Échauffez nos froides campagnes; Mères des torrents furieux, Blanches couronnes des montagnes, Neiges, louez celui qui vous répand des cieux. Vous, que la loi de la naissance Élève au trône paternel, Vous, dont le choix de l'Éternel Fait la souveraine puissance, Rois, de qui le bras irrité Révérez au pied des autels Celui fait trembler la terre, Et songez tous les jours qu'il vous a faits mortels. Peuples, rendez-lui vos hommages, Et ne manquez jamais de foi Et sachez qu'à des mauvais princes, Vierges, dont les yeux pleins de flammes Et dérobent à la raison Le juste hommage de nos âmes; Ne vous vantez plus des appas Que le temps n'exemptera pas 1 Qu'à gagner des beautés qui ne meurent jamais. Enfants, de qui les destinées, De vos incertaines années; Vous, dont l'âge est plus vigoureux, Car sans lui vos forces sont vaines, Qu'il soit votre attente dernière, Enfin, adorez votre Maître, O corps si divers en beauté, Les richesses d'un nouvel être : Sa parole vous fit de rien, Vous n'avez pour votre soutien Elle peut tout comme autrefois, Et tout, sous l'un et l'autre pôle, Suit les commandements de ses premières lois. Israël, de son assistance Tu sens les effets tous les jours, Par ses favorables regards, Il dissipe tous les brouillards. Qui veulent obscurcir ta gloire; Qui se promettaient la victoire. Sous ton joug redouté sont maintenant soumis. Doncques consacrons-lui nos veilles, Aux siècles qui sont à venir, Gravons sur le marbre et l'airain Que de nos guerres étouffées La gloire n'appartient qu'à son bras souverain. Mais qu'en des termes magnifiques, Lui présente mille cantiques; Que, se connaissant seul, lui seul se peut louer. LES LONGUES VEILLES L'astre qui fait le jour dort dans le sein des eaux. Un silence profond règne en toutes les plaines, Et les zéphyres seuls, par de faibles haleines, D'un petit tremblement agitent les rameaux. On n'oit plus dans les bois les concerts des oiseaux, Et l'aimable enchanteur des soucis et des peines, Le sommeil, au doux bruit des paisibles fontaines, Charme de ses douceurs et bergers et troupeaux. Je suis seul qui, pressé d'une douleur cruelle Vois fuir loin de mes yeux le sommeil que j'appelle; Les veilles m'ont conduit au bord du monument. A quel joug la nature en l'homme est asservie! D'ACEILLY 16041673 Charles Nodier, dans la Collection des petits classiques français, a fait revivre le nom et les poésies du chevalier d'Aceilly. Le nom tombait dans l'oubli; les poésies étaient dispersées dans les recueils de Barbin et de La Monnoye, ou perdues dans des compilations indigestes de pièces galantes. A peine trouvait-on, dans quelques bibliothèques, la seconde édition de ces œuvres. Pour l'édition originale, imprimée en 4667 à Paris, sous les yeux de l'auteur, et que nous avons découverte après de longues recherches, Charles Nodier la déclarait introuvable. Ce fut donc avec la passion du bibliophile qu'il édita ce livre rare; il en fit un petit chef-d'œuvre où rien ne fut oublié : choix du papier, beauté des caractères, grâce des encadrements. Mais, obéissant à la pureté de son goût plus encore qu'à son amour pour les livres oubliés, il ne put se résoudre à publier toutes les épigrammes du chevalier d'Aceilly; il omit les plus faibles et les moins délicates; s'il ne satisfit pas ainsi ceux qui veulent avoir jusqu'au moindre mot d'un écrivain, son édition en fut plus gracieuse, plus agréable à la lecture, et plus propre à faire revivre le poëte. Ce qui, chez d'Aceilly, frappait Charles Nodier, ce qui lui donne en effet une physionomie distincte, c'est une observation fine unie à la naïveté de l'expression. Ses vers, au premier aspect, n'ont que de la bonhomie, et l'on craint à chaque instant d'y voir quelque négligence; il faut les étudier de plus près. On les trouve fermes et pleins, sans longueurs, sans remplissages. Ils n'ont ni les vibrations, ni la rapidité du trait qui vole; ils manquent de mouvement et d'éclat; mais ils vont droit au but. Plus d'une fois, d'Aceilly fut accusé de reproduire ou d'imiter les |