Page images
PDF
EPUB

REMARQUE: Quelquefois celui-là s'emploie pour celui en tête d'une phrase, et la proposition incidente se trouve alors rejetée après la principale.

Celui-là est riche, qui reçoit plus qu'il ne consomme; celui-là est pauvre, dont la dépense excède la recette, LA BRUYÈRE,

3° PRONOMS POSSESSIFS

159. Cette classe de pronoms se rattaché étroitement aux pronoms personnels: comme eux, ils marquent le rôle ou la personne du possesseur.

ATHALIE. J'ai mon Dieu que je sers: vous servirez le vôtre;
Ce sont deux puissants dieux,

JOAS. Il faut craindre le mien.

Lui seul est Dieu, madame; et le vôtre n'est rien. RACINE. Ils sont employés quelquefois comme adjectifs qualificatifs et comme substantifs.

Un mien cousin est juge-maire.

LA FONTAINE.

CORNEILLE.

Les nôtres au signal de nos vaisseaux répondent.

4° PRONOMS CONJONCTIFS

160. Les pronoms conjonctifs invariables qui, que, quoi, dont, où, doivent être placés le plus près possible de leur antécédent pour avoir un sens clair et précis. 161. Qui s'emploie comme sujet ou comme complément indirect.

a) Comme sujet, il se dit également des personnes et des choses.

Heureux le sage roi qui connaît sa faiblesse.

La douleur qui se tait n'en est que plus funestę.

CHÉNIER.
RACINE.

On le trouve en tête d'une proposition pour celui qui. Qui sert bien son pays n'a pas besoin d'aïeux.

VOLTAIRE.

b) Comme complément indirect, qui ne se dit que des personnes ou des choses personnifiées.

L'enfant à qui tout cède est le plus malheureux.

O rochers escarpés, je n'ai que vous à qui je puisse me plaindre.

FENELON.

devoirs où l'élève fera l'analyse des pronoms démonstratifs, possessifs, conjonctifs, et des autres mots qui sont en italiques.

Bataille de Rocroi (1643)

Vers les premiers jours du règne de Louis XIV, à l'âge de vingtdeux ans, le duc d'Enghien conçut un dessein où les vieillards expérimentés ne purent atteindre: mais la victoire le justifia devant Rocroi. L'armée ennemie est plus forte, il est vrai; elle est composée de ces vieilles bandes wallonnes, italiennes et espagnoles, qu'on n'avait pu rompre jusqu'alors. Mais pour combien fallait-il compter le courage qu'inspirait à nos troupes le besoin pressant de l'État, les avantages passés, et un jeune prince du sang qui portait la victoire dans ses yeux! Don Francisco de Mellos l'attend de pied ferme; et, sans pouvoir reculer, les deux généraux et les deux armées semblent avoir voulu se renfermer dans des bois et dans des marais, pour décider leur querelle, comme deux braves, en champ clos. Alors, que ne vit-on pas! Lejeune prince parut un autre homme. Touchée d'un si digne objet, sa grande âme se déclara tout entière son courage croissait avec les périls, et ses lumières avec son ardeur. A la nuit, qu'il fallut passer en présence des ennemis, comme un vigilant capitaine, il reposa le dernier; mais jamais il ne reposa plus paisiblement. A la veille d'un si grand jour, et dès la première bataille, il est tranquille, tant il se trouve dans son naturel et on sait que le lendemain, à l'heure marquée, il fallut réveiller d'un profond sommeil cet autre Alexandre.

92

Le voyez-vous comme il vole, ou à la victoire, ou à la mort? Aussitôt qu'il eut porté de rang en rang l'ardeur dont il était animé, on le vit presque en même temps pousser l'aile droite des ennemis, soutenir la nôtre ébranlée, rallier les Français à demi vaincus, mettre en fuite l'Espagnol victorieux, porter partout la terreur et étonner de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups. Restait cette redoutable infanterie de l'armée d'Espagne, dont les gros bataillons serrés, semblables à autant de tours, mais à des tours qui sauraient réparer leurs brèches, demeuraient inébranlables au milieu de tout le reste en déroute, et lançaient des feux de toutes parts. Trois fois le jeune vainqueur s'efforça de rompre ces intrépides combattants; trois fois il fut repoussé par le valeureux comte de Fontaines, qu'on voyait porté dans sa chaise, et, malgré les infirmités, montrer qu'une âme guerrière est maî tresse du corps qu'elle anime. Mais enfin il faut céder.

162. Que est généralement employé comme complément direct d'un verbe qui le suit:

Le Dieu que nous servons est le Dieu des combats. RACINE.
Il n'est point de fierté que le sort n'humilie.

Cependant il est quelquefois complément indirect par ellipse d'une préposition: Je sortis un jour qu' (pendant lequel) il faisait chaud. - Que (à quoi) vous sert de crier?

163. Quoi ne se dit que des choses, et il a, comme ceci et cela, un sens vague: il est toujours complément. Il y a je ne sais quoi de noble dans la simplicité. A quoi cela peut-il servir?

FLÉCHIER.

164. Dont renferme la préposition de, et où les prépositions à, en ou dans; ils sont donc toujours compléments indirects.

Quittez ces vains plaisirs dont l'appât vous abuse.

BOILEAU.

Tous nos repas seraient des festins où l'abondance plairait plus que la délicatesse. J.-J. ROUSSEAU.

