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l'harmonie imitative; mais à plusieurs égards ce n'en est pas une; car elle ne déroge d'aucune manière ni au maté riel primitif des mots ni à leur construction. C'est la forme constitutive du mot qui présente une imitation de l'idée qu'il exprime. Lafontaine est à peu près le seul de nos poètes du grand siècle qui ait réussi à former et qui ait fait passer dans ses fables quelques mots de ce genre et quelques épithètes imitatives:

La gent trotte-menu s'en vient chercher sa perte. (Liv. II.)
Ronge-maille (le rat eut à bon droit ce nom). (Liv. xi.)
Le héron au long bec emmanché d'un long cou. (Liv. vII.)
La dame au nez pointu, la belette, etc. (Liv. vII.)

La consonnance est la ressemblance des sons des mots dans la même phrase ou période. Elle est ou physique ou rationnelle. La consonnance physique est une identité de sons qui n'entraîne aucune analogie dans les idées. La consonnance rationnelle est une identité de sons qui désigne de l'analogie entre les idées.

Les consonnances physiques ont de la grace en latin, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage trop fréquent dans le même discours, et qu'elles se trouvent dans une position convenable en l'un et en l'autre des membres relatifs. Exemples:

Si non præsidio in pericula, tamen solatio inter adversa. (QUINTILIEN.)

Sine individiâ culpa plectatur et sine culpâ individia ponatur. (Ibid.)

Nemo polest alteri dare matrimonium nisi quem penes sit patrimoninm. (QUINTIL.)

Cette figure en français n'est autorisée ni en prose ni en vers. Dans la poésie elle est remplacée par la rime. Toutefois les proverbes chez nous offrent un bon nombre

de consonnances :

Qui langue a, à Rome va.

A bon chat bon rat.

Qui terre a, guerre a.

Quand il fait beau, prends ton manteau ;
Quand il pleut, prends-le si tu veux.

La consonnance rationnelle consiste à employer dans la même période plusieurs mots dérivés du même primitif. Elle donne quelquefois au discours une élégance qui semble en accroître l'énergie. Exemples:

Quùm vanitas sit vanitatis filia,
Et vanitati vanitatem procreet,
O vanitas! quid vanitate vanius?

Sed ut tùm ad senem senex de senectute, sic hoc
libro ad amicum amicissimus de amicitia scripsi.
(CICER., de Amic.)

Armand, qui pour six vers m'as donné six cents livres,
Que ne puis-je à ce prix te donner tous mes livres!

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Si Rodrigue est mon fils, il faut que l'amour cède,
Et qu'une ardeur plus haute à ses flammes succède.

(CORNEILLE. Le Cid, acte 1.

Mais pour bien mettre ici leur crasse en tout leur lustre,
Il faut voir du logis sortir ce couple illustre.

(BOILEAU, satire x.)

A tous ces beaux discours j'étais comme une pierre,
Ou comme la statue est au festin de Pierre.

Ces exemples prouvent que la consonnance rationnelle peut se montrer avec grace et donner même an discours de la force et de l'énergie; mais il est bien des cas où elle n'est qu'un jeu de mots, presque toujours puéril et ridicule, et une affectation que le génie de notre langue

ne permet guère ou par plaisanterie en faveur de la rime.

Écoute mon cher comte,

Si tu fais tant le fier, ce n'est pas là mon compte.

(DESTOUCHE.)

Hodiè Perpetua et Felicitas perpetuâ felicitate gaudent. (Saint Augustin.)

Aujourd'hui Perpétue et Félicité jouissent d'une perpétuelle félicité.

La cacophonie (xaxos mauvais, pov, son), vice de diction, est la ressemblance 'des sons ou des mots trop proches et dont il y a plus de deux qui se ressemblent, d'où il résulte un son qui déplaît à l'oreille.

O fortunatam natam me consule Romam!
Dans la suite scylla la pilla.

Perire me malim malis mordis

Le pain dont nous nous nourrissons.

En grammaire et en littérature la cacophonie ou mauvais son qui blesse l'oreille est un vice grandement à éviter; on a blâmé, sous ce rapport, plusieurs vers de nos meilleurs poètes.

