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ressantes; voici l'acte de sépulture de celui qui a enterré le père de Mabillon :

« L'an de grâce mil six cent quatre ving quatorze le dix neufvieme jour du mois de décembre est décédé Msire Jean le Chesne prieur curé de Saint-Pierrmont, oche et fontenoy, chanoine profès de la Congré→ gation de letroitte observence de premontré, aagé de quarente trois ans et a esté transporté le mesme jour en l'abbaye Ntre-Dame de Belval dudit ordre, où il a été inhumè par les religieux ses frères avec avec les cérémonies accoutumées et mis au milieu de la nef de leglise de laditte abbaye en foy de quoy jay signé.

F. Bertignon, prieur de Fossé. »

Le successeur de Jean le Chesne fut un Augustin dit Génovéfain, envoyé par l'abbaye de Saint-Denis de Reims : on voit les fréquents emprunts faits à cette époque par le clergé paroissial aux ordres religieux du voisinage et cette circonstance justifie les services rendus par nos abbayes régionales. Dom Mabillon fut en grandes relations avec les prémontrés de Belval dont un des plus précieux manuscrits, conservé à la bibliothèque de Charleville, s'appelle encore la Bible de Mabillon, comme le raconte M. Jean Hubert à la page 327 de ses Mélanges d'histoire ardennaise.

Saint-Pierremont devint en 1790 le chef-lieu d'un canton du district de Grandpré. Aujourd'hui, cette commune, qui comptait en 1825 une population de 560 habitants, n'en a plus que 413; elle fait partie du canton de Buzancy et de l'arrondissement de Vouziers; son principal écart est le hameau de Fontenoy; son territoire, en général fort pierreux, comprend deux tiers en terres labourables et l'autre tiers en bois et prés: l'état actuel de Saint-Pierremont est celui de tous les villages agricoles de la contrée; il jouit de revenus forestiers considérables et possède un vaste presbytère et de belles écoles. Les anciens châteaux n'offrent plus que des débris transformés en exploitations agricoles. L'église solidement restaurée, garnie d'un maître-autel avec rétable sculpté dans le bon goût du xvII siècle, a été décrite en ces termes par M. Jean Hubert dans la Statistique monumentale du département des Ardennes (Trav. de l'Acad. de Reims, T. xvII, p. 90, année 1853):

« Eglise et restes de châteaux de style ogival et moderne des XV* et XVIIe siècles. Le choeur, la tour et les tourelles doivent être regardés comme les parties les plus importantes du monument.

L'église de Saint-Pierremont n'a qu'une seule nef de construction moderne, sans bas côtés. Le choeur à deux travées se termine carrément. La voûte en est ogivale avec nervures cylindriques. Il forme la partie inférieure d'une grosse tour crénelée. Il y avait à Saint-Pierremont plusieurs châteaux. L'un d'eux qui est aujourd'hui une ferme n'a conservé qu'une tour carrée avec machicoulis. Une autre ferme, autrefois château, est encore flanquée de deux grosses tours carrées avec créneaux et machicoulis. Toute la partie gauche a été détruite. Dans la partie droite, il reste encore plusieurs pièces voûtées à larges cheminées.

La maison où est né Mabillon subsiste encore. Rien ne la distingue des plus modestes habitations du village.

L'aspect des lieux a peu changé depuis cette description de l'église et de la modeste demeure qu'une tradition trèsauthentique assigne pour berceau à Jean Mabillon. Cette maison, malgré son délabrement, est le véritable édifice historique du village. Un seul objet artistique y attire l'attention, c'est le foyer resté tel qu'il était il y a deux siècles; il est soutenu par deux colonnes en pierre à base arrondie, mesurant 175 de hauteur; on voit une vieille taque garnissant la cheminée, dont l'écu paraît être celui de la famille de Chamissot, qui compta parmi ses membres Jean de Chamissot, seigneur de Sivry lors de la rédaction du Procès-Verbal de la noblesse de Champagne par Caumartin. Cette localitè est vraisemblablement Sivry-les-Buzancy, et il est probable que cette famille possédait aux environs des forges dont les produits portaient l'écu armorié. En voici la description : « d'argent à cinq trèfles posées en Sautoir de sable, au chef, et deux mains dextre et senestre renversées de mesme, posées en pointe. » (Caumar. tin, Procès-Verbal, édit. in-8, Vouziers, p. 61.)

