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Les modes sont donc dans le connectif variable les formes qui caractérisent les différentes manières dont la coexistence du sujet avec sa modification a été sentie ou rappor tée à la fin de la pensée. Il faut donc distinguer deux modes généraux : mode déterminé par la personnalité du sujet, mode abstrait de cette personnalité.

Le mode déterminé ou personnel désigne dans l'identité un rapport avec la personne du sujet rapporté laimême à l'acte de la parole avec laquelle il est en relation ou de principe (première personne) ou d'objet (seconde personne), ou de moyen (troisième personne) dans la fin de la pensée, c'est à dire, dans le point de vue selon lequel l'identité est exprimée par l'esprit. C'est ce mode qui constitue véritablement le verbe, la parole, l'énonciation de la pensée par la parole, et sans lequel il n'y aurait point de proposition ou d'expression de la pensée, en un mot, point de phrase-pensée.

Le mode abstrait ou impersonnel désigne dans le connectif d'identité l'abstraction de toute personnalité, en conséquence de quoi il ne peut être jamais l'expression de la pensée ni former aucune proposition, sans qu'il soit cependant privé des modifications et des rapports qui constituent la phrase, c'est à dire une idée sous la forme de phrase, enfin une phrase-idée.

Il suit de ces définitions que les modes caractérisent différents points de l'existence intellectuelle, et que chaque mode doit avoir son système de tems qui lui soit propre. Or comme le mode abstrait ne désigne dans le connectif variable que l'existence abstraite de personnalité, et que cette abstraction lui donne l'indétermination des noms et des modatifs, son existence ne doit comprendre que les divisions générales des temps. Mais le mode personnel étant déterminé par la personnalité et le nombre du sujet de la modification, doit comprendre le sujet des tems.

Puisque le mode abstrait est ou nom ou modatif, il doit se décliner comme le nom et le modatif. C'est donc une expression impropre que celle de conjugaison du verbe dans ce mode,

Le connectif variable au mode déterminé devra, en conséquence de sa relation directe avec le sujet de la phrase, s'accorder avec les personnes du nom dans toutes les langues; avec ses nombres, le singulier, le pluriel dans toutes les langues, et le duel dans toutes les langues qui l'admettent comme le grec, le polonais; avec les genres dans quelques langues, comme l'hébraïque, la suédoise. Il devra même se décliner à l'instar du nom, selon qu'il exprimera une phrase principale ou une phrase objective ou une phrase circonstantive. Il faut nous expliquer.

Le nom est susceptible de décliner sa terminaison selon les rapports qu'il doit exprimer dans la phrase; quand il est sujet de la phrase, il est à sa forme primitive et géné rale dont les autres ne sont que des transformations sous d'autres points de vue de la pensée; il est toujours le nom de la même idée envisagée sous différens aspects; il est à sa désinence primitive, au cas direct; il est le nom principal auquel se rapportent tous les autres de la phrase comme ses déterminations et ses rapports. Quand il est l'objet de l'action, et par conséquent l'objet de la phrase, il est au mode subordonné; il est au cas de l'accusatif qui s'exprime sans préposition et quelquefois avec une préposition, selon l'expression matérielle du verbe; il est au cas oblique, c'est à dire, à un cas accessoire. Quand il est le principe, le motif, le moyen de l'action, il est au cas du génitif ou de l'ablatif, qui expriment tous deux à peu près les mêmes circonstances de l'action. Quand il est sujet de la phrase et objet de l'acte de la parole, il est au cas du vocatif; il est encore au cas direct comme le nominatif, et, comme lui, il est le nom principal auquel se rapportent les autres de la phrase. Il tient cependant un peu de la nature de l'objet de la phrase, et par conséquent il porte quelqu'idée de subordination comme l'accusatif; car il pourrait être rapporté à l'objet de l'action, comme dans cette phrase: O lieux chéris, je vous quitte pour jamais, c'est-à-dire, je quitte vous, lieux chéris! Il doit donc prendre à peu près la forme du nominatif avec l'idée de dépendance de l'accusatif,

Il est donc évident que le nom, dans tous ces cas, est le même que le nom considéré sous différens rapports. Or le connectif-variable constitutif de la phrase pensée peut varier sa forme primitive, comme le nom fait son nominatif. En effet, comme la phrase peut être, ainsi que le nom, ou principale ou objet ou circonstance d'une autre phrase, le connectif-variable, sous ces rapports différents, devra donc varier sa forme primitive sous autant de formes accessoires, qui toutes ne seront que des modes particuliers accessoires du mode général. Ainsi quand la phrase sera principale, le connectif sera au mode direct et principal, au mode indicatif, dont les autres ne sont que des transformations; ce mode répondra au cas du nominatif.

