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Mars, auteur de la guerre, en exprime la rage.
A l'abri de Vénus il n'est point de courage.
Tout périt par le fer, ou par lui tout fleurit ;
Le glaive détruit l'homme et le soc le nourrit.
Les états différens, du sceptre à la houlette,
Trouvent dans un seul mot leur image complète.
Thémis a son mortier, Bellone son drapeau ;
Décoré de la mitre, on aspire au chapeau.

(Chant III.)

A la métonymie se rapporte la métalepse (peraλapbavo, transfero), qui substitue la postériorité à l'antériorité et l'antériorité à la postériorité de modification. Exemples: Nulla navis desiderabatur (aucun vaisseau ne périt); c'est un vin de quatre feuilles (c'est un vin de quatre ans); c'en est fait, madame, et j'ai vécu (je me meurs); je ne vous connais plus (je vous méprise).

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La synecdoque (de cuv, cum, et ex, dexoua capio; comprehensio), est une figure d'élocution qui rappelle à l'esprit une idée individuelle par une idée générale ou une idée générale par une idée individuelle qui lui est coexistante. Exemples: Les mortels (les hommes); il y a cent mille âmes dans cette ville (cent mille habitans); le germain (les Germains révoltés; il me l'a dit vingt fois, cent fois (plusieurs fois); la versisn des septante (la version des soixante et dix interprètes); après quelques hivers, quelques étés (quelques années); faire un traité avec la Porte (cour ottomane); la Seine a des Bourbons, le Tibre des Césars (la Seine, c'est-à-dire, les Français; le Tibre, les Italiens), de l'argent (des pièces d'argent), un castor (un chapeau de castor).

En son poème sus rappelé, François de Neufchâteau, qui à l'exemple de Boileau et malgré l'étymologie, écrit synecdoche, au lieu de synecdoque, définit avec élégance ce trope dont le propre est de prendre le plus pour le moins, et le moins pour le plus, et d'aller de la partie au tout et du genre à l'espèce; citons seulement ces deux vers:

La voile est un navire, et les flots sont la mer.
Les canons, c'est l'airain; l'airain vomit le fer.

L'antonomase (avti, au lieu; ovaμačo, je nomme), est une espèce de synecdoque par laquelle on met un nom spécifi

que au lieu d'un nom individuel ou un nom individuel pour un nom spécifique. Exemples: chez les anciens, le philosophe, c'est Aristote; chez les latins, l'orateur, c'est Cicéron, et le poète, Virgile; chez les Grecs, l'orateur, c'est Démosthènes, et le poète, Homère; le destructeur de Carthage et de Numance, c'est Scipion Emilien; un Sardanapale, c'est un homme voluptueux; un Néron, un prince cruel et barbare; un Crésus, un homme riche.

L'Antonomase encor, par les rhéteurs vantée,
D'emprunts du même genre offre l'heureux secours
Pour créer des surnoms ingénieux et courts.
Le Salomon du Nord en fut l'exemple insigne.
Meaux brilla par son aigle et Cambrai par son cygne.
L'éloquence est liée au nom de Cicéron,
Comme la tyrannie à celui de Néron.

Un Tartufe, chez nous, fait toujours quelque dupe.
Chez les Romains, Livie était Ulysse en jupe.

(Les Tropes, ch. 111.)

La répétition est une figure d'élocution que l'on affecte dans des vues particulières d'ornement ou d'énergie, et indépendamment des besoins de la syntaxe.

Abner, le brave Abner, viendra nous défendre. (Athalie.)

Pauvre Didon, où t'a réduite

De tes amans le triste sort!

L'un en mourant, cause ta fuite,
L'autre en fuyant cause ta mort.

Un sot ni n'entre, ni ne sort, ni ne s'assied, ni ne se lève, ni ne se tait, ni n'est sur ses jambes comme un homme d'esprit. Labruyère).

La répétition renferme la réduplication, la réversion, la conversion, la complexion, etc.

La redite est l'expression réitérée de la même penséc.Si la redite se fait dans les mêmes termes par intervalles et ménagée pour l'ornement ou pour l'analogie, elle est cette figure d'élocution qu'on nomme répétition. Si la redite se fait sous les mêmes termes sans aucun besoin, elle est un vice d'élocution qu'on nomme tautologic (de to auto, le même; λoyo, discours). Si la redite se fait sons des termes

différens suggérés par le goût, soit pour rendre la pensée plus lumineuse, soit pour en faire mieux sentir l'énergie et l'importance, c'est une figure de pensée par développement connue sous le nom d'expolition: voyez les figures de pensée. Enfin, si la redite se fait sous des termes différens sans utilité et sans grace, ce n'est qu'une sorte de périssologie, c'est une battologie de paroles vides de sens.

CHAPITRE VI.

STYLE.

Le style (otulos, colonne) est dans la langue écrite le caractère de l'élocution modifié par le génie de la langue, par les qualités de l'esprit et de l'ame de l'écrivain, par le genre dans lequel il s'exerce, par le sujet qu'il traite, par les mœurs ou la situation du personnage qu'il fait parler ou de celui qu'il revêt lui-même, enfin par le but qu'il se pro

pose.