Croyez-moi, quelqu'éclat qui les puisse toucher.

(RACINE. Alexandre, acte 11.)

Non, il n'est rien que Namine n'honore. (Volt.)
N'auras tu pu verser que le sang de ton maître.

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(Volt. Mahomet.

Vierge non encor née, en qui tout doit renaître.
(J-B. ROUSSEAU, odex, liv. Iv.)

Il est une espèce de cacophonie que l'on nomme hiatus (du latin hiatus, bâillement), et qui résulte de l'ouverture continuée de la bouche dans l'émission consécutive de plusieurs voix qui ne sont distinguées l'une de l'autre par aucune articulation.

Ne va au bal, qui n'aimera la danse;
Ni à la mer, qui craindra le danger;
Ni au festin, qui ne voudra manger;

Ni à la cour, qui dira ce qu'il pense. (PIBRAC.)

La garde, tes doctes écrits

Montrent les soins que tu as pris.

MALUERBE, ode à M. de la Garde.)

CHAPITRE V.

ÉLOCUTION.

L'élocution est la disposition artificielle de la diction, ménagée avec goût pour donner à l'oraison de l'énergie, de la noblesse et de l'agrément.

Si l'on prend l'oraison pour une image sensible de la pensée, on peut dire que c'est la syntaxe qui en trace le dessin, que c'est la diction qui en apprête les couleurs, et que l'élocution les distribue avec l'entente convenable.

L'élocution est à la diction ce que le coloris est à la couleur. La diction sert à rendre sensibles les parties que l'analyse distingue dans la pensée, comme la couleur rend sensibles à la vue les différentes parties du corps; et l'élocution ménage les parties de la diction selon les points de vue qui doivent éclairer l'esprit ou toucher le cœur, comme le coloris ménage la distribution des couleurs relativement aux nuances que répand sur les corps la diversité de leurs positions à l'égard de la lumière. Le coloris emploie les couleurs et n'est que de la couleur ; l'élocution emploie la diction et n'est jamais que de la diction : mais il y a de part et d'autre la même différence, celle de la matière et celle de la forme.

Les figures d'élocution dépendent tellement du choix et de la disposition des mots dont on se sert, que la figure disparaît dès qu'on change les termes ou qu'on en dérange l'ordonnance, quoiqu'on ne touche pas au fond de la pensée.

L'élocution est la facilité et la fécondité, le discerne

ment et la sagacité plus ou moins grande de l'imagination dans le discours.

Trois qualités sont nécessaires à l'élocution, savoir la clarté, le coloris et la convenance.

CLARTÉ.

La clarté est une qualité de l'élocution relative à la propriété des termes et à l'ordre ou méthode des idées. Elle se compose de la propriété et de la précision. La clarté tient aux choses mêmes que l'on traite; elle naît de la distinction des idées. C'est l'effet du choix et de l'enploi des termes, de l'ordre selon lequel on les a disposés et de tout ce qui rend facile et nette à celui qui écoute et qui lit, la compréhension du sens ou de la pensée de celui qui parle ou qui écrit.

La propriété grammaticale est la conformité de l'expression aux idées qu'elle représente. La propriété de l'élocution se forme de la conformité des idées aux objets ou de celle des termes aux idées ; ce qui fait l'exactitude et la propriété des termes.

On distingue la propriété des langues, la propriété des mots ou la pureté, la propriété des termes ou la justesse, la propriété du style ou la convenance.

L'exactitude de l'expression est l'exposition fidèle de toutes les idées accessoires au but que l'on se propose. Elle tombe sur les faits et les choses. Ce qui est écrit exactement dans une langue, rendu fidèlement, est exact dans toutes les langues.

La propriété des termes dépend de la convenance des mots avec les objets auxquels on les applique de manière que les objets soient rendus avec justesse et précision par les termes dont on se sert. Le terme propre est celui qui énonce précisément le sens qu'on a prétendu faire entendre. La justesse du style saisit les rapports, les circonscrit et les met à leur place. La propriété des termes est défectueuse par le vague des idées, l'incertitude des applications. L'application est le nouvel emploi d'un passage

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