Page images
PDF
EPUB

époque antérieure ou postérieure à l'acte de la parole, ce qui leur donne un double caractère de relation; relation à l'acte de la parole qui n'est plus en eux qu'un accessoire, et relation à l'époque secondaire de comparaison qui constitue leur caractère distinctif et principal. Ils ne sont donc que des transformations du présent; on peut s'en convaincre par les décompositions suivantes : 1o Dans la période future, quand vous viendrez, je lirai, cette formule répond à celle-ci, quand votre ac tion de venir se fera, je pourrai dire, je lis; 2o dans la période passée, je lisais quand vous étes venu ; cette formule répond à celle-ci, quand votre action de venir a cu lieu, je pouvais dire, je lis. Je lus quand vous víntes, répond à, quand votre action de venir eut lieu, je pus dire, je lis.

20 Autour de chaque simultané se rangent les antérieurs et les postérieurs comme des variétés de la même existence envisagée sous des rapports différens. En effet, si l'on décompose les antérieurs et les postérieurs, l'on y retrouvera l'idée du simultané autour duquel ils se grou pent: J'imite (je suis imitant), imitor (sum imitans); j'ai imité (je suis ayant imité, je suis ayant été imitant), ́sum imitatus; je dois imiter (je suis devant imiter), je suis devant être imitant), sum imitaturus, in cò sum út imiter. La présence de, je suis, sum, dans tous ces tems est une preuve évidente que ces tems ne sont que la même existence envisagée sous trois aspects dans la même période. L'italien, l'espagnol, l'allemand, l'anglais, expriment ces décompositions dans la forme matérielle de leurs tems.

Si nous nous transportons dans la période passée, nous y trouverons les mêmes résultats : j'imitais (j'étais imitant), imitabar (eram imitans); j'avais imité (j'étais ayant imité, j'étais ayant été imitant), eram imitatus, je devais imiter (j'étais devant imiter. J'étais devant être imitant), cram imitaturus; j'imitai (je fus imitant), fui imitans (1er aoriste grec); j'eus imité (je fus ayant imité, je fus ayant été imitant), fui imitatus (2a aoriste grec); je

dus imiter (je fus devant imiter, je fus devant être imitant), fui imitaturus.

Le latin comme le français peut encore exprimer un degré d'antériorité ou de postériorité plus précise dans le premier de ces tems, c'est j'avais eu imité, fueram imitatus; j'avais dú imiter, fueram imitaturus. Ce n'est pas que le latin soit toujours aussi précis, il ne se prête à ces décompositions que par les verbes déponents, parce qu'il a dans ce cas comme le français un participe antérieur actif, imitatus, qui correspond à l'antérieur actif imité (été imitant), qu'il ne faut pas confondre avec imité, participe passé, ni avec amatus, comme nous l'avons démontré précédemment.

Si nous descendons à la période future, nous trouverons de pareils résultats : J'imiterai (je serai imitant), imitabor (ero imitans); j'aurai imité (je serai ayant imité), ero imitatus; je devrai imiter (je serai devant imiter, ero imitaturus. Ici le latin peut encore, de même que dans la méthode passée, exprimer un degré plus précis d'antériorité et de postériorité ; j'aurai eu imité (je serai ayant eu imité), fuero imitatus; j'aurai dú imiter (je serai ayant dû imiter), fuero imitaturus.

Il est vrai que ni toutes les langues, ni tous les verbes dans chaque langue qui emploie ces formules, ne s'expriment pas par de semblables décompositions; car avant d'avoir le verbe simple étre avec tous ses modes, elles ont eu dans tous leurs développemens les yerbes composés, les verbes modificatifs. En effet, il est dans la nature de notre intelligence de commencer par le composé, par les masses pour arriver au simple, aux élémens; et les langues n'ont pu compléter le verbe simple et élémentaire qu'après l'avoir abstrait du verbe-modificatif. Mais elles ne l'auront abstrait qu'autant qu'elles en auront cu besoin pour engendrer les différens tems de la déclinaison; il sera donc complet dans les langues modernes qui en font un usage constant; il sera défectueux de quelques formes dans le latin qui en a fait moins d'usage; il sera très-imparfait dans le grec qui n'en a

abstrait que les trois tems généraux, présent, passé et futur, et quelques autres pour exprimer les formes d'un son dur et difficile par la rencontre de plusieurs consonnes qui s'entrechoquent dans la génération du passé et du plusque parfait, décompositions qui n'ont lieu que pour l'euphonie, et qui, hors du passé et du plusque parfait, ne se trouvent employées que pour le besoin de la mesure du vers, comme on le voit dans les poètes :

Ηπείλησεν μυτιν ὅ δη τετελεσμενοσ εστι (Homère).

ὧδε γαρ εξερέω, το δε και τετελεσμενον εσται (Homère).

Si donc on décompose le matériel de l'expression du verbe et qu'on sépare le radical de la désinence, on retrouvera dans cette désinence la forme plus ou moins mutilée du verbe simple, du verbe d'identité intellectuelle et primitif; c'est ce que nous avons fait voir dans le commencement de ce chapitre.

