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détruisent l'une l'autre, comme ces formes fantastiques que nous croyons apercevoir dans les nuages.

Les songes drolatiques, par exemple, sont une espèce de baguenaudier qui peut amuser des enfants de tout âge. Les uns y trouveront, bon gré, mal gré, les divers personnages du roman de Rabelais, pris à la cour de François I°; d'autres, un tableau satirique des guerres qui désoloient l'Europe au seizième siècle : ceux-ci les rapporteront uniquement aux affaires ecclésiastiques; ceux-là n'y verront qu'un traité de morale, oppugnatoire des vices, et tous auront raison. Pour nous, nous nous engageons à y démontrer, quand on le voudra, les aphorismes de l'art Hermétique, les spéculations du Mage, les supputations du Cabaliste, ou les principes des Astrologues dans la formation de leurs thèmes.

EN ANNONCANT cette nouvelle édition, nous n'ignorions pas qu'il se préparoit un très grand travail sur Rabelais. Et, en effet, depuis la publication de notre premier volume, il en a paru un d'une édition accompagnée d'un Commentaire historique et philologique'.

I

Quant aux pièces de Rabelais, annoncées dans cette dition comme inédites, nous répéterons ce que nous avons déja dit dans notre Prospectus, IL n'en existe pas.

1o L'explication des songes drolatiques, lesquels rien ne costate être émanés du cerveau de Rabelais, ne lui appartient nullement; c'est l'ouvrage des nouveaux éditeurs.

2° L'Epistre à Jean Bouchet et l'épigramme sur le Garun n'étoient point inédites, et nous les avions reproduites dars notre édition de 1820.

3o Les épîtres latines précédent depuis près de trois cen's

Nous nous serions peut-être abstenus d'en parler, le champ des lettres étant ouvert à tous, si les nouveaux éditeurs ne nous eussent attaqués les premiers. Comme d'ailleurs elle se rattache nécessairement à celles que nous indiquons en tête du présent volume', nous croyons devoir à nos lecteurs les détails suivants.

Cette édition, sortie comme la nôtre des presses de M. Jules Didot l'aîné, se recommande par la beauté de l'exécution, par le luxe des gravures, auxquelles il ne manque que le caractère et le costume convenables aux personnages 2, et sur-tout par le mérite bien reconnu des deux éditeurs.

ans les ouvrages scientifiques de Rabelais. Nous les rapportons également dans la présente édition.

4° Enfin, les Suppliques de Rabelais se trouvent depuis 1735 dans le trente-deuxième volume des Mémoires de Niceron. Elles nous avoient été conservées par du Verdier, dans sa Prosopographie.

Quand donc les libraires voudront-ils renoncer à ces annonces emphatiques et mensongères, qui ne sauroient en imposer à l'homme instruit? Si quelqu'un eût été en droit de pro mettre quelque chose de curieux, c'étoient nous, puisque, les premiers, nous reproduisions la SCIOMACHIE, que ni Le Duchat, ni aucun autre éditeur n'avoient recueillie, et qui n'a pas été réimprimée depuis 1549.

L'édition de Rabelais que nous citons ci-après, page 17, sans en donner la date, est de 1752, la même année que parut celle de l'abbé Pérau. Ainsi, restée plus de trente ans dans les magasins, elle fut reproduite en 1789, et n'eut pas un beaucoup plus grand débit.

? La réflexion nous a convaincus qu'il est à peu près impossible de composer une suite de bons dessins pour le roman de Rabelais. La stature démesurée de Grandgousier, Garga

Néanmoins, nous observerons d'abord au libraire (car il ne peut être ici question que de lui), qu'il eût pu facilement s'épargner un BARBARISME. C'en est un, en effet, vous dira Rabelais lui-même, que ÉDITION VARIORUM ; id est, UNE DICTION MONSTRUEUSE, COM

POUSEE DUNG MOT FRANCOIS ET DUNG AULTRE LATIN.

Voyez, au Glossaire, Decretalictone, pag. 208.

Quant au second titre, Vie de Gargantua et de Pantagruel, nous l'eussions adopté d'autant plus volontiers que le roman de Rabelais ne forme pas là totalité de ses œuvres, comme on peut s'en convaincre ci-après, pag. 1 et suiv. Mais il nous a fallu déférer au desir de feu Desoër. Toutefois devoit-on écrire VIES au pluriel; car, si nous savons bien compter, la vie de Gargantua et celle de Pantagruel forment deux vies, bien distinctes, et que Rabelais n'a publiées que l'une après l'autre.

