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exprime la co-existence dégagée de toute incertitude, de toute contingence, de toute volonté, en un mot, de toute rationnalité; il indique l'identité pure et fondamentale sans le mélange de quelqu'idée accessoire et accidentelle que les autres modes personnels y ajoutent. Delà vient que le positif est le seul cas du mode personnel qui dans toutes les langues admette toutes les espèces de tems autorisées par l'usage de leur syntaxe; c'est ce qui le rend propre à représenter la co-existence principale de toute proposition. Aussi est-il presque toujours construit en phrase principale, et si quelquefois il est tourné en phrase accessoire, il exprime encore une identité certaine, une circonstance arrivée dans le tems, un objet de l'acte de l'esprit affirmatif.

De tous les cas du mode verbal le positif (l'indicatif), l'impératif et le suppositif sont les seuls qui se construisent en phrase principale; c'est ce qui les distingue du subjonctif qui exprime la co-existence comme subordonnée à une co-existence principale. Mais l'impératif et le suppositif ajoutent à la co-existence pure du connectif l'idée de commandement et d'hypothèse; c'est ce qui les sépare du suppositif, qui est le cas pur et direct. Delà vient que les autres cas du mode verbal ont un système de tems moins définis et moins précis. On peut consulter à cet égard le tableau du verbe grec. Le simultané-passépériodal (l'imparfait), l'antérieur - passé-périodal (plusque parfait), le postérieur-passé- périodal ne se trouvent que dans le positif; ils n'ont point de tems correspondans pour les autres cas du mode personnel. La preuve en est qu'il y a aux autres cas moins de tems, et que ces tems sont dérivés des tems historiques du cas positif.

LE SUBORDONNÉ A LA VOLONTÉ.

Aucune grammaire n'a parfaitement démêlé la nature de l'impératif et du subjonctif; toutes leur donnent un système très-incomplet de tems, aulieu qu'elles recon

naissent au suppositif un système complet dont tous les tems ont des correspondans au positif. Cette erreur vient de ce que les grammairiens ont toujours séparé l'impératif du subjonctif, qui doit se réunir avec lui en un même cas du mode verbal. En effet, l'impératif n'a que des tems absolus correspondans aux tems absolus du positif; le subjonctif n'a que des tems relatifs correspondans aux tems relatifs du positif.

Or l'époque de comparaison de l'impératif et du sub jonctif est l'acte de la parole transformée en volonté comme la production de la parole est l'époque de comparaison du positif. De même que les tems du positif qui n'ont de relation qu'avec la production de la parole sont appelés absolus et sont simultanés, ou antérieurs ou postérieurs à la parole, de même les tems du cas subordonné à la volonté, qui n'ont de relation qu'à cette volonté, sont absolus et se distinguent en simultanés, antérieurs et postérieurs à la volonté ou parole de la volonté; car la volonté est ellypsée. Tels sont les tems du prétendu mode impératif.

Et, pour continuer le parallèle, de même que les tems du positif qui ont relation à une époque intermédiaire de comparaison antérieure ou postérieure à la parole, époque primitive, sont appelés relatifs et sont ou simultanés ou antérieurs ou postérieurs à cette époque secondaire de comparaison, de même les tems du cas subordonné qui ont relation à une époque secondaire, sont appelés relatifs et sont ou simultanés ou antérieurs ou postérieurs à cette époque secondaire. Tels sont les tems du prétendu mode subjonctif. Ainsi les tems de l'impératif qui sont l'objet d'une volonté non exprimée, sont absolus; ainsi les tems du subjonctif qui sont l'objet d'une volonté exprimée, sont relatifs; ainsi les tems de l'impératif et ceux du subjonctif forment le système des tems du cas que nous appelons subordonné à la volonté. D'où il suit que la volonté étant la parole modifiée par l'idée de commandement, les tems absolus du cas subordonné manquent de première personne, parce que le principe de la

parole ne se commande pas à lui-même, à moins qu'il ne se suppose divisé en deux parties, dont l'une commande à l'autre, comme benedic, anima mea, domino; mon âme, bénis le seigneur. Il suit encore delà que les tems relatifs du cas subordonné sont simultanés ou antérieurs ou postérieurs à une époque secondaire de comparaison, et non à la volonté à laquelle ils sont toujours postérieurs, quoiqu'elle puisse être présente, passée ou future.

