LIVRE PREMIER. FABLE I. LA CIGALE ET LA FOURMI. LA cigale, ayant chanté Se trouva fort dépourvue 1 Chez la fourmi sa voisine, La fourmi n'est pas prêteuse : 1 (1) Manquait de nourriture. (2) Le vent du signer l'hiver. (3) Oût, pour août, moisson. et l'intérêt. (5) Sans cesse. -- nord, pour dé(4) Le capital FABLE II. LE CORBEAU ET LE RENARD. MAÎTRE Corbeau, sur un arbre perché, Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le phénix2 des hôtes de ces bois. Il ouvre un large bec, et laisse tomber sa proie. Vit aux dépens de celui qui l'écoute : Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus. FABLE III. LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE AUSSI GROSSE QUE LE BEUF. UNE grenouille vit un bœuf Qui lui sembla de belle taille. Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf, Pour égaler l'animal en grosseur; (1) Attiré; alléché est peu usité. (2) Oiseau fabuleux, qui renaissait de ses cendres. Etre le phénix s'emploie proverbialement pour dire être le premier. Disant: Regardez bien, ma sœur ; Est-ce assez? dites-moi; n'y suis-je point encore? Nenni. M'y voici donc ?-Point du tout.-M'y voilà ? Vous n'en approchez point. La chétive pécore 1 S'enfla si bien qu'elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages: FABLE IV. LES DEUX MULETS. DEUX mulets cheminaient, l'un d'avoine chargé, Le mulet, en se défendant, Se sent percé de coups; il gémit, il soupire. Ami, lui dit son camarade, Il n'est pas toujours bon d'avoir un haut emploi : (1) Sotte, stupide.—(2) Impôt perçu sur le sel.—(3) Trésor public. FABLE V. LE LOUP ET LE CHIEN. UN loup n'avait que les os et la peau, Tant les chiens faisaient bonne garde : Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau, Sire loup l'eût fait volontiers : Et le mâtin était de taille A se défendre hardiment. Le loup donc l'aborde humblement, Cancres 3, hères, et pauvres diables, Dont la condition est de mourir de faim. Car, quoi! rien d'assuré! point de franche lipée 4! Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin. Flatter ceux du logis, à son maître complaire; Sera force reliefs 5 de toutes les façons, Sans parler de mainte caresse. (1) Luisant de graisse. — (2) Égaré, trompé de chemin. — (3) Cancres, hères; pauvres, misérables; termes de mépris ou de compassion. (4) Repas qui ne coûtent rien. -(5) Beaucoup de restes de repas. 1 Le loup déjà se forge une félicité Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé. chose. Quoi! rien ! Mais encore? - Le collier dont je suis attaché Où vous voulez? — Pas toujours; mais qu'importe ? – Il importe si bien, que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. 1 FABLE VI. LA GÉNISSE, LA CHÈVRE ET LA BREBIS, EN SOCIÉTÉ AVEC LE LION. La génisse, la chèvre, et leur sœur la brebis, Et mirent en commun le gain et le dommage. Eux venus, le lion par ses ongles compta; Et dit: Nous sommes quatre à partager la proie. A cela l'on n'a rien à dire. La seconde, par droit, me doit échoir encor : (1) Un troupeau, du gibier, &c. (3) Roi, seigneur. (2) Filets, piéges. · |