Page images
PDF
EPUB

Échauffez nos froides campagnes;

Mères des torrents furieux,

Blanches couronnes des montagnes,

Neiges, louez celui qui vous répand des cieux.

Vous, que la loi de la naissance

Élève au trône paternel,

Vous, dont le choix de l'Éternel

Fait la souveraine puissance,
Portraits de la Divinité,

Rois, de qui le bras irrité
Lance un redoutable tonnerre,

Révérez au pied des autels

Celui fait trembler la terre,

Et songez tous les jours qu'il vous a faits mortels.

Peuples, rendez-lui vos hommages,

Et ne manquez jamais de foi
A ceux qui portent comme moi
L'illustre nom de ses images;
L'abus de leur sacré pouvoir
Des lois d'un fidèle devoir
Ne peut dispenser leurs provinces:
Fuyez les rebelles projets,

Et sachez qu'à des mauvais princes,
Le seigneur vous défend d'être mauvais sujets.

Vierges, dont les yeux pleins de flammes
Lancent un funeste poison,

Et dérobent à la raison

Le juste hommage de nos âmes;

Ne vous vantez plus des appas

Que le temps n'exemptera pas
De son injurieux empire;
Louez l'auteur de vos attraits,
Et que votre étude n'aspire

1

Qu'à gagner des beautés qui ne meurent jamais.

Enfants, de qui les destinées,
A fils tissus diversement,
Ourdissent le commencement

De vos incertaines années;

Vous, dont l'âge est plus vigoureux,
Qui sentez un sang généreux
Bouillir dans le fond de vos veines,
N'ayez qu'à Dieu votre recours,

Car sans lui vos forces sont vaines,
Et lui seul peut étendre ou raccourcir vos jours.

Qu'il soit votre attente dernière,
Vieillards, de qui les ans légers,
Au milieu de tant de dangers,
Ont conduit leur longue carrière;
Troncs séchés, sépulcres mouvants,
Qui n'êtes ni morts, ni vivants,
Plaintives ombres de vous-mêmes,
Rendez grâces, d'un cœur ardent,
Au Dieu dont les bontés suprêmes
Ont si loin du matin marqué votre occident.

Enfin, adorez votre Maître,

O corps si divers en beauté,
Qui ne devez qu'à sa bonté

Les richesses d'un nouvel être :

Sa parole vous fit de rien,

Vous n'avez pour votre soutien
Que cette féconde parole

Elle peut tout comme autrefois,

Et tout, sous l'un et l'autre pôle, Suit les commandements de ses premières lois.

Israël, de son assistance

Tu sens les effets tous les jours,
Il est armé pour ton secours,
Il est l'auteur de ta constance;

Par ses favorables regards,

Il dissipe tous les brouillards.

Qui veulent obscurcir ta gloire;
Et tes barbares ennemis

Qui se promettaient la victoire.

Sous ton joug redouté sont maintenant soumis.

Doncques consacrons-lui nos veilles,
Nos corps, nos esprits et nos biens,
Et que nos plus doux entretiens
Soient de ces divines merveilles;
Pour en laisser le souvenir

Aux siècles qui sont à venir,
Érigeons partout des trophées;

Gravons sur le marbre et l'airain

Que de nos guerres étouffées

La gloire n'appartient qu'à son bras souverain.

Mais qu'en des termes magnifiques,
Et que, d'un art ingénieux,
Notre zèle dévotieux

Lui présente mille cantiques;
Reconnaissons que son pouvoir,
Qui fait tout vivre et tout mouvoir,
Est au-dessus de nos louanges,
Et ne craignons point d'avouer,
Ce que confessent tous les anges,

Que, se connaissant seul, lui seul se peut louer.

LES LONGUES VEILLES

L'astre qui fait le jour dort dans le sein des eaux. Un silence profond règne en toutes les plaines, Et les zéphyres seuls, par de faibles haleines, D'un petit tremblement agitent les rameaux.

On n'oit plus dans les bois les concerts des oiseaux, Et l'aimable enchanteur des soucis et des peines, Le sommeil, au doux bruit des paisibles fontaines, Charme de ses douceurs et bergers et troupeaux.

Je suis seul qui, pressé d'une douleur cruelle Vois fuir loin de mes yeux le sommeil que j'appelle; Les veilles m'ont conduit au bord du monument.

A quel joug la nature en l'homme est asservie!
Il faut pour être heureux perdre le sentiment,
Et mourir chaque nuit pour conserver sa vie.

D'ACEILLY

16041673

Charles Nodier, dans la Collection des petits classiques français, a fait revivre le nom et les poésies du chevalier d'Aceilly. Le nom tombait dans l'oubli; les poésies étaient dispersées dans les recueils de Barbin et de La Monnoye, ou perdues dans des compilations indigestes de pièces galantes. A peine trouvait-on, dans quelques bibliothèques, la seconde édition de ces œuvres. Pour l'édition originale, imprimée en 4667 à Paris, sous les yeux de l'auteur, et que nous avons découverte après de longues recherches, Charles Nodier la déclarait introuvable. Ce fut donc avec la passion du bibliophile qu'il édita ce livre rare; il en fit un petit chef-d'œuvre où rien ne fut oublié : choix du papier, beauté des caractères, grâce des encadrements. Mais, obéissant à la pureté de son goût plus encore qu'à son amour pour les livres oubliés, il ne put se résoudre à publier toutes les épigrammes du chevalier d'Aceilly; il omit les plus faibles et les moins délicates; s'il ne satisfit pas ainsi ceux qui veulent avoir jusqu'au moindre mot d'un écrivain, son édition en fut plus gracieuse, plus agréable à la lecture, et plus propre à faire revivre le poëte.

Ce qui, chez d'Aceilly, frappait Charles Nodier, ce qui lui donne en effet une physionomie distincte, c'est une observation fine unie à la naïveté de l'expression. Ses vers, au premier aspect, n'ont que de la bonhomie, et l'on craint à chaque instant d'y voir quelque négligence; il faut les étudier de plus près. On les trouve fermes et pleins, sans longueurs, sans remplissages. Ils n'ont ni les vibrations, ni la rapidité du trait qui vole; ils manquent de mouvement et d'éclat; mais ils vont droit au but.

Plus d'une fois, d'Aceilly fut accusé de reproduire ou d'imiter les

« PreviousContinue »