APRÈS l'extrême minutie d'un bon nombre de notes, et l'intarissable prolixité de toutes (d'où résultent huit volumes in-8°, du prix de 100 francs), ce qui nous a le plus frappés, c'est le ton dogmatique et tranchant qui régne d'un bout à l'autre dans un commentaire où pres. que tout néanmoins demeure conjectural, où bien peu de choses peuvent être dites prouvées. Vous croiriez

melle, Pantagruel et Gargantua, contraindra toujours le dessinateur à réduire les autres personnages à la taille de Pygmées. D'ailleurs, comme Rabelais se joue sans cesse de la vraisemblance, comment peindre un homme qui, tantôt s'assied sur les tours de Notre-Dame, tantôt passe la Seine à la nage, ou grimpe, ainsi qu'un chat, au faîte d'une de nos maisons?

entendre Rabelais lui-même, dévoilant à votre esprit les mysteres horrificques abscons soubz ses folasteries. Sans doute, cet écrivain, satirique et railleur, a signalé les travers et les vices de son siècle, ceux sur-tout de la gent monachale, qu'il fut à portée d'observer de plus près. Peut-être aussi s'est-il permis des allusions malignes aux événements les plus remarquables des régnes de François Ier et de Henri II; mais, prétendre asservir ses folles conceptions, son imagination fertile et vagabonde à la marche chronologique, à l'austère véracité de l'histoire; vouloir expliquer jusqu'aux plus légers incidents, refuser à Rabelais tout détail d'invention, et placer à côté du plus insignifiant de ses personnages le nom d'un homme existant de son temps, c'est, il faut en convenir, passer toutes les metes de l'art interprétatoire. Nous le demandons aux éditeurs eux-mêmes, ne faut-il pas être doué d'une foi robuste pour croire fermement que des harengs saurs sont des bénéfices; des torche-culs, les maîtresses de François Ier; les fouaces de Lerné, le macaroni d'Arlequin, ou la boulangère de Lodi; le pays de Satin, la cour de Henri II; Theleme, l'abbaye de Saint-Maur-lesFossés; le mont de l'Albespine, la montagne des Olives; l'île Farouche, la riante Cythère? S'il est déja difficile de reconnoître le brillant et chevaleureux François Ier dans le lourd Gargantua, dont tous les exploits se bornent à prendre d'assaut une bicoque ; si le dévot Pantagruel, à qui, dans un roman aussi licencieux, Rabelais ne permet pas la plus petite gravelure, ressemble assez mal au voluptueux Henri II, lequel n'a

voit que DIX ans quand on le chroniquoit ainsi, comment prouvera-t-on que l'ignoble et lâche Panurge, tiré de la plus profonde misère, est le cardinal de Lorraine, et frère Jean, celui du Bellai? Comment sur-tout acertainer que le charmant Eudemon est Cossé-Brissac; Ponocrates, Trivulce; le pédant Thubal Holopherne, le brave Balthasar de Castillone; Théodore, un médecin du roi des Avares, parceque Louis XII étoit avare; don Philippe des Marais, George d'Amboise, parceque, vraisemblablement, il demeuroit au Marais, et que Philippe (id est, phile hippe), signifie ami des chevaux, comme l'étoit saint George son patron. Par suite de ces burlesques analogies, Philotime devient le chevalier Bayard, parceque son nom signifie ami de l'honneur; Gymnaste, Louis de la Trémouille, lequel est aussi le Tamiseur, cousin du grand Cyclope, parceque Trémouille est formé de Trémie; le cordonnier Babin se change en Philibert Babou, parceque ce dernier est seigneur de Solier; Bringuenarilles, à peine nommé en courant, et dont on annonce la mort, est Charles-Quint, si parfaitement signalé, dit-on, qu'il n'est pas possible de le méconnoître; et, cependant, Charles-Quint n'abdiqua que deux ans après la mort de Rabelais (1555), et ne mourut qu'en 1558. Il n'est pas jusqu'à Rhizotome, le plus insignifiant des personnages du roman, qui ne soit, ou Léonard Fusch, ou Dalechamps, ou Conrad Gessner; choisissez, lecteur.

Il y a de l'esprit, beaucoup d'esprit sans doute, dans plusieurs de ces hypothèses. Les auteurs montrent une érudition vaste. Ils ont fait une étude approfondie de

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