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Au plus profond savoir joindre l'humilité,
Chérir également la paix, la vérité,
Allier la douceur avec la vie austère,
Ce fut le propre charactère

Du fumeux MABILLON icy représenté.

Sur une autre, qui se vendait à Paris chez Desrochers, se trouve ce quatrain :

Mabillon nous fait voir sa haute intelligence
En débrouillant l'antiquité,

Son esprit fut plein de science
Et son cœur d'humilité.

La plus heureuse de ces épigraphes, signée Bosquillon, est inscrite au bas du carré in-4°, gravé par Loir, d'après Hallé, et publié chez Bercy, rue Saint-Jacques :

Cet air simple et modeste où rien n'est affecté,
T'offre de Mabillon l'exacte ressemblance ;

Et dans un trésor de science,

Un prodige d'humilité.

Une lithographie porte ce titre Gloire du clergé, tous les autres portraits relatent simplement le nom, le titre et les dates. M. Adolphe Varin a gravé en 1874 et en 1878 deux portraits de Mabillon qui n'ont pas été mis dans le com

merce.

IV

Les Epitaphes et translations successives.

Le Saint-Père fit écrire aux religieux de SaintGermain-des-Prés ces touchantes prescriptions au sujet de la sépulture de Dom Mabillon :

Sa Sainteté a marqué que vous luy feriez plaisir de l'inhumer dans le lieu le plus distingué, puisqu'il n'y en a point où sa réputation ne se soit répanduë, et que tous les sçavants qui iront à Paris ne manqueront pas de vous demander où l'avez-vous mis? Ubi posuistis eum? Il prévoit qu'elle sera leur peine, s'ils apprennent que les cendres d'un personnage de ce mérite ont esté confondues, et s'ils ne les trouvent pas recueillies sous le marbre, avec quelqu'inscription qui convienne à des restes si précieux (1). » Lorsque ce vœeu, exprimé avec tant de sollicitude par le pape Clément XI, parvint à l'abbaye, Dom Mabillon reposait déjà sous le pavé de la chapelle de Notre Dame, à droite vers la muraille, sous la première arcade près du pilier qui est du côté de l'autel. Rien n'était plus modeste que les monuments placés par les Bénédictins sur la tombe des grands hommes qui avaient apporté à leur Ordre le plus d'honneur et d'illustration. On rencontre fréquemment dans les églises monastiques des inscriptions funéraires qui ne présentent autre chose qu'une date, et c'était aux nécrologes qu'il fallait recourir pour retrouver les noms des personnages. Aussi, D. Ruinart après avoir relaté la lettre pontificale ajoute : Cela est contre l'usage de notre Congrégation,

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(1) Jucundum illi esset, si talem virum aliquo magis distincto loco humaretis, cum ipsius fama per omnia volitet ora, ac Litterati omnes quotquot Parisios venerint interregabunt vos ubi posuistis eum? dolebuntque maximê si confusos illos agnoscerent cineres, qui singularem adeo virum dum viveret contexerunt, nec aliquo lapidis indicio admoneantur. D Epist. Card. Coloredo ad D. Theod. Ruinart. Dom Ruinart, p. 426.

mais ce grand homme mérite d'autant plus d'être distingué après sa mort qu'il a toujours vécu dans la simplicité la plus commune (1). »

Ce fut déjà sans doute un digne honneur pour Mabillon, que d'être inhumé dans cette grande et magnifique chapelle de la Vierge, située au milieu du monastère, qui avait été construite en même temps que la Sainte-Chapelle du Palais par Pierre de Montereau. Le désir de Clément XI fut rempli en partie par la pose d'une pierre tombale de marbre blanc de 60 centimètres de hauteur sur 34 de largeur.

+

HIC JACET

R. P. D.

JOANNES

MABILLON

OBIIT

27 DECEMBRIS
1707.

Cette épitaphe, si vénérable par sa simplicité même et qui a recouvert pendant 91 ans les restes du grand bénédictin, arrachée du sol de la chapelle en 1799, se trouve enfouie dans les débris de toutes sortes conservés aux magasins de Saint-Denis. A côté d'elle se voit celle de (1) D. Ruinart, p. 427.

