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L'INTERJECTION

Théorie

336. L'interjection est un terme jeté dans la phrase pour exprimer un sentiment, un mouvement vif, et qui est indépendant des autres mots.

Eh! qui peut me parler dans l'état où je suis?

A tant d'horreurs, hélas ! qui pourra me soustraire?

VOLTAIRE.

337. La plupart des interjections s'expriment simplement par une voyelle et la lettre h, signe de l'aspiration.

H se place après la voyelle quand le sentiment est doux et prolongé, comme l'admiration, la douleur :

Ah! que de la vertu les charmes sont puissants!

TH. CORNEIlle.

DELILLE.

FÉNELON.

Eh! qui n'a pas pleuré quelque perte cruelle?

Oh! qu'il est cruel de n'espérer plus!

Elle se place avant, pour marquer un mouvement vif

et brusque, comme la surprise, l'ironie.

MOLIÈRE.

Ha! vous êtes dévot et vous vous emportez ?
Hé! monsieur, peut-on voir souffrir les malheureux? RACINE.
Ho! ho! les grands talents que votre esprit possède !

MOLIÈRE.

338. La simple lettre & s'emploie devant un mot mis en apostrophe ou employé par exclamation.

Quand verrai-je, 6 Sion, relever tes remparts?

O divine, ô charmante loi!

O justice, ô bonté suprême!

Que de raisons, quelle douceur extrême
D'engager à ce Dieu son honneur et sa foi!

RACINE.

Enfin, pour se chauffer, venir tourner ma broche!
Voilà comme on les traite. Hé! mon pauvre garçon,
De la défunte mère est-ce là la leçon?

La pauvre Babonnette! Hélas! lorsque j'y pense,
Elle ne manquait pas une seule audience.
Jamais, au grand jamais, elle ne me quitta,
Et Dieu sait bien souvent ce qu'elle en rapporta :
Elle eût du buvetier emporté les serviettes,
Plutôt que de rentrer au logis les mains nettes.
Et voilà comme on fait les bonnes maisons. Va,
Tu ne seras qu'un sot.

RACINE.

Les Plaideurs.

EXERCICE DE RÉCAPITULATION

188

L'élève décomposera les mots précédés d'un astérisque en leur préfixe et leur radical, et en indiquera le sens.

Il fera connaître le rôle des noms en italiques et expliquera les inversions qui peuvent se présenter dans la proposition où ils figurent.

Le XVIIe siècle

*

*

*

La France, insouciante de sa gloire, n'a pas l'air de se douter qu'elle compte dans ses annales le plus grand siècle de l'humanité, celui qui * comprend dans son sein le plus d'hommes *extraordinaires en tout genre. Quand a-t-on vu se donner la main des politiques tels que Henri IV, Richelieu, Mazarin, Colbert, Louis XIV? Je ne * prétends pas que chacun d'eux n'ait des rivaux, même des supérieurs. Alexandre, César, Charlemagne les surpassent peut-être. Mais Alexandre n'a qu'un seul contemporain qui lui puisse être comparé, son père Philippe; César n'a pu même soupçonner qu'un jour Octave serait digne de lui; Charlemagne est un colosse dans un désert; tandis que chez nous ces cinq grands hommes se * succèdent sans intervalle, se pressent les uns contre les autres et n'ont pour ainsi dire qu'une âme. Et par quels capitaines n'ontils pas été suivis! Condé est-il vraiment inférieur à Alexandre, à Annibal et à César; car, pour d'autres émules parmi ses devanciers, il ne faut pas lui en chercher? Qui d'entre eux l'emporte sur lui par l'étendue et la justesse des conceptions, par la promptitude du coup d'œil, par la rapidíté des manœuvres, par la réunion de l'impétuosité et de la constance, par la double gloire de preneur de villes et de gagneur de batailles? Ajoutez qu'il a eu affaire à des généraux tels que Merci et Guillaume, et qu'il a eu sous lui Turenne et Luxembourg, sans parler de tant d'hommes de guerre élevés à cette admirable école, et qui à l'heure des revers ont suffi à sauver la France. V. COUSIN.

339. On regarde comme des locutions interjectives des mots de diverse nature employés quelquefois avec le sens de l'interjection: Juste ciel! Paix! Miséricorde! Courage! Allons! Ferme! Sus! Çà! etc.

