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Montrez-moi patte blanche ou je n'ouvrirai point,
S'écria-t-il d'abord. Patte blanche est un point,
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.
Celui-ci, fort surpris d'entendre ce langage,
Comme il était venu s'en retourna chez soi.
Où serait le biquet s'il eût ajouté foi
Au mot du guet, que, de fortune,
Notre loup avait entendu ?

Deux sûretés valent mieux qu'une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.

་་་་་་་་་་འ

FABLE XV.

Parole de Socrate.

Socrate un jour faisant bâtir,
Chacun censurait son ouvrage :

L'un trouvait les dedans, pour ne lui point mentir
Indignes d'un tel personnage;

L'autre blâmait la ace, et tous étaient d'avis
Que les appartements en étaient trop petits.
Quelle maison pour lui! l'on y tournait à peine.
Plût au ciel que de vrais amis,

Telle qu'elle est, dit-il, elle pût être pleine !
Le bon Socrate avait raison

De trouver pour ceux-là trop grande sa maison.
Chacun se dit ami; mais fou qui s'y repose:
Rien n'est plus commun que ce nom,
Rien n'est plus rare que la chose.

FABLE XVI.

Le Vieillard et ses Enfants.

ཨ་ས་ལ་

Toute puissance est raible, à moins que d'être unie. Écoutez là-dessus l'esclave de Phrygie.

Si j'ajoute du mien à son invention,"

C'est pour peindre nos mœurs, et non point par envio: Je suis trop au-dessous de cette ambition.

Phèdre enchérit souvent par un motif de gloire :

Pour moi, de tels pensers me seraient mal-séans.
Mais venons à la fable, ou plutôt à l'histoire
De celui qui tâcha d'unir tous ses enfants,

Un vieillard près d'aller où la mort l'appelait,
Mes chers enfants, dit-il (à ses fils il parlait),
Voyez si vous romprez ces dards liés ensemble:
Je vous expliquerai le nœud qui les assemble.
L'aîné les ayant pris, et fait tous ses efforts,
Les rendit, en disant: Je le donne aux plus forts.
Un second lui succède, et se met en posture;
Mais en rain. Un cadet tente aussi l'aventure.
Tous perdirent leur temps, le faisceau résista:
De ces dards joints ensemble un seul ne s'éclata.
Faibles gens dit le père: il faut que je vous montre
Ce que ma force peut en semblable rencontre.
On crut qu'il se moquait, on sourit, mais à tort,
Il sépare les dards, et les rompt sans effort.
Vous voyez, reprit-il, l'effet de la concorde :
Soyez joints, mes enfants; que l'amour vous accorde.
Tant que dura son mal, il n'eut autre discours.
Enfin se sentant près de terminer ses jours,
Mes chers enfants, dit-il, je vais où sont nos pères;
Adieu promettez-moi de vivre comme frères;
Que j'obtienne de vous cette grâce en mourant.
Chacun de ses trois fils l'en assure en pleurant.
Il prend à tous les mains, il meurt. Et les trois frères
Trouvent un bien fort grand, mais fort mêlé d'affaires.
Un créancier saişit, un voisin fait procès :
D'abord notre trio s'en tire avec succès.
Leur amitié fut courte autant qu'elle était rare;
Le sang les avait joints, l'intérêt les sépare:
L'ambition, l'envie, avec les consultans,
Dans la succession entrent en même temps.
On en vient au partage, on conteste, on chicane:
Le juge sur cent points tour-a-tour les condamne.
Créanciers et voisins reviennent aussitôt,
Ceux-là sur une erreur, ceux-ci sur un défaut.
Les frères désunis sont tous d'avis contraire.

L'un veut s'accommoder, l'autre n'en vent rien faire.

Tous perdirent leur bien, et voulurent trop tard
Profiter de ces dards unis, et pris à part.

FABLE XVII.

L'Avare qui a perdu son Trésor.

