Soumis avec respect à sa volonté sainte, Je crains Dieu, cher Abrer, et n'ai pas d'autre crainte. Qui sur tous mes périls vous fait ouvrir les yeux. Le ciel en soit béni! Mais ce secret courroux, ་ Quel fruit me revient-il de tous vos sacrifices? Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses? « Le sang de vos rois crie et n'est point écouté. << Du milieu de mon peuple exterminez les crimes: « Et vous viendrez alors m'immoler vos victimes. » Athalie, acte 1. La poésie lyrique, dit encore Lebatteux, qui fait des assortimens de différentes espèces de vers, et qui entremêle les rimes, semble s'approcher encore plus de l'aisance et de la facilité de la prose. Ecoutons ces trois strophes de J.-B. Rousseau, tirées de son ode au marquis de Lafare : Ce feu sacré que Prométhée Lorsqu'à l'époux de Pénélope De la vertu qui nous conserve Et se précipite avec lui. (Liv. 2, Ode 8). Qu'on ôte, ajoute Lebatteux, qu'on ôte les rimes de cette poésie, et l'égalité trop sensible de quelques-uns de (1) Audax Japeti genus Ignem fraude mala gentibus intulit. HOR. ODE 3. ses espaces; elle n'a plus rien qui la rende différente d'une prose sevrée dans le genre élevé. « Si la nature a ses lois pour l'arrangement des mots entre eux, elle a les mêmes lois pour celui des membres dans une période et des périodes dans le discours. On peut dans cette matière conclure du petit au grand et du grand au petit. La naïveté se trouve aussi bien dans une division que dans une interjection. On sent bien quand une division n'est que naturelle; et on lui donne un autre nom, on l'appelle heureuse, quand elle est naïve, c'està-dire qu'elle paraît sortie tout d'un coup du sujet, plutôt trouvée dans la méditation. que << La naïveté qui demande un certain arrangement des mots conforme aux vues de celui qui parle, veut encore que ces signes soient liés naturellement. << Elle veut d'abord que l'objet qui s'est une fois montré comme régnant, paraisse toujours tel, tant qu'il est question de lui: servetur ad imum qualis ab incepto processerit. Quelquefois un écrivain croit user d'adresse en substituant habilement un autre objet. Mais dès que ce n'est plus véritablement le même, l'esprit du lecteur se trouve comme en défaut; le chemin qu'il suivait le quitte; il demeure plus ou moins étonné selon que l'écart est grand. Par exemple, quelqu'un après avoir dit que le goût ne se borne point à une simple connaissance des ouvrages d'esprit, et que s'il se bornait à cela, on ne devrait pas employer toute la jeunesse à l'étude des lettres; il ajoute tout de suite: ceux qui les ont bien connues en ont pensé bien différemment; ils les ont regardées, etc. Dans les pren.ières phrases il s'agissait du goût, et c'est le sujet qu'on traite. Dans les deux dernières il s'agit des lettres : l'esprit est emporté malgré lui vers un autre objet, dans le tems qu'il était tout entier au premier qu'on lui avait présenté. <<< La nature veut donc que toutes les parties d'un discours grandes et petites, soient unies comme le sont celles d'un tout naturel : c'est la vraie liaison et presque la seule qu'il y ait. On en voit l'exemple dans un arbre : fruit, fleurs, feuilles, branches, tige, tout est un. Il y a de même une tige directe pour les idées et pour les mots. C'est là que sont tous les avantages et tous les droits de la nature. Tout ce qui n'est que collatéral, ou qui ne tient que par insertion artificielle, est étranger dans le discours, et il y est traité comme tel par ceux qui savent en juger. >> CHAPITRE III. DISCOURS CONSIDÉRÉ DANS LA PENSÉE. Le discours est une pensée ou une suite de pensées rendues sensibles par l'oraison; et l'on peut dire en conséquence que l'oraison est la forme du discours et que la pensée en est la matière. Dans le discours on envisage surtout l'analogie et la ressemblance de l'énonciation avec la pensée énoncée; dans l'oraison l'on fait plus d'attention à la matière physique et aux signes vocaux qui y sont employés. Dans toutes les langues le discours est le même, parce que l'analyse de la pensée se fait par les mêmes moyens, qui sont du ressort de la logique; mais l'oraison est différente, parce que les signes de l'énonciation sont les différentes espèces de mots dont le matériel, l'arrangement sont différens, et dont la signification est déterminée par l'usage et par l'analogie. Ce qui la caractérise, c'est la diction qui la rend correcte ou incorrecte, claire ou obscure, pure ou barbare, harmonieuse ou mal son nante. L'expression de la pensée, ou le style en général, présente à l'observation trois aspects: le grammatical, l'intellectuel, le moral. Le grammatical de l'expression comprend ce qui est relatif à la diction, c'est à dire à la correction, à la pureté et à la concision du langage : c'est le caractère de l'oraison. L'intellectuel de l'expression comprend tout ce qui est relatif à l'élocution, c'est-àdire à la clarté, précision et coloris du style : c'est le style de l'imagination, c'est le caractère du discours. Enfin le moral de l'expression est le sentiment qui produit les idées, leur donne du caractère, facilite leur essor et les fait pénétrer dans le cœur et l'ame de ceux qui lisent ou écoutent c'est le style proprement dit, le style de l'ame. DIFFÉRENCE ENTRE ÉLOCUTION, DICTION, STYLE. L'élocution, la diction et le style servent à exprimer la manière dont les idées sont rendues : avec cette différence, que les deux derniers termes sont restreints à la manière de rendre les idées, abstraction faite des idées; et que le premier renferme les idées et la manière de les rendre. Elocution est générique; les deux autres termes sont spécifiques et caractérisent l'expression par les deux points de vue différens que l'on va marquer. Diction ne se dit proprement que des qualités générales et grammaticales du discours, et ces qualités sont au nombre de deux, la correction et la clarté. L'étude de la langue et l'habitude d'écrire les donnent presque infailliblement. Style au contraire se dit des qualités du discours, plus particulières, plus difficiles et plus rares, qui marquent le génie et le talent de celui qui écrit ou qui parle : telles sont la propriété des termes, l'élégance, la facilité, la précision, l'élévation, la noblesse, l'harmonie, la convenance avec le sujet, etc. Ces qualités forment les caractères généraux du style; le ton en marque les degrés d'élévation. Actuellement considérons ces trois termes comme les trois caractères spécifiques de l'expression, et voyons dans ce cas les qualités propres de chacun. Offrons ces qualités en trois tableaux qui serviront à les faire mieux comprendre et à les mieux graver dans l'esprit. |