Page images
PDF
EPUB

ceux qui l'auront faite. Si on ne découvre rien de ce qu'on a vainement cherché jusqu'à présent, l'ignorance où nous resterons aura aussi ses charmes; car le Nil, avec ses sources toujours mystérieuses, ressemblera encore pour nous à la Divinité, qui ne se manifeste que par ses bienfaits, et ne cessera point de nous rappeler le temps où il était dieu. (Correspondance d'Orient.)

SISMONDI.

1773-1842.

Jean-Charles-Léonard Simonde DE SISMONDI, historien et publiciste éminent, naquit à Genève, de la noble famille des Sismondi de Pise, établie en France, depuis le quatorzième siècle, sous le nom de Simonde. Il a consacré sa vie entière à l'étude, et publié de nombreux travaux historiques et politiques. Les plus remarquables sont l'Histoire des Républiques italiennes, et l'Histoire des Français, l'ouvrage le plus complet sur les annales de notre pays. Il se distingue par l'étendue et la solidité de l'érudition. Le style est toujours simple, clair, mais quelquefois diffus, et souvent dépourvu de chaleur et de vie. On peut reprocher aussi à Sismondi de traiter le passé avec trop d'amertume. Sa vertueuse indignation contre les rois et les grands devient souvent injuste, parce qu'il tient trop peu de compte du temps et des circonstances au milieu desquelles ils ont vécu.

Nous avons encore de Sismondi une Histoire des littératures du midi de l'Europe, un Abrégé de son Histoire des Français, un Précis de son Histoire des Républiques italiennes, une Histoire de la chute de l'Empire romain, des Études sur les constitutions des peuples libres, etc.

LES VÊPRES SICILIENNES.

Le lendemain de Pâques, lundi 30 mars 1282, les Palermitains, selon leur usage, se mirent en route pour entendre vêpres à l'église de Mont-Réal, à trois milles de leur ville. C'était leur promenade ordinaire les jours de fête; et les hommes et les femmes couvraient le chemin qui conduit à cette église. Les Français établis à Palerme et le vicaire royal lui-même prenaient part à la fête et à la procession. Celui-ci cependant avait fait publier qu'il défendait aux Siciliens de porter des armes pour s'exercer à les manier, selon l'ancien usage, dans ces jours consacrés au repos. Les Palermitains étaient dispersés dans la prairie, cueillant des fleurs, et saluant par leurs cris de joie le retour du printemps, lorsqu'une jeune vierge, non moins distinguée par sa beauté que par sa naissance, s'acheminait vers le temple, accompagnée de l'époux auquel elle était promise, de ses parents et de ses frères. Un Français, nommé Drouet, s'avança insolemment vers elle, et, sous prétexte de s'assurer si elle ne portait pas des armes cachées sous ses habits, il porta la main sur la jeune personne pour la fouiller de la manière la plus indécente. La jeune femme tomba évanouie entre les bras de son époux ; mais un cri de fureur s'éleva autour d'elle: « Qu'ils meurent ! qu'ils meurent, les Français ! Et Drouet, percé de

sa propre épée, fut la première victime de la rage populaire. De tous les Français qui assistaient à la fête, pas un seul n'échappa; quoique les Siciliens fussent encore désarmés, ils en égorgèrent deux cents dans la campagne, tandis que les cloches de l'église de Mont-Réal sonnaient le service des vêpres. Les Palermitains rentrèrent dans la ville, répétant toujours le même cri : « Qu'ils meurent, les Français ! » Et ils recommencèrent le carnage. Hommes, femmes, enfants, tout ce qui appartenait à cette nation détestée, fut mis à mort, et le fer allait même chercher dans le sein d'une épouse sicilienne le fruit abhorré de son union avec un Français. Quatre mille personnes périrent dans cette première nuit... Les habitants de Bicaro et ensuite ceux de Corileone se joignirent à ceux de Palerme, en scellant leur alliance du sang des Français qu'ils trouvèrent chez eux; tandis que ceux de Catalasino, gouvernés par le respectable Guillaume des Porcelets, qui n'avait pas méconnu l'humanité ou la justice, renvoyèrent avec honneur, de l'autre côté du phare, cet homme vertueux et toute sa famille.

(Histoire des républiques italiennes du moyen âge.)

BALLANCHE.

1776.

Pierre-Simon BALLANCHE, poète et philosophe, est né à Lyon en 1776. Il s'est voué tout entier à la culture des lettres. Doué du sens poétique à un degré éminent, il l'appliqua au développement d'un système philosophique sur la grande et mystérieuse Odyssée du genre humain. Il enveloppe ses idées chrétiennes de formes grecques, et recouvre sa pensée d'un voile peu pénétrable au vulgaire. Ses ouvrages se distinguent par la vigueur du style, la grandeur des images et la profondeur des idées.

Les principaux sont la Vision d'Hébal, où il passe en revue le passé, le présent et l'avenir; la Palingénésie sociale, où il construit les siècles antérieurs à l'histoire, raconte les premiers temps historiques, et chante les destinées futures de l'humanité; Antigone, récit touchant des malheurs de la fille d'OEdipe; Orphée; la Formule générale, ou histoire des révoltes du peuple romain contre les patriciens. On a encore de M. Ballanche l'Homme sans nom; le Livre du sentiment; l'Essai sur les institutions sociales; le Vieillard et le Jeune Homme; la Ville des expiations, sur l'abolition de la peine de mort.

MORT D'OEDIPE SUR LE CITHÉRON.

Antigone consolait son père par de douces paroles. Mais lorsqu'enfin il n'a plus que la mort devant lui, son trouble s'apaise; et, d'une voix pleine de tendresse « Ma fille, dit-il, tu vois en moi une victime destinée au sacrifice. Mon heure suprême est arrivée. Je ne sais comment s'accomplira ce der

nier acte de la justice des dieux; mais enfin je vais mourir. A cet instant solennel, je sens à la fois la puissance de la vie et la puissance de la mort. La vie n'a plus rien à m'apprendre; la mort commence à m'instruire. Clarté du jour, tu ne luis plus à mes yeux; mais une autre clarté luit à mon intelligence. Demeure fortunée, ouvrez-vous pour recevoir celui qui deux fois fut appelé au rang suprême, tant son front était fait pour le bandeau royal! ouvrez-vous pour recevoir l'homme qui connut toutes les misères! Et toi, Antigone, fille courageuse et magnanime, implore de nouveau la clémence des dieux immortels. Et puissent mes derniers sentiments et mes dernières pensées, en se reposant sur toi, te rendre un objet sacré ! Mais tu as encore un service à me rendre pendant que je me purifierai dans la fontaine, va chercher une brebis noire; je l'immolerai aux déités infernales. »

[ocr errors]

Antigone, plus légère qu'un chevreuil, s'élance dans la vallée, et court demander à un pâtre la victime que désire son père. « A présent, lui dit OEdipe, retire-toi.» Antigone se jette à ses pieds. O ma fille, lui dit le roi, nous ne pouvons rien contre la volonté des dieux. Hélas! je te laisse seule sur la terre; je ne puis te confier, ni à tes frères barbares, ni à la faible Ismène, ni à Créon, qu'une secrète ambition dévore, ni même à son généreux fils. Tu ne trouveras d'appui qu'en toi-même, dans ton innocence et ta vertu. Antigone, tu iras trouver Thésée.

« PreviousContinue »