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moins la plus belle folution du grand problême de la nature humaine ( la révélation mife à part). C'eft une idée très-élevée, que Pope a embellie des couleurs de l'imagination. C'est là fur-tout qu'eft empreint le caractère de fon ftyle, qui confifte dans une marche rapide d'idées preffées les unes fur les autres fans fe confondre, & dans une heureufe énergie d'expreffions qui ne va jamais jufqu'à la recherche & à l'enflure.

L'Abbé du Refnel a auffi traduit en vers PEffai fur l'Homme, quelquefois avec élégance; mais en général il fubftitue la foibleffe & la prolixité du style, à la force & à la précision. On nous annonce deux nouvelles verfions en vers de ce chef-d'œuvre des Mufes Angloises, l'une de M. l'Abbé de Lille, qui a fait fes preuves, l'autre de M. de Fontanes, dont les effais ontdonné des efpérances.

Les deux meilleures productions de l'Auteur, après l'Effai fur l'Homme, font l'Épître d'Héloïfe à Abélard, chef-d'œuvre de fentiment & de goût, fi heureusement transporté dans notre langue par feu M. Colardeau, & le Poëme qui a pour titre la Forêt de Windfor, & où l'on trouve de très-beaux morceaux de poéfie pittorefque.

Nous ne parlerons point des Paftorales & de quelques ouvrages de jeuneffe, tels, par exemple, que le Temple de la Renommée, qui péche par une fiction mal inventée, par l'abondance des lieux communs, &, ce qui eft affez rare dans Pope, par la fauffeté des idées,

A l'égard de la Dunciade, c'eft un ouvrage, tellement Anglois, fi rempli d'allufions latyriques perdues pour nous, & de perfonnages qui nous font abfolument étrangers, qu'il nous feroit difficile d'affeoir un juge-, ment fur le mérite intrinsèque de cette pro-, duction. Ce qu'on peut affurer, c'est qu'un Poëme de quatre Chants fort longs, dont le fond n'eft autre chofe que l'allégorie & la fatyre, eft néceffairement un peu froid. La Dunciade Françoife, qui eft écrite avec élégance, & qui offre même des morceaux plaifans & des vers heureux, ferviroit encore à prouver ce principe. Il eft trop difficile d'attacher & de plaire long-temps, en faifant revenir fans ceffe les mêmes noms avec le même accompagnement d'injures & de farcafmes. Le plaifir de la malignité s'ufe très-vîte chez le Lecteur, & la fatyre, pour avoir un fuccès conftant, ne doit guères être qu'épifodique. Son effet dépend fur-tout du cadre où elle eft enfermée, & des bornes où elle eft circonfcrite; & c'eft pour cela que le pauvre Diable eft peut être le chef-d'œuvre de ce genre.

Les Mémoires de Martin Scribler, & l'Art de ramper en Poefie, font des plaifanteries dans le goût de Swift, l'une fur la manie des Antiquaires & le pédantifme des Érudits, l'autre fur les défauts de ftyle qui étoient le plus à la mode chez les Écrivains. Pope y tourne fur-tout en ridicule l'extravagant abus des figures, qui en tout temps & en

tous lieux ont été pour les fots & les ignorans la véritable poéfie & la véritable eloquence. Aufli en lifant le Chapitre des Figures dans Pope, on croiroit qu'il a pris dans plufieuts de nos Auteurs tous le galimatias qualifié de fublime par les Ariftarques du jour.

L'ouvrage qui fit la fortune de Pope, & dont l'Angleterre lui a fu le plus de gré, eft fa Traduction d'Homère, qui paffe pour la plus belle qu'on ait faite en vers dans les langues modernes. Un homme tel que Pope n'a pas dédaigné d'être Traducteur, parce qu'il favoit qu'il faut du génie pout traduire le génie; & que tranfporter des monumens anciens dans fa langue, c'est en élever un à fa propre gloire; & nous avons vu de jeunes Auteurs qui croyoient s'abaiffer en traduisant! tel eft dans nos jours le délire de l'amourpropre poétique!

Au refte, Pope eut le fort de tous les Génies fupérieurs. Il fut conftamment en butte aux clameurs infolentes & calomnieufes de la populace Littéraire, & honoré par tout ce que l'Angleterre avoit de plus illuftre en toutgenre.

(Cet Article eft de M. De la Harpe.)

La Fortification Perpendiculaire, par M. le Marquis de Montalembert, Maréchal-desCamps & Armées du Roi, &c. Tomes III & IV. grand in-4°. A Paris, chez Pierres, Imprimeur du Grand-Confeil, rue Saint : Jacques.

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Nous avons déjà rendu compte des deux

premiers volumes de ce grand & eftimable Ouvrage, dans le Journal de Littérature.

Le premier Chapitre du troifième volume n'eft qu'une fuite du Chapitre neuvième du fecond volume, qui traite des forts ronds propres à occuper le fommet des montagnes. On y enfeigne dans le plus grand détail la conftruction des forts ronds convenables aux pays de plaines. Six grandes planches font employées à en développer & rendre fenfibles toutes les parties.

Dans les Chapitres deuxième & troisième, il s'agit de conftruire les enceintes irrégulières & les ports de mer. L'Auteur, fuivant fon fyftême, y fait l'application des différens forts, dont il penfe qu'il convient d'entourer ces fortes de places; il obferve qu'il ne fuffiroit pas de fortifier l'enceinte d'un port de Roi, qu'il faut encore tenir l'ennemi à une affez grande diftance, pour qu'il ne puiffe l'incendier par le moyen des bombes; & des forts environnans en font le feul moyen.

Les Chapitres quatre & cinq font destinés aux détails des forts propres à la défense de l'entrée des rades & aux batteries marines. La compofition de ces forts & de ces batteries eft totalement différente de tout ce qui a été fait jusqu'à préfent dans ce genre. Rien n'eft plus redoutable que le feu prodigieux qui peut fortir à la fois de ces fortereffes, & les effets en font démontrés de la manière la plus fenfible dans une planche deftinée à cet ufage.

Le fixième a pour objet de prouver, par des faits hiftoriques connus, l'infuffifance des forts en ufage pour la défense des rades, afin d'établir d'autant mieux la néceflite. d'avoir recours à d'autres moyens. La relation des deux fiéges de Carthagène d'Amérique, l'un par M. de Pointis en 1697, & L'autre par les Anglois en 1741, eft une au torité fur laquelle M. le Marquis de Montalembert fe fonde pour appuyer fon opi nion. Ses réflexions à la fin de ce Chapitre, fur la défenfe des Colonies, mérite la plus grande attention. Il combat avec beaucoup d'avantage le fyftême défenfif reçu. Nous renvoyons à l'ouvrage même, depuis la page 127 jufqu'à la page 135 inclufivement, fur, cette importante queftion.,

Dans le Chapitre fept, on trouve une comparaifon de la force des fyftêmes baftionnés avec celle d'un fort appelé FortRoyal, décrit au fecond volume du même ouvrage, planches 19, 20 & 21; & pour rendre cette comparaifon plus fenfible, M. le Marquis de Montalembert fait l'attaque de ce fort fuivant les règles en ufage. Une planche eft deftinée au tracé de ces attaques. On y voit les batteries à ricochets de l'affie geant, placées où elles doivent l'être, attaquées par les batteries cafematées du fort, avec un tel avantage, tant pour le nombre que pour la sûreté du fervice, que l'établif fement en paroît démontré impoffible.

Ce plan d'attaque étoit néceffaire, dit

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