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Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.
Eh! la peur se corrige-t-elle ?
Je crois même qu'en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi.
Ainsi raisonnait notre lièvre,
Et cependant faisait le guet.

Il était douteux, inquiet,

Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre
Le mélancolique animal,

En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit ce lui fut un signal
Pour s'enfuir devers sa tanière.

Il s'en alla passer sur le bord d'un étang.
Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
Ob dit-il, j'en fais faire autant
Qu'on m'en fait faire ! Ma présence

Effraie aussi les gens ! Je mets l'alarme au camp!
Et d'où me vient cette vaillance?

Comment! des animaux qui tremblent devant moi.
Je suis donc un foudre de guerre!

Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre,
Qui ne puisse trouver un plus poltron que sol.

FABLE XVII.

Le Coq et le Renard.

Sur la branche d'un arbre était en sentinelle
Un vieux coq adroit et matois.

Frère, dit un renard adoucissant sa voix,
Nous no sommes plus en querelle

Paix générale cette fois.

Je viens te l'annoncer; descends, que je t'embrasse · Ne me retarde point, de grace;

Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer.
Les tiens et toi pouvez vaquer,

Sans nulle crainte, à vos affaires :
Nous vous y servirons en frères.
Faites-en les feux dès ce soir'

Et cependant viens recevoir
Le baiser d'amour fraternelle.
Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle
Que celle

De ette paix:

Et ce n'est une double joie
De la tenir de toi. Je vois deux levriers,
Qui, je m'assure, sont courriers

Que pour ce sujet on envoie.

Ils vont vite, et seront dans un moment à nous.
Je descends nous pourrons nous entrebaiser tous
Adieu, dit le renard, ma traite est longue à faire.
Nous nous réjouirons du succès de l'affaire
Une autre fois. Le galant aussitôt
Tire ses grègues, gagne au haut,
Mal content de son stratagême.
Et notre vieux coq en soi-même
Se mit à rire de sa peur;

Car c'est double plaisir de tromper le trompeur.

muu~en amamı nemoav

FABLE XVIII.

Le Corbeau voulant imiter l'Aigle.

L'oiseau de Jupiter enlevant nn mouton,
Un corbeau, témoin de l'affaire,

Et plus faible de reins, mais non pas moins glouton
En voulut sur l'heure autant faire.

I tourne a fentour du troupeau,

Marque entre cent moutons le plus gras, le plus bean,
Un vrai mouton de sacrifice:

On l'avait réserve pour la bouche des dieux.
Gaillard corbeau disait, en le couvant des yeux :
Je ne sais qui fut ta nourrice,

Mais ton corps me parait en merveilleux état;
Tu me serviras de pâture.

Sur l'animal bêlant, à ces mots, il s'abat.

La moutonnière créature

Pesait plus qu'un fromage; outre que sa toison

Etait d'une épaisseur extrême,
Et mêlée à peu près de la même façon
Que la barbe de Polypheme.

Elle empêtra si bien les serres du corbeau,
Que le pauvre animal ne put faire retraite :
Le berger vient, le prend, l'encage bien et beau,
Le donne à ses enfants pour servir d'amusette.
Il faut se mesurer, la conséquence est nette:
Mal prend aux voleraux de faire les voleurs.
L'exemple est un dangereux leurre.

Tous les maugeurs de gens ne sont pas grands seigneurs;
Où la guêpe a passé, le moucheron demeure.

FABLE XIX.

Le Paon se plaignant à Junon.

Le paon se plaignait à Junon:
desse, disait-il, ce n'est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure;
Le chant dont vous m'avez fait don
Déplait à toute la nature:

Au lieu qu'un rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu'éclatar.ts,
Est lui seul l'honneur du printemps.
Junon répondit, en colère :

seau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d'envier la voix du rossignol,
Toi que l'on voit sorter à l'entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies;
Qui te panades, qui déploies

Une si riche queue et qui semble à nos yeux
La boutique d'un lapidaire !

Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire ?

Tout animal n'a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Lee uns ont la grandeur et la force en partage;
Le faucon est léger, l'aigle plein de courage,
Le corbeau sert pour le présago,

corneille avertit des malheurs à venir: ·
Tous sont contents de leur ramage.

Cosse donc de te plaindre ou bien pour te punir,
Je t'ôterai ton plumage.

FABLE XX

La Chatte métamorphosée en femme.

Un homme chérissait éperdument sa chatte;
la trouvait mignonne, et belle, et délicate,
Qui miaulait d'un ton fòrt doux.
Il était plus fou que les fous.
Cet homme donc, par prières, par larmes.
Par sortiléges et par charmes,
Fait tant qu'il obtient du destin
Que sa chatte, en un beau matin,
Devient femme et, le matin même,
Maltre sot en fait sa moitié.
Le voilà fox d'amour extrême,
De feu qu'il était d'amiție.
Jamais la dame la plus belle
Ne charma tant son favori,
Que fait cette épouse nouvelle
Son hypocondre de mari.

l'amadouc; elle le flatte:
Il n'y trouve plus rien de chatte;
Bt, poussant l'erreur jusqu'au bout,
La croit femme en tout et partout:

Loreque quelques souris qui rongeaint de la mate blèrent le plaisir des nouveaux mariés. Aussitôt la femme est sur pieds.

Elle manqua son aventure.

Souris de revenir, femme d'être en posture
Pour cette fois, elle accourut à point;

Car ayant changé de figure,

Les souris ne la craignaient point.
Ce lui fut toujours une amorce :
Tant le naturel a de force!

se moque de tout : certain âge accompli,

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Le vase est imbibé, l'étoffe a pris son pl.
En vain de son train ordinaire
On le veut désaccoutumer:
Quelque chose qu'on puisse faire,
On ne saurait le réformer;
Coups de fourches ni d'étrivières
Ne, lui font changer de manières;
Et, fussiez-vous embâtonnés,
Jamais vous n'en serez les maîtres.
Qu'on lui ferme la porte au nez,
Il reviendra par les fenêtres.

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