Dans ce chapitre, nous aurons inévitablement, et par analogie, à reproduire sur le style quelques-unes des idées déjà traitées dans les précédens; la nécessité d'être clair nous oblige à ces redites, qu'impose ici la nature du sujet, comme la similitude des rapports.

Le style est dans l'élocution, l'expression de l'importance du sujet de la pensée, du caractère de son principe et de son objet, de la généralité de sa fin. C'est le sentiment qui détermine la production de la pensée et se manifeste dans son expression. Les qualités du style sont donc relatives à l'importance du sujet de la pensée, au caractère de son principe et de son objet, à la généralité de sa fin. Les deux premières espèces forment le ton du style; la dernière en détermine la convenance.

Le ton (Tovos, de Tetvo, ) dans le langage est le caractère de noblesse, de familiarité, de popularité, le degré d'élévation ou d'abaissement qu'on peut donner à l'élocution depuis le bas jusqu'au sublime. Le ton du style se forme 1o de la généralité du sujet de la pensée; 2o de la généralité de la personne qui parle et de celle à qui s'adresse la

parole et il comprend 1o les qualités relatives à l'expres sion de la pensée; 2o les qualités relatives au caractère des auteurs de la parole.

1. QUALITÉS DU STYLE RELATIVES A L'EXPRESSION.

Le style considéré dans l'expression a trois degrés de ton; le degré bas, le degré moyen, le degré haut, et se divise en style populaire, style familier, style noble.

Le style populaire, bas, commun, consiste à dire comme tout le monde ce que tout le monde a pensé. C'est le langage du peuple, Ce degré de style se nomme aussi le familier-populaire : dans ce cas, le degré moyen prend le nom de familier noble ou décent, qui est le langage du monde poli et cultivé,

Le style bas, lorsqu'il n'est pas synonyme de populaire, commun, se prend dans l'acception de trivial, et devient un vice opposé à la noblesse du style. La bassesse du style consiste principalement dans une diction vulgaire grossière, sèche, qui rebute et dégoûte le lecteur.

La bassesse et la trivialité du style tiennent absolument à l'opinion et à l'habitude; elles varient selon les tems et les lieux. Le genre noble, soit d'éloquence, soit de poésie, n'exclut que la bassesse de convention et admet comme susceptible d'ennoblissement ce qui n'est bas que de sa nature. Félix et Narcisse, dans Polyeucte, en sont un exemple. Quelquefois une image ou une idée à laquelle la mode et l'opinion ont attaché le caractère de bassesse, peut à force d'art se produire en termes figurés ou vagues; la noblesse de l'expression déguise la bassesse de l'idée. Mais ce qui est bas dans les termes aurait beau être sublime et grand soit dans le sentiment, dans la pensée; la délicatesse de notre goût est inexorable sur ce point. La difficulté n'est pourtant pas d'éviter la bassesse dans le genre héroique, mais dans le familier qui touche au populaire et qui doit être naturel sans être jamais trivial.

Au style populaire se rapporte le burlesque, qui travestit les choses, les plus nobles et les plus sérieuses en plaisanteries bouffonnes.

Le style populaire consiste dans l'expression la plus sim. ple, dans l'expression dépouillée de tous les ornemens que l'art et l'usage du monde savent lui donner pour ennoblir les choses les plus communes; par conséquent il ne recherche pas les ménagemens ou détours d'expression du familier-noble, et quoiqu'il fasse usage des figures, il n'en a point qui lui soient propres, parce qu'une expression re> cherchée n'entre pas dans sa nature. Voilà pourquoi nous ne lui en avons point assigné dans le tableau ou exposé du style.

Le style familier est le langage du monde cultivé et poli.

Entre le populaire et l'héroique, entre le bas et le sublime, il y a cette ressemblance, que l'un et l'autre abondent en expressions figurées, hyperboliques, pleines de force et de chaleur, parce que le langage passionné du bas peuple comme celui des héros, est l'expression immodérée ou des mouvemens de l'ame ou des impressions faites sur l'imagination. Du coté du peuple la nature est franche et libre; du côté des héros elle est fière et hardie: ainsi l'homme inculte et grossier, l'homme altier et indépendant laissent aller leur pensée et leur ame; l'un, parce qu'il ignore la mesure prescrite par l'usage et les convenances, et l'autre, parce qu'il dédaigne et néglige de la garder. Entre ces deux extrêmes, le langage familier-noble tient le milieu, et c'est à lui qu'appartiennent les ménagemens, les réserves, les détours du sentiment et de la pensée, les demi-teintes, les nuances, les reflets de l'expression. Il renferme les finesses, les délicatesses du langage.

Dans les ouvrages destinés à instruire et à plaire le familier-noble convient le mieux parce qu'il est le plus insinuant, le plus séduisant pour l'amour propre, et qu'il a toutes les adresses dont il faut user avec des hommes vains, soit pour adoucir la censure, soit pour assaisonner la louange, soit pour déguiser la leçon.

Dans les compositions d'un style relevé comme dans la poésie héroique et dans la haute éloquence, un art essentiel à l'écrivain est de savoir entremêler du moins quel

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