Autrefois où s'employait pour exprimer des rapports très-divers.

MOLIÈRE.

CORNEILLE.

L'estime où je vous tiens ne doit point vous surprendre. Conte-moi tes vertus, tes glorieux travaux, Les rares qualités par où tu m'as dû plaire. Aujourd'hui l'usage en est restreint aux rapports de lieu ou de temps.

165. Les pronoms conjonctifs variables, lequel, laquelle, etc., indiquent plus nettement le nom qu'ils rappellent; ils s'emploient à la place de qui, que, dont, où, pour éviter une équivoque surtout lorsqu'il s'agit de choses.

Les paysans attachés à la glèbe étaient la propriété de leurs seigneurs, au pouvoir desquels rien ne pouvait les soustraire.

J.-J. ROUSSEAU. Voici un exemple tiré des papiers anglais, lequel je ne puis m'empêcher de rapporter. (LE MÊME.)

166. Les pronoms conjonctifs, à l'exception de dont, s'emploient pour interroger: Qui vous l'a dit? - Que demandez-vous? Quoi de nouveau? Où suis-je?

93

C'est en vain qu'à travers des bois, avec sa cavalerie toute fraiche, Bek précipite sa marche pour tomber sur nos soldats épuisés: le prince l'a prévenu; les bataillons enfoncés demandent quartier; mais la victoire va devenir plus terrible pour le duc d'Enghien que le combat. Pendant qu'avec un air assuré il s'avance pour recevoir la parole de ces braves gens, ceux-ci toujours en garde craignent la surprise de quelque nouvelle attaque; leur effroyable décharge met les nôtres en furie : on ne voit plus que carnage; le sang enivre le soldat; jusqu'à ce que le grand prince, qui ne put voir égorger ces lions comme de timides brebis, calma les courages émus, et joignit au plaisir de vaincre celui de pardonner. Quel fut alors l'étonnement de ces vieilles troupes et de leurs braves officiers, lorsqu'ils virent qu'il n'y avait plus de salut pour eux qu'entre les bras du vainqueur! De quels yeux regardèrent-ils le jeune prince, dont la victoire avait relevé la haute contenance, à qui la clémence ajoutait de nouvelles grâces! Qu'il eût encore volontiers sauvé la vie au brave comte de Fontaines! mais il se trouva par terre, parmi des milliers de morts dont l'Espagne sent encore la perte. BOSSUET.

94

Dans le morceau suivant, l'élève recherchera les pronoms conjonctifs et en fera l'analyse. Il formera ensuite les dérivés des noms en italiques. On pourra lui demander aussi d'analyser les mots leur, en et même.

L'industrie dans le Jura

Les habitants des villages aux environs de Neufchâtel emploient le loisir que leur laisse la culture de leurs champs à faire mille ouvrages de leurs mains et à mettre à profit le génie inventif que leur donne la nature. L'hiver surtout, temps où la hauteur des neiges leur ôte une communication facile, chacun, renfermé avec sa nombreuse famille, bien chaudement, dans sa jolie et propre maison de bois qu'il a bâtie lui-même, s'occupe de mille travaux amusants, qui chassent l'ennui de son asile et ajoutent à son bienêtre.

Jamais menuisier, serrurier, vitrier, tourneur de profession, n'entra dans le pays; tous le sont pour eux-mêmes, aucun ne l'est pour autrui; dans la multitude des meubles qui composent leur ménage et parent leur logement, on n'en voit pas un qui n'ait été fait de la main du maitre. Il leur reste encore du loisir pour in

D'où venez-vous?

vous?

Lequel des deux livres préférez

Souvent on se sert familièrement des locutions interrogatives Qui est-ce? pour les personnes; Qu'est-ce? pour les choses Qui est-ce qui me demande? Qu'est-ce que vous cherchez?

5° PRONOMS INDEFINIS

[ocr errors]

167. Les mots autrui, chacun, l'un .... l'autre, on ou l'on, personne, quelqu'un, quelque chose, quiconque, rien, sont essentiellement pronoms indéfinis. — Chacun, l'un, quelqu'un sont les seuls qui varient.

Les mots aucun, autre, l'un et l'autre, nul, plusieurs, tel, tout, sont pronoms indéfinis quand ils désignent par euxmêmes des personnes ou des choses. · Plusieurs est le

seul qui reste invariable.

--

168. Aucun (1) s'employait autrefois au pluriel dans le sens de quelques-uns.

Phèdre était si succinct qu'aucuns l'en ont blâmé. LA FONTAINE. Chacun ne saurait avoir de pluriel. On le trouve quelquefois précédé de l'article indéfini un

J'étudiais un chacun.

MOLIÈRE.

Autrui formé de autre (altre), ne s'emploie que comme complément.

Manger l'herbe d'autrui, quel crime abominable! LA FONTAINE. On va même jusqu'à la rigueur envers autrui pour l'observance des devoirs. MASSILLON.

169. On ou l'on est essentiellement du masculin singulier (2); cependant l'attribut se met au féminin et même au pluriel quand le sens exige spécialement ce genre ou ce nombre:

(1) Ce mot a été formé de l'ancien mot alque et de un, comme chacun l'a été de chaque et quelqu'un de quelque.

(2) Ce mot correspond à l'hom qui était le cas sujet de homo (homme), en vieux français, tandis que l'home était le cas régime.

« PreviousContinue »