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Et disait, en souffrant un surcroît de douleur:
Faut-il contribuer à son propre malheur !

Cruels humains! vous tirez de nos ailes
De quoi faire voler vos machines mortelles!
Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié:
Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.
Des enfants de Japet toujours une moitié
Fournira des armes à l'autre.

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FABLE VII.

La Lice et sa compagne.

Une lice étant sur son terme,

འ་་་་་.

Et ne sachant où mettre un fardeau si pressant,
Fait si bien qu'à la fin sa compagne consent
De lui prêter sa hutte, où la lice s'enferme.
Au bout de quelque temps sa compagne revient.
La lice lui demande encore une quinzaine;
Ses petits ne marchaient, disait-elle, qu'à peine.
Pour faire court, elle l'obtient.

Ce second terme échu, l'autre lui redemande
Sa maison, sa chambre, son lit.

La lice cette fois montre les dents, et dit :
Je suis prête à sortir avec toute ma bande,
Si vous pouvez nous mettre hors.
Ses enfants étaient déjà forts.

Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette:
Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête,

Il faut que l'on en vienne aux coups;

Il faut plaider; il faut combattre.

Laissez leur prendre un pied chez vous,
Ils en auront bientôt pris quatre.

FABLE VIII.

L'Aigle et l'Escarbol.

L'aigle donnait la chasse à maltre Jean lapin,
Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vite.

Le trou de l'escarbot se rencontre en chemin :
Je laisse penser si ce gîte

Était sûr; mais où mieux ? Jean lapin s'y blottit.
L'aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
L'escarbot intercède, et dit:

Princesse des oiseaux, il vous est fort facile
D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux :
Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie;
Et puisque Jean lapin vous demande la vie,
Donnez-la-lui, de grace, ou l'ôtez à tous deux :
C'est mon voisin, c'est mon compère.
L'oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot,
Choque de l'aile l'escarbot,

L'étourdit, l'oblige à se taire,

Enlève Jean lapin. L'escarbot indigné

Vole au nid de l'oiseau, fracasse en son absence
Ses œufs, ses tendres œufs, sa plus douce espérance
Pas un seul ne fut épargné.

L'aigle étant de retour, et voyant ce ménage,
Remplit le ciel de cris; et, pour comble de rage,
Ne sait sur qui venger le tort qu'elle a souffert.
Elle gémit en vain; sa plainte au vent se perd:
Il fallut pour cet an vivre en mère affligée.
L'an suivant, elle mit son nid en lieu plus haut.
L'escarbot prend son temps, fait faire aux œufs le saut:
La mort de Jean lapin de rechef est vengée.
Ce second deuil fut tel, que l'écho de ces bois
N'en dormit de plus de six mois.
L'oiseau qui porte Ganymède

Du monarque des dfeux enfin implore l'aide,
Dépose en son giron ses œufs; et croit qu'en pals
Ils seront dans ce lieu; que pour ses intérêts
Jupiter se verra contraint de les défendre:
Hardi qui les irait là prendre,

Aussi ne les y prit-on pas.

Leur ennemi changea de note:
Sur la robe du dieu fit tomber une crotte.
Le dieu la secouant jeta les œufs à bas.
Quand l'aigle sut l'inadvertance,
Elle menaça Jupiter

D'abandonner sa cour, d'aller vivre au désert,
De quitter toute dépendance,

Avec mainte au..e extravagance.
Le pauvre Jupiter se tut:

Devant son tribunal l'escarbot omparut,
Fit sa plainte, conta l'affaire.

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On fit entendre à l'aigle, enfin, qu'elle avait tort.
Mais les deux ennemis ne voulant point d'accord,
Le monarque des dieux s'avisa, pour bien faire,
De transporter le temps ou l'aigle fait l'amour
En une autre saison, quand la race escarbote
Est en quartier d'hiver, et, comme la marmotte,
Se cache, et ne voit point le jour.

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FABLE IX

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Avait un brouet clair: il vivait chichement.
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette:
La cigogne au long bec n'en put attraper miette
Fabl. de Laf.

Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperio,
A quelque temps de la, la cigogne le prie.
Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie.
A l'heure dite, il courut au logis
De la cigogne son hôtesse;
Loua très fort sa politesse,
Trouva le diner cuit à point:

Bon appétit surtout: renards n'en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande.
On servit, pour l'embarrasser,

En un vase à long col et d étroite embouchure.
Le bec de la cigogne y pouvait bien passer;
Mais le museau du sire était d'autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,

Honteux comme un renard qu'une pous aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l'oreille.

Trompeurs, c'est pour vous que j'écris :
Attendez-vous à la pareille.

FABLE X.

Le Lion et le Moucheron.

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Ta-t'en, chétif insecte, excrément de la terre!
C'est en ces mots que le lion

Parlait un jour au moucheron.
L'autre lui déclara la guerre :

Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de rol
Me fasse peur ni me soucia?

Un bœuf est plus puissant que toi;
Je le mène à ma fantaisie.
A peine il achevait ces mots,
Que lui-même il sonra la charge,
Fut le trompette et le héros.
Dans l'abord il se met au large,
Pais prend son temps, fond sur le sou

Du lion qu'il rend presque fou.

Le quadrupède écume, et son œil étincelle:
Il rugit. On se cache, on tremble à l'environ,
Et cette alarme universelle

Est l'ouvrage d'un moucheron.

Un avorton de mouche en cent lieux le harceile;
Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.

La rage alors se trouve à son faite montée.
L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs,
Bat l'air, qui n'en peut mais; et sa fureur extrême
Le fatigue, l'abat: le voilà sur les dents.
L'insecte du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin
L'embuscade d'une araignée :

Il y rencontre aussi sa fin.

Quelle chose par-là peut nous être enseignée?
J'en vois deux: dont l'une est qu'entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits;
L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire.

FABLE XI.

L'Ane chargé d'éponges, et l'Ane chargé de sel.

Un ânier, son sceptre à la main,
Menait, en empereur romain;
Deux coursiers à longues oreilles,

L'un, d'éponges chargé, marchait comme un courrier;
Et l'autre, se faisant prier,

Portait, comme on dit, les bouteilles

Sa charge était de sel. Nos gaillards pèlerins,
Par monts, par vaux, et par chemins,

An gué d'une rivière à la fin arrivèrent,

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