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Ceux-ci sont courtisans, ceux-là sont magistrats. Aristote appliquait cet apologue aux hommes.. Les exemples en sont communs,

Surtout au pays où nous sommes.

Plus telles gens sont pleins, moins ils sont importuns.

ཨཽ་་འའབའ་ལ་་་་་ཨཱ་་་་་་་་་་་་་་་་M་་་་་་་་w FABLE XV.

L'Amour et la Folie.

Tout est mystère dans l'Amour,
Ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance,
Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour
Que d'épuiser cette science.

Je ne prétends donc point tout expliquer ici :
Mon but est seulement de dire, à ma manière,
Comment l'aveugle que voici

(C'est un dieu,) comment, dis-je, il perdit la lumière;
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien.
J'en fais juge un amant, et ne décide rien.
La Folie et l'Amour jouaient un jour ensemble;
Celui-ci n'était pas encor privé des yeux.
Une dispute vint: l'Amour veut qu'on assemble
Là-dessus le conseil des dieux :
L'autre n'eut pas la patience;

Et lui donne un coup si furieux
Qu'il en perd la clarté des cieux.
Vénus en demande vengeance.
Femme et mère, il suffit pour juger de ces cris.
Les dieux en furent étourdis,
Edupiter, et Némésis,

Et les juges d'enfer, enfin toute la bande.
Elle représenta l'énormité du cas;

Son fils, sans un bâton ne pouvait faire un pas.
Nulle peine n'était pour ce crime assez grande ;
Le dommage devait être aussi réparé.

Quand on eut bien considéré

L'intérêt du public, celui de la partie,
Le résultat enfin de la suprême cour

Fut de condamner la Folie
A servir de guide à l'Amour.

FABLE XVI.

L'Éléphant et le Singe de Jupiter.

Autrefois l'éléphant et le rhinocéros,
En dispute du pas et des droits de l'empire,
Voulurent terminer la querelle en champ clos.
Le jour en était pris, quand quelqu'un vint leur dire
Que le singe de Jupiter,

Portant un caducée, avait paru dans l'air.
Ce singe avait om Gille, à ce que dit l'histoire
Aussitôt l'éléphant de croire

Qu'en qualité d'ambassadeur
Il venait trouver sa grandeur.
Tout fier de ce sujet de gloire,
Il attend maître Gille, et le trouve un peu lent
A lui présenter sa créance;
Maitre Gille erfin en passant

Va saluer son excellence.
L'autre était préparé sur la légation:
Mais pas un mot. L'attention
Qu'il croyait que les dieux eussent à sa querelle
N'agitait pas encor chez eux cette nouvelle.
Qu'importe à ceux du firmament

Qu'on soit mouche ou bien éléphant?

Il se vit donc réduit à commencer lui-même :
Mon cousin Jupiter, dit-il, verra dans peu
Un assez beau combat, de son trône suprême;
Toute sa cour verra beau jeu.

Quel combat? dit le singe avec un front sévère.
L'éléphant repartit : Quoi! vous ne savez pas
Que le rhinocéros me dispute le pas;
Qu'Eléphantide a guerre avecque Rhinocères ?
Vous connaissez ces lieux, ils ont quelque renom.
Vraiment je suis ravi d'en apprendre le nom,
Repartit maitre Gille: on ne s'entretient guères
De semblables sujets dans nos vastes lambris.

L'éléphant, honteux et surpris,

Lui dit: Eh! parmi nous que venez-vous donc faire? Partager un brin d'herbe entre quelques fourmis: Nous avons soin de tout. Et quant à votre affaire, On n'en dit rien encor dans le conseil des dieux: Les petits et les grands sont égaux à leurs yeux.

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FABLE XVII.

Le Renard, le Loup et le Cheval.

Un renard, jeune encor, quoique des plus madrés,
Vit le premier cheval qu'il eût vu de sa vie.
Il dit à certain loup, franc novice: Accourez,
Un animal pait dans nos prés,

Beau, grand; j'en ai la vue encor toute ravie.
Est-il plus fort que nous? dit le loup en riant:
Fais-moi son portrait, je te prie.

Si j'étais quelque peintre ou quelque étudiant,
Repartit le renard, j'avancerais la joie
Que vous aurez en le voyant.

