Page images
PDF
EPUB

sa langue : « Que me reprochez-vous? vous dirait-il; une vie oiseuse et des mœurs inutiles et errantes? Mais quels sont les soins qui vous occupent dans votre opulence? les soucis de l'ambition, les inquiétudes de la fortune, les mouvements de la volupté. Je puis être un serviteur inutile: n'êtes-vous pas vous-même un serviteur infidèle? Ah! si les plus coupables étaient les plus pauvres et les plus malheureux ici-bas, votre destinée aurait-elle quelque chose au-dessus de la mienne? Vous me reprochez des forces dont je ne me sers pas mais quel usage faites-vous des vôtres ? Je ne devrais pas manger parce que je ne travaille point : mais êtes-vous dispensé vous-même de cette loi? N'êtes-vous riche que pour vivre dans une indigne mollesse? Ah! Dieu jugera entre vous et moi; et, devant son tribunal redoutable, on verra si vos voluptés et vos profusions vous étaient plus permises que l'innocent artifice dont je me sers pour trouver du soulagement à mes peines. >>

Offrons du moins aux malheureux des cœurs sensibles à leurs misères : adoucissons du moins, par notre humanité, le joug de l'indigence, si la médiocrité de notre fortune ne nous permet pas d'en soulager tout à fait nos frères. Hélas! on donne dans un spectacle des larmes aux aventures chimériques d'un personnage de théâtre; on honore des malheurs feints d'une véritable sensibilité; on sort d'une représentation, le cœur encore tout ému du récit de

l'infortune d'un héros fabuleux; et votre frère, que vous rencontrez au sortir de là, couvert de plaies, et qui veut vous entretenir de l'excès de ses peines, vous trouve insensible! et vous détournez vos yeux de ce spectacle de religion! et vous ne daignez pas l'entendre, et vous l'éloignez même rudement et achevez de lui serrer le cœur de tristesse! Ame inhumaine! avez-vous donc laissé toute votre sensibilité sur un théâtre? Le spectacle d'un homme souffrant n'offre-t-il rien qui soit digne de votre pitié?

(Sermon sur l'aumône.)

EFFRAYANTE SUPPOSITION.

Je suppose que c'est ici votre dernière heure et la fin de l'univers, que les cieux vont s'ouvrir sur vos têtes, Jésus-Christ paraître dans sa gloire au milieu de ce temple, et que vous n'y êtes assemblés que pour l'attendre, et comme des criminels tremblants à qui l'on va prononcer, ou une sentence de grâce, ou un arrêt de mort éternelle; car vous avez beau vous flatter, vous mourrez tels que vous êtes aujourd'hui tous ces désirs de changement qui vous amusent vous amuseront jusqu'au lit de la mort; c'est l'expérience de tous les siècles. Tout ce que vous trouverez alors en vous de nouveau sera peut-être un compte un peu plus grand que celui que vous auriez aujourd'hui à rendre; et sur ce que vous seriez si l'on venait vous juger dans le moment,

vous pouvez presque décider de ce qui vous arrivera au sortir de la vie.

Or, je vous demande, et je vous le demande frappé de terreur, ne séparant pas en ce point mon sort du vôtre, et me mettant dans la même disposition où je souhaite que vous entriez; je vous demande donc, si Jésus-Christ paraissait dans ce temple, au milieu de cette assemblée, la plus auguste de l'univers, pour nous juger, pour faire le terrible discernement des boucs et des brebis, croyez-vous que le plus grand nombre de tout ce que nous sommes ici fût placé à la droite? Croyez-vous que les choses, du moins, fussent égales? Croyez-vous qu'il s'y trouvât seulement dix justes, que le Seigneur ne put trouver autrefois en cinq villes tout entières? Je vous le demande : vous l'ignorez et je l'ignore moimême; vous seul, ô mon Dieu! connaissez ceux qui vous appartiennent.

Mais si nous ne connaissons pas ceux qui lui appartiennent, nous savons du moins que les pécheurs ne lui appartiennent pas. Or, qui sont les fidèles ici rassemblés? Les titres, les dignités ne doivent être comptés pour rien; vous en serez dépouillés devant Jésus-Christ. Qui sont-ils? beaucoup de pécheurs qui ne veulent pas se convertir; encore plus qui le voudraient, mais qui diffèrent leur conversion; plusieurs autres qui ne se convertissent jamais que pour retomber; enfin un grand nombre qui croient n'avoir pas besoin de conversion. Voilà le parti des

réprouvés. Retranchez ces quatre sortes de pécheurs de cette assemblée, comme ils en seront retranchés au dernier jour.... Paraissez maintenant, justes; où êtes-vous? Restes d'Israël, passez à droite; démêlezvous de cette paille destinée au feu.... O Dieu! où sont vos élus, et que reste-t-il pour votre partage? (Sermon sur le petit nombre des étus.)

LA MORT.

Sur quoi vous rassurez-vous donc ? sur la force du tempérament? Mais qu'est-ce que la santé la mieux établie? Une étincelle qu'un souffle éteint; il ne faut qu'un jour d'infirmité pour détruire le corps le plus robuste du monde. Je n'examine pas après cela si vous ne vous flattez pas vous-même là-dessus; si un corps ruiné par les désordres de vos premiers ans ne vous annonce pas au dedans de vous une réponse de mort; si des infirmités habituelles ne vous ouvrent pas de loin les portes du tombeau; si des indices fâcheux ne vous menacent pas d'un accident soudain. Je veux que vous prolongiez vos jours au delà même de vos espérances: hélas! ce qui doit finir, mes frères, doit-il vous paraître long? Regardez derrière vous: où sont vos premières années ? Que laissent-elles de réel dans votre souvenir? pas plus qu'un songe de la nuit. Vous rêvez que vous avez vécu; voilà tout ce qui vous en reste. Tout cet intervalle qui s'est écoulé depuis votre naissance

jusqu'aujourd'hui, ce n'est qu'un trait rapide qu'à peine vous avez vu passer. Quand vous auriez commencé à vivre avec le monde, le passé ne vous paraîtrait pas plus long ni plus réel. Tous les siècles qui se sont écoulés jusqu'à nous, vous les regarderiez comme des instants fugitifs; tous les peuples qui ont paru et disparu dans l'univers, toutes les révolutions d'empires et de royaumes, tous ces grands événements qui embellissent nos histoires, ne seraient pour vous que les différentes scènes d'un spectacle que vous auriez vu finir en un jour. Rappelez seulement les victoires', les prises de places, les traités glorieux, les magnificences, les événements pompeux des premières années de ce règne. Vous y touchez encore, vous en avez été pour la plupart, non-seulement spectateurs, mais vous en avez partagé les périls et la gloire. Ils passeront dans nos annales jusqu'à nos derniers neveux; mais pour vous, ce n'est plus qu'un songe, qu'un éclair qui a disparu, et que chaque jour efface même de notre souvenir. Qu'est-ce donc que le peu de chemin qui vous reste à faire? Croyons-nous que les jours à venir aient plus de réalité que les jours passés ? les années paraissent longues quand elles sont encore loin de nous; arrivées, elles disparaissent, elles nous échappent en un instant, et nous n'aurons pas tourné la tête que nous nous trouverons, comme par un enchantement, au terme fatal qui nous paraît encore si loin et ne devoir jamais arriver. Regardez le

« PreviousContinue »