La volonté est donc elliptique à l'impératif ; elle est la parole même de celui qui parle, et son commandement peut exiger l'action à l'instant même de sa production, ou se transporter au moment où l'action sera finie, ou prescrire l'action dans le tems à venir; l'action pourra donc être ou simultanée ou antérieure ou postérieure à l'instant de l'énonciation de la volonté. Lis maintenant est une action voulue à l'instant même de la volonté; elle lui est simultanée. Ayez lu ce livre quand je reviendrai est une action que l'on veut qui soit faite à l'époque du retour où l'on transporte sa volonté ; c'est une forme de postérieur à la parole, à laquelle répond l'aoriste 1er de l'impératif du verbe grec; c'est l'expression d'un tems historique. Mais s'il est question d'une vérité constante, résultat d'observations faites sur des actions antérieures à la parole, c'est le tems absolu antérieur à la volonté, c'est le passé de l'impératif grec : ἄνθρωπε, πρῶτον ἐπίσκεψαι ὑποῖόν ἐστι τὸ πρᾶγμα· εἶτα καὶ την σεαυτοῦ φύσιν καταμαθε, εἰ δυσ νασαι βαστάσαι. Πένταθλος εἶνα βούλει ἢ παλαισής ; ἴδε σεαυτοῦ τοὺς βραχίονας τοὺς μηρούς, την ὀσφυνκαταμαθε ἄλλος γάρ πρὸς ἄλλο TEQUXE. Ce passage d'Epictète signifie, d'après la traduction de Diderot, dans sa lettre sur les sourds et muets : « Homme, aie d'abord appris ce que c'est que la chose « que tu veux être; aie étudié tes forces et le fardeau ; aie <vu si tu peux l'avoir supporté; aie considéré tes bras et a tes cuisses; aie éprouvé tes reins si tu veux être quin« quertion ou lutteur. » Il est certain que ces formes d'antérieur-présent expriment des actions objectives d'une volonté qui se transporte à la fin, à l'événement de ces actions pour les rendre antérieures ; car la volonté de

πεφυκε.

celui qui parole n'est point postérieure à ces actions, qu'elle conseille, mais elle place l'exécution de son commandement impératif à l'issue des actions; c'est par cette transposition seule que l'usage de l'antérieur est autorisé, puisqu'un autre tems pourrait exprimer le même fonds d'idées, comme, apprends ce que c'est.... vois.... considère..., éprouve, ou bien, tu dois apprendre, il faut que tu voies, il faut que tu considères; mais non avec les mêmes circonstances, car autant de tours différens, autant de circonstances différentes. Si l'action est voulue devoir se faire dans un tems à venir, on emploie le postérieur de l'impératif ou le futur de l'impératif grec: tie, honorato, honore ou doive honorer; en allemand, soust loben.

Cette forme de l'impératif n'est démêlée dans aucune grammaire; elle est confondue avec honora, honore maintenant, lobe. Beauzée lui-même l'a confondue avec le présent de l'impératif, et en en faisant une espèce de présent, il en a cherché les caractères différentiels dans les effets, dans la fin de la pensée. Mais ces effets sortent d'une cause qui les produit, et cette cause, c'est la nature différentielle du tems.

Le présent de l'impératif exprime une simple exhortation, un conseil, un avertissement, une prière même, ou tout au plus, de la part de l'autorité, un consentement, une simple permission, une tolérance: aut si es dura, nega; sin es non dura, venito (Properce). Aut si es dura, nega, c'est comme si Properce avait dit : si vous avez de la dureté dans le caractère, et si vous consentez vous-même à passer pour telle, il faut bien que je consente à votre refus, nega, refusez maintenant : simple

concession.

Le postérieur de l'impératif exprime un commandement exprès et absolu ou du moins une exhortation si pressante qu'elle semble exiger l'exécution aussi impérieusement que l'autorité même. Si es non dura, venito; c'est comme si l'auteur eût dit mais si vous ne voulez point avouer un caractère si odieux, si vous prétendez

être sans reproche à cet égard, il vous est indispensable de venir, il faut que vous veniez, venito, vous viendrez, venez incessamment : prière urgente qui approche du commandemeut absolu et qui en imite le tour impérieux.

Et potum pastas age Tytire, et inter agendum,

Occursare capro (cornu ferit ille) caveto. (VIRGILE.)

Et potum pastas age Tityre, n'est qu'une simple instruction dont le ton est modeste. Mais quand Virgile s'intéresse pour Tytire, il craint pour lui quelqu'accident; il élève le ton afin de donner à son avis plus de poids et par là plus d'efficacité, occurs are capro caveto. Cave, prends garde, serait plus faible et moins honnête, parce qu'il marquerait trop peu d'intérêt. Il faut quelque chose de plus pressant; caveto, tu prendras garde. C'est le ton même de la loi : ad divos adeunto castè (Cic. 11 de Leg. VIII, alit. 19).

II

L'intérêt porté sur le tems présent n'est donc qu'une simple exhortation, un avertissement ; mais l'intérêt qui se porte dans l'avenir marque un sentiment qui presse, exprime une volonté qui veut suivre l'action jusqu'à son exécution, en écartant les obstacles de sa fin. L'intérêt borné au présent, abandonne l'action à elle-même après le conseil donné ; il semble l'oublier, n'y prendre plus de

souci.

Le postérieur de l'impératif, que Beauzée confond dans la classe du simultané présent, est donc un tems réellement distinct par un caractère différentiel, amator ab hero, faites si bien que votre maître vous aime : voilà le postérieur passif; il est évident que l'action de se faire aimer est postérieure à la volonté qui conseille; lege, ego audio, liscz, je vous écoute; l'action de lire doit se faire à l'instant de la production de la parole.

Ce tems est constaté dans la langue allemande par Sollen, joint à l'infinitif: soust loben, doive louer, laudato; lobe, loue, lauda. Voyez le tableau du verbe en sept langues.

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