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VOLNEY.

1755-1820.

Constantin-François Chassebœuf, comte DE VOLNEY, orientaliste et philosophe, naquit à Craon en Anjou. De 1789 à 1820, il fut successivement député aux états-généraux, professeur d'histoire à l'École normale, sénateur, membre de l'Académie française, créé comte et pair de France. Il a laissé plusieurs ouvrages historiques et philosophiques, dont les Ruines sont le plus remarquable. Volney y raconte le passé avec un ton de tristesse noble et quelquefois sublime, y peint les débris des nations et les ruines des empires avec une poésie de style qui en ferait un chef-d'œuvre, si l'athéisme de l'auteur n'avait pas banni de son livre l'idée de la Providence, qui préside aux révolutions et qui seule peut les expliquer.

MÉDITATIONS SUR LES RUINES DE PALMYRE.

Le soleil venait de se coucher; un bandeau rougeâtre marquait encore sa trace à l'horizon lointain des monts de la Syrie : la pleine lune à l'orient s'élevait sur un fond bleuâtre, aux planes rives de l'Euphrate; le ciel était pur, l'air calme et serein; l'éclat mourant du jour tempérait l'horreur des ténèbres; la fraîcheur naissante de la nuit calmait les feux de la terre embrasée; les pâtres avaient retiré leurs chameaux; l'œil n'apercevait plus aucun mouvement sur la plaine monotone et grisâtre; un vaste silence régnait sur le désert; seulement, à de longs inter

valles, on entendait les lugubres cris de quelques oiseaux de nuit et de quelques chacals. L'ombre croissait, et déjà, dans le crépuscule, mes regards ne distinguaient plus que les fantômes blanchâtres, des colonnes et des murs. Ces lieux solitaires, cette soirée paisible, cette scène majestueuse, imprimèrent à mon esprit un recueillement religieux. L'aspect d'une grande cité déserte, la mémoire des temps passés, la comparaison de l'état présent, tout éleva mon cœur à de hautes pensées. Je m'assis sur le tronc d'une colonne, et là, le coude appuyé sur le genou, la tête soutenue sur la main, tantôt portant mes regards sur le désert, tantôt les fixant sur les ruines, je m'abandonnai à une rêverie profonde. Ici, me dis je, ici fleurit une ville opulente; ici fut le siége d'un empire puissant. Oui! ces lieux maintenant si déserts, jadis une multitude vivante animait leur enceinte ; une foule active circulait dans ces routes aujourd'hui solitaires; en ces murs où règne un morne silence, retentissaient sans cesse le bruit des armes et les cris d'allégresse et de fête ces marbres amoncelés formaient des palais réguliers; ces colonnes abattues ornaient la majesté des temples; ces galeries écroulées dessinaient les places publiques. Là, pour les devoirs respectables de son culte, pour les soins touchants de sa subsistance, affluait un peuple nombreux; là, une industrie créatrice de jouissances appelait les richesses de tous les climats, et l'on voyait s'échanger la pourpre de Tyr pour le fil précieux de

la Sérique; les tissus moelleux de Cachemire pour les tapis fastueux de la Lydie; l'ambre de la Baltique pour les perles et les parfums arabes; l'or d'Ophir pour l'étain de Thulé. Et maintenant, voilà ce qui subsiste de cette ville puissante: un lugubre squelette! Voilà ce qui reste d'une vaste domination: un souvenir obscur et vain!... Au concours bruyant qui se pressait sous ces portiques, a succédé une solitude de mort; le silence des tombeaux s'est substitué au murmure des places publiques; l'opulence d'une cité de commerce s'est changée en une pauvreté hideuse; les palais des rois sont devenus le repaire des fauves; les troupeaux parquent au seuil des temples, et les reptiles immondes habitent les sanctuaires des dieux!... Ah! comment s'est éclipsée tant de gloire!... Comment se sont anéantis tant de travaux!... Ainsi donc périssent les ouvrages des hommes! Ainsi s'évanouissent les empires et les nations!

(Ruines.)

FRAYSSINOUS.

1765-1841.

Denis FRAYSSINOUS, célèbre prédicateur, naquit au village de Curières, en Rouergue. Il entra jeune dans l'état ecclésiastique. Vers 1800 il commença à Paris, sur la religion chrétienne, une série de Conférences qui, pendant vingt ans, furent suivies avec intérêt et admiration par l'élite de la jeunesse et les hommes les plus distingués. Il voulut prouver pour faire croire; il s'attacha à concilier la raison humaine et la foi, et à

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dompter les ennemis du christianisme par la force du raisonnement. L'étendue de son savoir, la solidité de son argumentation, la clarté élégante de son langage, le firent désigner comme l'héritier des anciens grands maîtres de la chaire chrétienne. Sous la restauration, M. Frayssinous devint membre de l'Académie française, évêque d'Hermopolis, aumônier du roi, comte, pair de France, et ministre des affaires ecclésiastiques.

NAPOLÉON.

Un homme a passé au milieu de nous, qui, né, ce semble, avec le pressentiment secret de son élévation future, est arrivé, par une suite d'événements inouïs, jusqu'au faîte de la grandeur et de la puissance. Jamais peut-être la Providence n'a montré dans un plus grand jour tout ce qu'elle peut, soit pour élever un faible mortel, soit pour le perdre et le précipiter, malgré tous ses efforts afin d'échapper à sa ruine. Pour mieux faire éclater son action toute divine, elle va prendre un homme obscur, au sein d'une famille ignorée, au milieu d'une des régions les plus incultes de l'Europe: et voilà qu'il est donné à cet homme de se signaler entre tous les capitaines de son temps par vingt années de victoires incroyables, de fouler à son gré les peuples et les rois, de s'asseoir lui-même sur le plus beau de tous les trônes, et de s'allier enfin au sang le plus auguste de la terre. Sa vie politique et guerrière développe en lui des qualités extraordinaires, qui jettent dans l'étonnement plutôt qu'elles n'excitent l'admiration, mais qui ont toujours l'infaillible et malheureux pouvoir de

subjuguer l'esprit des peuples. S'il manque de cette magnanimité sans laquelle on ne saurait être un grand homme, on est forcé de reconnaître qu'il eut éminemment tout ce qu'il fallait pour devenir un des hommes les plus célèbres de l'univers, une vigueur de santé que rien n'altère, une force d'esprit que rien ne fatigue, une inflexibilité de pensée que rien ne fait mollir, une passion de dominer que rien ne rassasie tout cela contribue à faire de lui un des instruments les plus terribles dont la Providence se soit servie pour châtier les peuples et les rois. Il faut que tout soit pris dans les piéges de sa politique, ou tombe sous les coups de ses mains victorieuses. Par lui, les sceptres sont brisés, les rois sont captifs, les générations exterminées, les peuples asservis, la religion et ses ministres opprimés, et l'Europe, muette en sa présence, demeure immobile de saisissement et d'épouvante.

(3o Discours sur la révolution française.)

DIVINITÉ DU CHRISTIANISME

PROUVÉE PAR SON TRIOMPHE SUR L'IMPIÉTÉ.

L'irréligion a tout pour elle, le christianisme a tout contre lui. L'univers est attentif pour savoir de quel côté restera la victoire. Les choses envisagées humainement, à l'époque dont nous parlons, rien n'est faible comme le christianisme; rien n'est fort comme sa rivale et son ennemie. Si la fausse philo

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