Enclavée dans les habitations voisines, la maison de Mabillon a une étroite façade sur la rue qui part du chevet de l'église; on entre dans une grande pièce, remarquable par son foyer, et on passe dans deux autres pièces par où l'on

accède dans le petit jardin. Au-dessus, s'étend un double grenier éclairè par une fenêtre sur la rue.

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Partout l'on veille avec soin sur les endroits consacrés par de respectables souvenirs rien n'honorerait davantage Saint-Pierremont que de pouvoir y montrer longtemps encore le foyer où fut élevé Jean Mabillon. Un marbre vient d'être placé, en Septembre 1878, au-dessus de la porte, avec ces mots : JEAN MABILLON NÊ LE 23 Novbre 1632; il signale au visiteur un seuil rustique que franchirent, non sans émotion, Mgr le cardinal Gousset le 14 juin 1853, et Mgr Benoît Langénieux le 10 mai 1877. L'un et l'autre s'intéressèrent au sort de cette petite maison dont la conservation leur parut liée à l'honneur du diocèse de Reims et du département des Ardennes.

Ce vœu si légitime de conservation fut unanimement exprimé lors de l'inauguration du monument de Mabillon, le 16 novembre 1878. Peu de jours après, il fut réalisé dans les meilleures conditions, grâce à l'actif dévouement de M. Lourdet, curé de Saint Pierremont, qui acquit de Melle Thomas la maison et le jardin moyennant 600 francs : par ses soins intelligents et ses vues prévoyantes, la maison de Mabillon, propriété de la Fabrique, sera conservée dans son état actuel; elle sera entretenue sans être modifiée et se trouvera dans la suite honnêtement habitée. Cet acte méritoire vaut à ce digne curé la reconnaissance de tous ceux qu'intéresse la mémoire de Mabillon.

On trouve dans la Statistique agronomique de l'arrondissement de Vouziers, par MM. Meugy et Nivoit (in-8, Charleville, Jolly, 1873), à la page 376, une notice topographique et géologique de Saint-Pierremont, pleine de renseignements aussi savants qu'exacts. Elle signale « à 300 m. au bas du village le ruisseau de la Fontaine-Grosjean, qui prend sa source dans les bois communaux de Sommauthe, près du Chêne Mabillon, à l'altitude de 229 m. » Ce lieudit est une preuve de la persistance du souvenir conservé dans le pays à ce nom vénérable.

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Mabillon recueillit et composa une grande quantité d'inscriptions historiques; il voyait en elles autant de documents précieux légués par l'antiquité et dignes d'un attentif respect. Mais avec son rare bon sens, qualité maîtresse de l'érudit comme des autres travailleurs, il savait critiquer à l'occasion les textes inspirés par l'ambition ou la vanité; il voulait qu'on n'élevât un monument d'honneur « qu'aux personnages vraiment grands, dont les solides vertus avaient déjà illustré le nom mieux que le marbre et l'airain: « ....nisi aliud monumentum, quovis ære ac marmore perennius, homines veris solidisque virtutibus sibi ipsi erigere curent. Iter Italicum, p. 176. » Mabillon a pleinement réalisé ce vœu que dans sa modestie il formait pour les autres i mérite donc, d'après son propre jugement, les hommages de la postérité.

C'est dans l'église de Saint-Pierremont que Jean Mabillon fut baptisé le 25 novembre 1632, deux jours après sa naissance, et c'est aussi dans cet humble sanctuaire qu'il fut instruit dans la foi chrétienne. Cet édifice, qui n'a pas changé de caractère depuis cette époque, était naturellement désigné pour recevoir le monument du grand bénédictin.

Semblable hommage avait été récemment rendu dans les mêmes conditions, au savant moraliste, Jean-Baptiste Blanchard, de la Compagnie de Jésus, chanoine d'Avenay, né à Tourteron en 1731 et mort au même lieu en 1797. Une plaque de marbre, appliquée au mur du transept gauche de l'église de Touteron, y relate les dates de sa vie et la

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