On peut voir des interjections en d'anciennes expressions elliptiques: parbleu! corbleu! morbleu! Elles ne sont d'usage que dans le style familier ou dans le langage populaire.

EXERCICE DE RÉCAPITULATION

189

L'élève distinguera dans le morceau suivant les mots composés et dérivés et les décomposera. Il expliquera ensuite les mots soulignés.

La répartition des richesses

Les accumulations de richesses, si apparentes aux yeux, ne sont ni aussi nombreuses ni aussi considérables qu'on l'imagine, et s'il prenait fantaisie de les partager, on aurait procuré une bien petite portion aux copartageants. On aurait détruit l'attrait qui fait travailler, le moyen de payer les hauts produits du travail, effacé, en un mot, le dessein de Dieu, sans enrichir personne. En effet, croyez-vous que les riches soient bien nombreux, et qu'ils soient bien riches? Ils ne sont ni l'un ni l'autre. Personne n'a compté les fortunes dans une société; mais dans un Etat comme la France, où l'on suppose douze millions de familles, en comptant trois individus par famille, on sait qu'il existe deux millions de familles qui ont a peine le nécessaire, et souvent même en sont privées; six millions qui ont le nécessaire, trois millions qui ont l'aisance, près d'un million qui ont un commencement d'opulence, et tout au plus deux ou trois centaines qui possèdent l'opulence elle-même. Supposez un partage égal. On ne disputera rien à ceux qui jouissent du nécessaire, on pardonnera peut-être à la simple aisance, même à la fortune qui commence, mais si on prenait la fortune des trois cents qui ont la véritable opulence, on ne payerait pas la moitié des dépenses de l'Etat pendant une année. On n'aurait pas ajouté une quantité appréciable au bien-être des masses, et on aurait supprimé le stimulant qui, en excitant le travail, produit l'amélioration de leur sort. THIERS.

NOTIONS D'ÉTYMOLOGIE USUELLE (1)

340. L'étymologie a pour objet la détermination du sens vrai des mots en remontant à leur origine ou à leur formation.

Elle donne lieu à l'analyse lexicologique, qui consiste à décomposer un mot de plusieurs syllabes comme inflammation, pour y reconnaître : 1° une idée principale exprimée par flamm; 2o des idées accessoires qui la modifient in, préposition de lieu, et ation, désinence des substantifs d'action.

341. On appelle racine ou radical la partie du mot qui contient l'idée principale.

Les syllabes qui s'ajoutent à la racine reçoivent le nom de préfixes quand elles se placent avant, et celui de suffixes quand elles se placent après.

On ne regarde pas comme suffixes les lettres qui marquent simplement des modifications grammaticales, comme s ou x pour le pluriel, e muet pour le féminin, ant, é, ai, as, a, etc., pour les modes, les temps, les personnes et les nombres des verbes. donne à ces lettres finales le nom de terminaisons ou flexions.

- On

342. Tous les mots formés d'une même racine constituent ce qu'on appelle une famille de mots: en effet, il semble exister entre eux une sorte de filiation ou de parenté.

Flamme: flambeau, flamboyer, enflammer, inflammation.
Mont: montagne, montueux, remonter, promontoire.
Le rapprochement des mots d'une même famille est

(1) Ce chapitre présente le résumé de tout ce qui a été dit sur la formation des mots pour chaque partie du discours : il contient en outre des aperçus sur les homonymes, les synonymes et l'extension du sens des mots.

très-utile pour en déterminer la signification et l'orthographe.

343. Cependant la racine n'est pas toujours identique; tantôt la voyelle en devient plus ou moins sonore: Roi, reine, régner; — Étroit, rétrécir;

Meule, moulin, molaire; - Pied, pédestre.

Tantôt la consonne douce se change en forte, ou s'assimile à la suivante :

Recevoir, réception; - absorber, absorption;
Concéder, concession;-protéger, protection.

344. Ces faits s'expliquent par les deux modes et les deux époques de formation que présentent les mots français.

A une première époque, du Ixe au XIIIe siècle, ils ont été tirés des mots latins d'après la prononciation populaire.

Dans la deuxième époque, à partir du XIVe siècle, ils ont été l'œuvre des savants qui ont copié le latin lettre pour lettre.

De là, pour un certain nombre de mots, deux racines, qui ont l'une et l'autre des dérivés et des composés. 345. Voici quelques-unes de ces doubles formes ou doublets:

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