Mais venez. Que sait-on? peut-être est-ce une proie
Que la fortune nous envoie.

Ils vont, et le cheval, qu'à l'herbe on avait mis,
Assez peu curieux de semblables amis,

Fut presque sur le point d'enfiler la venelle.
Seigneur, dit le renard, vos humbles serviteurs
Apprendraient volontiers comment on vous appello.
Le cheval, qui n'était dépourvu de cervelle,
Leur dit: Lisez mon nom, vous le pouvez, messieurs,
Mon cordonnier l'a mis autour de ma semelle.
Le renard s'excusa sur son peu de savoir:

Mes parents, reprit-il, -ne m'ont point fait instruire
Ils sont pauvres, et n'ont qu'un trou pour tout avoir:
Ceux du loup, gros messieurs, l'ont fait apprendre àire.
Le loup, par ce discours flatté,
S'approcha. Mais sa vanité

Lui coûta quatre dents: le cheval lui dǝsserre
Un coup; et haut le pied. Voilà mon loup par terre,
Mal en point, sanglant et gâté.

Frère, dit le renard, cecinus justifie
Ce que m'ont dit des gens d'esprit :
Cet animal vous a sur la mâchoire écrit
Que de tout inconnu le sage se méfie.

FABLE XVIII.
Le Singe.

Il est un singe dans Paris
A qui l'on avait donné femme;
Singe en effet d'aucuns maris:
Il la battait. La pauvre dame
En a tant soupiré, qu'enfin elle n'est plus.
Leur fils se plaint d'étrange sorte,
Il éclate en cris superflus:

Le père en rit, sa femme est morte.
Il a déjà d'autres amours,

Que l'on croit qu'il battra toujours;
Il hante la taverne, et souvent il s'enivre.
N'attendez rien de bon du peuple imitateur.
Qu'il soit singe, ou qu'il fasse un livre,
La pire espèce, c'est l'auteur.

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FABLE XIX.

Le Renards et les Poulets d'Inde.

Contre les assauts d'un renard

Un arbre à des dindons servait de citadelle.
Le perfide ayant fait tout le tour du rempart,
Et vu chacun en sentinelle,

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S'écria: Quoi! ces gens se moqueront de moi!
Eux seuls seront exempts de la commune loi !
Non, par tous les dux! non. Il accomplit son
La lune, alors luisan, semblait, contre le sire,
Vouloir favoriser la dindonnière gent.

Lui, qui n'était novice au métier d'assiégeant,
Eut recours à son sac de rases scélérates,
Feignit vouloir gravir, se guinda sur ses pattes,
Pais contrefit le mort, puis le ressuscité.

Arlequin n'eût exécuté

Tant de différents personnages.
I élevait sa queue, il la faisait briller,
Et cent mille autres badinages,
Pendant quoi nul dindo n'eût osé sommeiller.
L'ermi les lassait en leur tenant la vue
Sur même objet toujours tendue.

Les pauvres gens étant à la longue éblouis,
Toujours il en tombait quelqu'un; autant de pris,
Autant de mis à part: près de moitié succombe.
Le compagnon les porte en son garde-manger.
Le trop d'attention qu'on a pour le danger
Fait le plus souvent qu'on y tombe.

FABLE XX.

Le Philosophe Scythe.

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Un philosophe austere, et né dans la Scythie,
Se proposant de suivre une plus douce vie,
Voyagea chez les Grecs, et vit en certains lieux
Un sage, assez semblable au vieillard de Virgile,
Homme égalant les rois, homme approchant des dieux,
Et, comme ces derniers, satisfait et tranquille.
Son bonheur consistait aux beautés d'un jardin
Le Scythe l'y trouva qui, la serpe à la main,
De ses arbres à fruit retranchait l'inutile,
Ebranchait, émondait, ¿tait ceci, cela,
Corrigeant partout la nature,
Excessive à payer ses soins avec usure.
Le Scythe alors lui demanda
Pourquoi cette ruine : était-il d'homme sage
De mutiler ainsi ces pauvres habitants?
Quittez-moi votre serpe, instrument de dommage;
Laissez agir la faux du temps:

Is iront assez tôt border le noir rivage.
J'ôte le superflu, dit l'autre ; et l'abattant,
Le reste en profite d'autant.

Le Scythe, retourné dans sa triste demeure

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