Nous avons démontré que les simultanés passés ou futurs étaient des transformations du simultané présent ; nous pouvons maintenant conclure 1° que les antérieurs passés ou futurs sont des transformations de l'antérieur à la parole que l'on pourrait bien nommer antérieurprésent si l'expression du présent, qui est cependant vraie dans ce cas, ne prêtait point à équivoque; 2o que les postérieurs passés ou futurs sont de même des transformations du postérieur à la parole ou postérieur-présent. J'avais lu, j'eus lu, j'aurai lu, sont en effet l'équivalent de ces formes : « Quand une telle action se faisait, se fit ou se fera, je pouvais dire, j'ai lu ; je pus dire, j'ai lu; je pourrai dire, j'ai lu. » Je devais lire, je dús lire, je devrai lire, correspondent à « quand une telle action se faisait, se fit, se fera, je pouvais dire, je dois lire; je pus dire, je dois lire; je pourrai dire, je dois lire. »

[ocr errors]

Rapprochons les tems du verbe à chaque tems simultané correspondent un antérieur et un postérieur; je lis, correspondent, j'ai lu, je dois lire; à je lisais, j'avais lu, je dois lire ; à je lus, j'eus lu, je dus lire; à je lirai, j'aurai lu, je devrai lire.

Ainsi, j'ai lu est l'antérieur de je lis, j'avais lu, celui de je lisais, je lus, celui de je lus, j'aurai lu, celui de je lirai.

Nous avons dit précédemment que je lisais, je lirai, sont le simultané de je lis, transporté dans d'autres périodes; je lisais est donc je lis, considéré comme passé, je lirai est donc je lis, considéré comme futur. Par conséquent je lis, pourra dans l'occurrence s'employer pour je lisais, je lirai. Telle est la comparaison des simultanés périodaux.

J'ai lu qui est antérieur à je lis, peut devenir simultané si on le construit avec un autre antérieur dans la même période ; j'ai lu quand vous avez chanté. Or, si nous voulons le transporter dans la période passée entièrement écoulée, nous nous servirons de je lus qui est son correspondant. En effet, lorsque je lus, manque dans une langue, on le remplace par j'ai lu. C'est ainsi qu'en latin legi, signifie je lus, j'ai lu. Je lus, correspond donc à j'ai lu (simultané relatif), comme je lisais correspond à je lis. Or, de même que j'ai lu (toujours pris dans un sens relatif), ne correspond point à je lis'; de même, je lus, ne correspond point à je lisais. Par conséquent, je lus ne pourra devenir la traduction de je lisais. C'est donc une erreur dans les grammaires grecques et anglaises, de traduire je lus par je lisais. La même erreur qui se trouvait aussi dans les grammaires allemandes, est disparue dans les dernières éditions de Strasbourg. J'ai été, ich bin gewesen (je suis été) ; je fus, ich bin gewesen, j'étais, ich war. Voyez à cet égard la grammaire philosophique de M. Destutt de Tracy. L'aoriste 1er du grec ne peut donc se remplacer par l'imparfait. Si donc l'aoriste (er manque dans le grec, il se suppléera par l'aoriste 2o, car si le plusque parfait se remplace souvent par l'imparfait, le passé absolu par le présent, le futur antérieur par le futur simultané, et que chacun de ces antérieurs se trouve quelquefois à la place de son simultané correspondant, par la même raison, l'aoriste 2o se trouvera souvent à la place de l'ao

riste 1er, comme celui-ci s'emploira quelquefois pour l'autre; cette permutation aura même lieu par motif d'euphonie et d'élégance toutes les fois que l'aoriste 1" présentera dans sa composition matérielle un choc de consonnes dures et mal sonnantes, et réciproquement, si la formation de l'aoriste 2°, moins chargée de consonnes, se trouve impropre à peindre un effort, un fracas, un déchirement de la nature, on se servira de l'aoriste 1er pour faire entrechoquer les consonnes. C'est par ce motif d'euphonie que l'analogie de la langue grecque rejette l'aoriste 1er dans certains verbes, et l'aoriste 2o de plusieurs autres. Nous en donnerons des exemples lorsque nous chercherons dans la syntaxe les preuves de notre système des tems.

Je lus est donc un simultané d'une nature différente de je lisais. En effet, si nous disons, j'attendais le courrier, il n'est pas arrivé, nous marquons le commencement et la continuation d'une action dont nous désirons les effets; j'attendais désigne les progrès de l'action qui tient en suspens jusqu'à son issue. Si, au contraire, nous disons j'attendis le courrier, il arriva bientôt, nous marquons l'effet d'une action dont l'issue est réelle, c'est une action entièrement finie dans une époque fixée par il arriva bientót. Je lisais exprime donc les progrès d'une action dont on attend l'issue et l'événement pendant plusieurs époques qui se suivent, et je lus marque l'effet de cette action, sa fin, l'époque à laquelle elle finit. Je lus est pé riodique parce qu'il a lieu dans une période, dans une suite d'instans ou d'époques; je lisais est périodal, parce qu'il est composé d'une suite d'instans, pendant lesquels peuvent se faire des actions périodiques. Périodique et périodal étant des termes dont la synonymie ne se démêle pas au premier coup-d'œil, nous avons préféré historique à périodique dans la dénomination des tems, et nons avons nommé je lisais simultané périodal, et je lus simultané historique, qui est synonyme de époque.

« PreviousContinue »