Quand la phrase sera l'objet d'une volonté non exprimée matériellement, et qui, sous cette forme, conservera le rang de principale ou de phrase absolue, indépendante, le connectif-variable sera au mode que les grammairiens nomment impératif, et qui répond au cas du vocatif. Il tiendra du mode principal ou positif, en ce qu'il pourra former une phrase principale, et du mode subordonné, en ce qu'il sera l'objet d'une volonté énoncée.

Quand la phrase sera l'objet d'une volonté exprimée, et par conséquent objet de la phrase principale ou phrase subordonnée à la principale, le connectif-variable prendra un mode correspondant au cas de l'accusatif ; il sera au mode que les grammairiens nomment subjonctif, et que d'autres, avec plus de raison, désignent par la dénomination de subordonné.

Quand la phrase exprimera une circonstance de l'action, un motif, un moyen, une cause hypothétique, une condition, une possibilité, le connectif-variable prendra un mode correspondant au cas du génitif ou de l'ablatif, et que les grammairiens nomment imparfaitement optatif conditionnel, mais que Beauzée, avec plus de raison, appelle suppositif.

Il est donc vrai que l'indicatif, l'impératif, le subjonc tif, le suppositif ne sont que des nuances, des usages par

ticuliers du mode personnel ou déterminé; ce ne sont point de nouveaux modes, mais des variations de ce mode, des points de vue différens du même mode.

Il est donc évident que les prétendus modes indicatif, impératif, subjonctif, suppositif, ne sont que les cas du mode déterminé ou attributif dont ils forment la déclinaison; il n'y a donc réellement dans le connectif-variable que trois modes distincts: le mode personnel ou déterminé, le mode impersonnel ou abstrait, composé du modemodificatif et du mode-subjonctif; trois modes qui ont chacun leur système particulier de déclinaison, et qui divisent en quelque sorte le connectif-variable en trois élémens du discours. D'où il suit que la dénomination de conjugaisons répondant exactement à celle de déclinaison, puisqu'elle exprime les mêmes points de vue, dans les prétendus modes particuliers du connectif, que la déclinaison dans les cas du nom, la grammaire peut retrancher ce mot de sa nomenclature sans aucun inconvénient; elle peut même y gagner du côté de la clarté, et par là s'élever à un plus haut degré de lumière; car en ramenant tous les mots invariables au même système de déclinaison, elle montre plus évidemment l'unité des élémens du discours et fait de grands progrès vers la vérité. C'est ainsi que la science grammaticale devrait se dépouiller de toutes les fausses dénominations, qui portent tant d'obscurité dans la connaissance du discours; il est certain qu'elle ne parviendra à son point de perfection, à la simplicité de la vérité qu'après avoir refait sa nomenclature et avoir adopté un langage analogue à celui de l'idéologie et de la logique; car les idées ne font de progrès qu'autant que la langue s'épure et se perfectionne. Alors bien loin d'être une science abstraite et trop métaphysique, elle sera, au contraire, appropriée à la force de l'intelligence des enfans par la simplicité de ses principes, qui portent sur des points positifs et sensibles; tant il est vrai que les langues sont d'une simplicité admirable, et que presque toutes les grammaires sont d'une complication telle qu'elles n'offrent que ténèbres et désespoir aux élèves.

Nous résumons nos observations, et nous répétons qu'il n'y a dans le connectif variable que trois modes: le mode substantif, le mode modificatif, le mode verbal ou personnel; que dans le premier, il est susceptible de toutes les variations des substantifs; que dans le second il éprouve toutes celles qui constituent les déclinaisons des modificatifs; que dans le troisième, où il est encore considéré comme un substantif, non-seulement il marque les cas, mais encore quelquefois les genres, toujours les nombres du nom, et toujours les personnes du pronom; qu'enfin dans tous trois il marque les tems. La Grammaire du comte Destut de Tracy n'admet aussi que trois modes et rejette la dénomination de conjugaison pour lui substituer celle de déclinaison.

Observons que le mode verbal est le plus composé, que le mode nominal en est une abstraction par la privation. des personnes ; que le mode modificatif en est une autre abstraction en conséquence de laquelle il est privé de marquer par lui-même des rapports, et se trouve réduit à s'adjoindre constamment à un nom dont il a adopté les formes.

Le mode modificatif ou adjectif se retrouve toujours dans la composition des deux autres; il est donc le plus simple des trois modes.

Le mode substantif ou nominal se forme du mode mo dificatif et du connectif d'identité simple; il est donc un peu composé.

Le mode verbal ou personnel se forme du mode nominal sous l'idée accessoire de relation avec les personnes du pronom; il est le plus composé des modes ; il renferme donc le mode nominal et le mode modatif; il doit donc se décliner selon les rapports du nom, selon les variations du modatif, et de plus adopter les relations de personnes.

Ainsi, en suivant les degrés de la composition de ces modes, nous pourrions commencer le développement des particularités de chacun par celles du mode-adjectif (participe), continuer par celles du mode nominal, puis

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