Dont quatre ais mal unis formoient la couverture, La destruction du Lutrin n'eft pas d'une beauté moins remarquable, à un feul mot près. Enfin fous tant d'efforts la machine fuccombe, Quoi de plus commun, & qui femble prêter moins aux couleurs poétiques, que d'allumer une chandelle avec une pierre à fufil & un briquet! Le talent faura encore ennoblir ces détails fi familiers. Des veines d'un caillou qu'il frappe au même instant, Et bientôt au brafier d'une mèche enflammée, Et de jeunes gens qui s'occupent à rajeûnir des lieux communs fur le foleil & la lune, prétendent, dit-on, créer la Poéfie defcriptive, créer une langue inconnue à Defpréaux & à Racine! Avant de prétendre à en faire une, qu'ils étudient encore celle de leurs Maîtres. On s'eft étendu volontiers fur cet excellent ouvrage, parce que c'est un de ceux qui font le plus d'honneur à notre Littérature, un de ceux où la perfection de notre Poélie a été portée le plus loin: on peut même dire qu'il n'a point eu de modèle; car qu'est-ce, en, comparaifon du Lutrin, que le Combat des Rats & des Grenouilles, & le Seau enlevé de Taffoni? Si Boileau a montré dans fes autres écrits une raifon fupérieure, ici il s'eft montré grand Poëte. On n'a point remis fous les yeux du Lecteur ce beau morceau de la Mollelle, parce qu'il eft trop connu. Il y en a un dans la Boucle de Cheveux qui eft le meilleur de l'ouvrage, & qu'on peut mettre en parallèle avec l'épisode du Lutrin, d'autant plus aifément que nous avons deux traductions des vers Anglois, une de Voltaire, & l'autre de M. de Marmontel. Ce dernier s'eft amufé dans fa jeuneffe à traduire la Boucle de Cheyeux. C'eft-là qu'on trouve ce vers heureux fur les montres à répétition: Et la montre répond au doigt qu'elle repouffe. L'endroit dont il s'agit, eft celui où le Poëte conduit Umbriel chez la Mélancolie ou la Déeffe des Vapeurs. Voici la verfion de M. de Marmontel. Auffi-tôt Umbriel, Gnome ennemi du jour, De la Nymphe aux Vapeurs va chercher le féjour. Jamais on n'y fentit le Zéphir careffant; Dans un lit fomptueux fe plonge par grimace, M. de Voltaire a donné une imitation très- Où loin des doux rayons que répand l'œil du monde, Et pleine de fanté fous le rouge & le fard, Se plaint avec molleffe & se pâme avec art. On cite une Lettre de M. de Voltaire, où il met la Boucle de Cheveux au- deffus du Lutrin, & prodigue les plus grands éloges au Poëme Anglois. En refpectant, comme on le doit, l'autorité de ce grand Homme, on peut répondre qu'il vivoit alors en Angleterre, qu'il voyoit Pope; que l'on peut fort bien dans une lettre mettre de la politeffe & de la complaifance plutôt qu'un ju-. genient exact & réfléchi; qu'enfin dans les Lettres fur les Anglois, dont nous venons de tirer cette Traduction d'un paffage de la Boucle de Cheveux, il ne donna pas le moindre éloge à cet ouvrage, & réserva toutes fes louanges pour l'Effai fur l'Homme, dont il a toujours fait le plus grand cas. Cet admirable Poëme eft en effet le chefd'œuvre de fon Auteur, & le fondement de fa grande réputation. Il n'a eu, à proprement parler, aucun modèle chez les anciens ni les modernes; car, quel rapport de la mau-. vaise physique d'Épicure, mise en vers par Lucrèce, & ornée de quelques beaux morceaux de poéfie defcriptive; quel rapport. entre cet amas d'erreurs, quelquefois brillantes, & un ouvrage tel que celui de Pope,› où la philofophie la plus fublime a pris le langage de la plus belle poéfie ? On objecte-· roit en vain que l'optimifme n'eft qu'une hypothèse comme tant d'autres. C'eft du |