L'usage seulement fait la possession.
Je demande à ces gens de qui la passion
Est d'entasser toujours, mettre somme sur somme,
Quel avantage ils ont que n'ait pas un autre homme.
Diogène là-bas est aussi riche qu'eux;

Et l'avare ici-haut, comme lui, vit en gueux.
L'homme au trésor caché, qu'Esope nous propose,
Servira d'exemple à la chose.

Ce malheureux attendait

Pour jouir de son bien une seconde vie,
Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait.
Il avait dans la terre une somme enfouie,
Son cœur avec, n'ayant autre déduit
Que d'y ruminer jour et nuit,

Et rendre sa chevance à lui-même sacrée.

Qu'il allat ou qu'il vint, qu'il bût ou qu'il mangeåt,
On l'eût pris de bien court à moins qu'il ne songeat
A l'endroit où gisait cette somme enterrée.
Il y fit tant de tours, qu'un fossoyeur le vit,
Se douta du dépôt, l'enleva sans rien dire.
Notre avare un beau jour ne trouva que le nid.
Voilà mon homme aux pleurs: il gémit, il soupire,
Il se tourmente, il se déchire.

Un passant lui demande à quel sujet ces cris?
C'est mon trésor que l'on m'a pris.

Votre trésor! où pris ?-Tout joignant ceite pierre.Eh! sommes-nous en temps de guerre

Pour l'apporter si loin? N'eussiez-vous pas mieux fait De le laisser chez vous en votre cabinet,

Que de le changer de demeure?

Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure. A toute heure! bons dieux! ne tient-il qu'à cela? L'argent vient-il comme il s'en va?

Je n'y touchais jamais. Dites-moi donc, de grace Reprit l'autre, pourquoi vous vous affligez tant: Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent, Mettez une pierre à la place,

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Un cerf s'étant sauvé dans une étable à bœufs,
Fut d'abord averti par eux

Qu'il cherchât un meilleur asile.

Mes frères, leur dit-il, ne me décelez pas :
Je vous enseignerai les pâtis les plus gras;
Ce service vous peut quelque jour être utile,
Et vous n'en aurez point regret.

Les bœufs, à toute fin, promirent le secret
Il se caché en un coin, respire, et prend courage.
Sur le soir on apporte herbe fraiche et fourrage,
Comme l'on faisait tous les jours:

L'on va, l'on vient, les valets font cent tours,
L'intendant même; et pas un d'aventure
N'aperçut ni cor, ni ramure,

Ni cerf enfin. L'habitant des forêts

Rend déja grâce aux bœufs, attend dans cette étable
Que, chacun retournant au travail de Cérès,

Il trouve pour sortir un moment favorable.
L'un des bœufs ruminant lui dit : Cela va bien:
Mais quoi! l'homme aux cent yeux n'a pas fait sa revue
Je crains fort pour toi sa venue:
Jusques-là, pauvre cerf, ne te vante de rien.
Là-dessus le maître entre, et vient faire sa ronde.
Qu'est-ce ci? dit-il à son monde,

Je trouve bien peu d'herbe en tous ces rateliers.
Cette litière est vieille, allez vite aux greniers.
Je veux voir désormais vos bêtes mieux soignées.
Que coûte-t-il d'ôter toutes ces araignées?
Ne saurait-on ranger ces jougs et ces colliers ?
En regardant à tout il voit une autre tête

Que celles qu'il voyait d'ordinaire en ce lieu.
Le cerf est reconnu: chacun prend un épieu;
Chacun donne un coup à la bête.

Ses larmes ne sauraient la sauver du trépas.
On l'emporte, on la sale, on en fait maint repas,
Dont maint voisin s'éjouit d'être.

Phèdre sur ce sujet dit fort élégamment:

Il n'est, pour voir, que l'œil du maltre, Quant à moi, j'y mettrais encor l'œil de l'amant. ་་་་་་་་་་་་་་འ་་་་་་་་་་་་་་་་་་་དང

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L'Ane et le petit Chien. Hevos imp 1

Ne forçons point notre talent,

Nous ne ferions rien avec grace:
Jamais un lourdaud, quoi qu'il fasso,
Ne saurait passer pour galant

Peu de gens, que le ciel chérit et gratifie,
Ont le don d'agréer infus avec la vie.

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