivant jusqu'au bout les conséquences logiques du système qu'il a adopté, considère les couches optiques comme « l'avant dernière étape où les impressions se dépouillent de plus en plus du caractère d'ébranlement purement sensoriel, pour revêtir en se métamorphosant une forme nouvelle, se

Malgré l'évidence des faits, nous avons voulu confirmer par l'expérimentation les conditions fondamentales de la physiologie cérébrale.

Mais qu'on nous permette de dire préalablement que ces sortes d'expériences ne sauraient être faites avec fruit si, par une connaissance approfondie de la vie cérébrale, on ne possède pas déjà une idée expérimentale utile, et si on n'est pas en état d'interpréter judicieusement les phénomènes observés. Ici, moins que partout ailleurs, on ne saurait « se borner à expérimenter pour voir ». Nous avions déjà publié notre physiologie du système nerveux, par conséquent nous étions en mesure de faire ces expériences, qui n'avaient d'autre but, d'ailleurs, que de confirmer les faits de l'observation et de l'expérience sur lesquels nous nous étions appuyés.

Pour pratiquer nos expériences, nous empruntâmes à la chirurgie un de ses moyens. Nous avions vu M. le professeur Richet introduire au centre d'une tumeur une aiguille creuse très-fine, pousser ensuite, au moyen d'une seringue de Pravaz adaptée à l'aiguille, une solution de chlorure de zinc dans la tumeur, et détruire par ce fait le produit morbide. Nous pensames que ce procédé nous permettrait de détruire avec la même facilité telle partie du cerveau que nous voudrions.

L'emploi d'un perforateur spécial pour percer le crâne et l'addition d'un peu de bleu d'aniline à la solution de zinc furent les seules modifications que nous apportâmes au procédé de M. Richet.

Quant à l'idée de détruire une partie de la matière

rendre en quelque sorte plus assimilables pour les opérations cérébrales ultérieures, et devenir ainsi progressivement les agents spiritualisés de l'activité des cellules cérébrales. » Luys, Recherches sur le système nerveux, 1865, p. 345. Ces dernières cellules sont, d'après M. Luys, les cellules de la périphérie du cerveau, et c'est là, selon lui, que les impressions sont transformées en sensations et idées. Cette interprétation des faits, si elle était juste, rendrait impossible l'explication physiologique de la mémoire et de l'hallucination. Mais nos expériences ont prouvé que les couches optiques sont bien le siège de la perception.

cérébrale avec le caustique, elle n'était pas nouvelle. Ce que d'autres avaient fait en employant le bistouri, d'autres purent le faire avec le caustique. Aussi voyonsnous, dès 1824, le professeur Serres introduire dans le cerveau, à travers un petit tube de verre, quelques gouttes d'acide nitrique (1). D'autres ont imité cette pratique en la modifiant plus ou moins, et nous-même, dans une nouvelle série d'expériences, nous avons détruit les différentes parties du cerveau avec une aiguille galvano-caustique rougie à blanc (2).

Les procédés d'expérimentation sur le cerveau existaient dans la science depuis longtemps; mais ce qui n'existait pas avant nous, c'était l'idée expérimentale utile, qui nous conduisit à chercher dans le cerveau des chiens les trois conditions fondamentales de la physiologie cérébrale, c'est-à-dire la perception des impressions dans les couches optiques, le mouvement dans les corps striés, et l'association des sensations, ainsi que la mémoire, dans les circonvolutions du cerveau (3).

Ces expériences, que nous répétons aujourd'hui avec les mêmes résultats, ont confirmé pleinement nos vues théoriques, formulées d'après l'observation pathologique, et nous pouvons affirmer que les couches optiques représentent la condition matérielle de la perception des impressions, quelle que soit leur origine. Nous offrons d'ail

(1) Serres, Anatomie comparée du cerveau, t. II, p. 691. « Je pratiquai, dit-il, une très-petite ouverture sur la partie postérieure et moyenne du coronal: je plongeai dans le lobe postérieur gauche un bistouri effilé; des mouvements convulsifs légers se manifestèrent dans la patte droite de devant; je retirai le bistouri, et, à l'aide d'un petit tube de verre, j'introduisis dans la profondeur du lobe incisé quelques gouttes d'acide nitrique; aussitôt les convulsions redoublerent dans la même patte; je laissai reposer le chien; une heure après, cette patte était immobile et à demi fléchie; l'animal marchait sur les trois autres. >>

(2) La première de ces expériences a été faite sur un chien dans l'atelier de M. Rumkorff, le 7 novembre 1876, en présence de notre ami le docteur Donadieu.

(3) Voir notre travail intitulé: Recherches expérimentales sur le fonctionnement du cerveau. Adrien Delahaye, éditeur.

leurs à tout observateur sérieux qui voudrait s'éclairer sur ce point, de répéter ces expériences devant lui. Nous ferons plus encore un autre expérimentateur pratiquera l'expérience, et nous déclarons être en mesure de dire quelle partie du cerveau aura été lésée, rien que par l'examen des symptômes que présentera l'animal. Ces symptômes sont souvent très-complexes, mais il est possible de les débrouiller.

Pour donner une idée exacte des conditions anatomiques fondamentales qui permettent aujourd'hui d'expliquer physiologiquement les divers modes d'activité de l'esprit humain, nous avons tracé une figure schématique qui représente bien ces conditions.

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Explication de la figure. Dans la région n° 1, nous voyons les nerfs sensitifs ou impressionneurs, c'est-à-dire

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les nerfs qui portent vers le cerveau le résultat d'une impression reçue et qui occupent la partie postérieure de la moelle. Ces nerfs aboutissent à la région n° 2, connue

sous le nom de couches optiques, et composée en grande partie de cellules nerveuses; des fibres partent de ce centre sous forme de rayons et le font communiquer, d'un côté, avec la région n° 3, composée de cellules et désignées sous le nom de couche corticale du cerveau; de l'autre, avec la région n° 4, composée, elle aussi, de cellules, et désignée sous le nom de corps striés. De cette dernière région partent les nerfs du mouvement qui occupent dans la région no 5 la partie antérieure de la moelle. Ces cinq régions représentent la plupart des localisations acquises à la science.

Afin que le lecteur se grave plus facilement cette figure dans la mémoire, nous dirons un mot du rôle fonctionnel de chacune des parties qui la composent.

Le phénomène de la perception simple a bien son siége dans les couches optiques, car, si on détruit cet organe chez le chien vivant, l'animal n'est plus sensible à aucune impression : il n'odore plus, il ne voit plus; en un mot, il vit, mais il ne sent pas. Quand l'homme est modifié dans les couches optiques, il sent, et voilà tout. Sentir, c'est vivre d'une certaine façon. Nous voulons dire par là que, pour sentir avec connaissance, il faut autre chose que cette perception simple: il faut cette perception simple et quelque chose de plus que nous allons faire connaître.

Le phénomène-perception s'accompagne nécessairement d'un mouvement propre des cellules. Or, ce mouvement ne s'épuise pas sur place; les couches optiques ne sont pas isolées au milieu de la substance cérébrale, et il est tout naturel que le mouvement dont elles sont le siége se communique aux parties voisines. C'est ce qui arrive: des couches optiques, le mouvement impressionneur s'étend de proche en proche, à travers les fibres du noyau blanc, pour aboutir, en définitive, aux cellules qui forment la couche pépériphérique du cerveau. Ces cellules sont modifiées d'une certaine façon par le mouvement impressionneur, et nous

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