Dom Bernard de Montfaucon, mort en 1741, qui fut composée sur le même modèle. M. de Guilhermy les offre décrites l'une et l'autre dans son Recueil des Inscriptions de Paris (1).

Il convient de rapprocher de l'épitaphe de Mabillon celle de son fidèle Thierry Ruinart, qui vint mourir, près de deux ans plus tard dans l'abbaye d'Hautvillers à cinq lieues de sa patrie (2). Le triste souvenir de la mort de son maître et la douleur continuelle qu'il en ressentait lui avaient affaibli la santé; il voyageait en Champagne, pour continuer les annales de son ordre, quand il tomba malade chez les religieux d'Hautvillers; il y mourut le 27 Septembre 1709, âgé de 53 ans, après 17 jours de maladie. Quoiqu'il ne fut qu'un hôte dans ce monastère de la Congrégation de Saint-Vannes, il y reçut les soins les plus empressés et fut inhumé dans

(1) Plusieurs auteurs, entre autres M. Guérard (Polypt. d'Irminon, p. 5) ont souvent répété à tort que la dalle funèbre de Mabillon ne portait pas son nom. On peut voir la preuve du contraire dans la Collection des Documents inédits sur l'Histoire de France, Inscriptions du Diocèse de Paris par M. de Guilhermy. T. I, p. 352 (2 planches).

(2) Il faut consulter sur D. Ruinart, sa vie, ses ouvrages et sa mort les pages 273 à 284 de l'Hist. litt. de la Cong. de S. Maur par D. Tassin. Ce recueil contient aussi des détails sur dix Bénédictins de Saint-Maur, nés dans le diocèse de Reims, à savoir: Dom Planchette, nè à Aubigny-les-Pothées + 1680; D. Gelé, né au Chesne + 1725; D. Carpentier, né à Charleville +1767; et six autres nés à Reims D. Le Grand + 1672; Victor Cotron +1679; D. Baussonet, D. Rousseau, D. Noël, vivants encore dans la seconde moitié du XVII siècle. La vie de D. Rainssant né à Suippes s'y trouve également, ainsi que celle de D. Simon Maupinot né à Reims en 1685, et que D. Tassin appelle « l'un des plus beaux génies que la Congrégation de Saint-Maur ait eus. » P. 440.

la nef de l'église abbatiale. Sa tombe, recouverte d'une pierre, portait cette inscription :

HIC JACET DOMNUS THEODORICUS RUINART REMENSIS (1), PRESBYTER ET MONACHUS S. GERMANI A PRATIS, PIETATE, MORUM LENITATE, ET DOCTRINA CONSPICUUS, QUI IN HOC MONASTERIO HOSPES EXCEPTUS, GRAVI FEBRE DECUMBENS, OBIIT DIE 27 SEPTEMBRIS ANNI M. D. CCIX. REQUIESCAT IN PACE.

Ce texte se lit encore dans l'église paroissiale d'Hautvillers, mais il a été transcrit sur une nouvelle dalle en 1823 (2), lorsque l'ancienne épitaphe usée par le frottement fut devenue illisible. Thierry Ruinart fut mieux respecté dans sa sépulture à Hautvillers que ne le fut Mabillon à Paris.

Ce serait un curieux chapitre d'histoire que celui où l'on raconterait les vicissitudes occasionnées par les révolutions politiques aux tombeaux les plus respectables. Tantôt les ordres de la Convention, tantôt le fait de la destruction des édifices mirent au jour tous ces ossements des grands hommes de la patrie :

« Grandiaque effossis mirabitur ossa sepulcris (3). »

(1) L'exemplaire de la Bibl. de Reims, provenant de Saint-Nicaise, a sur ce mot une annotation manuscrite marginale. Elle critique Remensis et le remplace par Remus, parce que D. Ruinart était originaire de la ville même de Reims.

(2) Afin de préciser ce fait, on grava au-dessous du texte primitif : RENOVAVIT THEODORICUS RUINART DE BRIMONT REMUS ANNO CHRISTI, 1823.

(3) Géorgiques, Livre I.

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