Page images
PDF
EPUB

posée de petits moellons irréguliers. Les parois intérieures de ce canal étaient enduites d'un ciment très-dur et très-épais. La partie la plus remarquable de cette construction antique, et qui peut le mieux donner une idée de l'art qui y a présidé, est la portion de l'aqueduc qui porte les eaux d'un bord du fossé sur l'autre. On avait élevé, dans ce but, sur le fond du fossé, cinq arcades à plein-ceintre dont les voussures sont en briques cuites; le reste de la maçonnerie, en moellons, présente encore, comme le prouve sa conservation, toutes les conditions d'une parfaite solidité.

En présence de ces ruines, les unes dont le caractère et la forme ont disparu, les autres, au contraire, assez bien conservées, deux hypothèses viennent à l'esprit : ou elles ne remontent pas jusqu'à Darius, ou cette citadelle, léguée par ce monarque aux siècles postérieurs, a été occupée et disposée de nouveau par un prince sassanide. En effet, la construction de cet aqueduc est, de tous points, semblable à celle des monuments qui ont précédé l'ère mahométane, et n'a aucune analogie avec ceux de l'époque achéménide. Obligé de choisir entre ces deux hypothèses, et respectant la dénomination de Darabgherd attribuée et conservée jusqu'à nos jours à cette localité, dénomination dont il serait difficile de discuter la légitimité, peut-être vaut-il mieux adopter la seconde.

Un autre monument, situé dans cette localité et portant un nom sassanide, vient encore à l'appui de cette opinion qui attribuerait deux époques bien distinctes aux constructions de Khalèh-Darab. En se dirigeant de ce dernier point au nordest, ou en suivant, au sortir de Darâbgherd, la direction du sud et tournant à l'est, on contourne l'une des deux masses de rochers que nous avons dit former le demi-cercle au fond

II.

.24

duquel est la ville moderne. Après avoir marché environ une heure et demie à partir du premier point, et une heure à peu près à partir du second, on arrive à une belle source d'eau recueillie dans un vaste bassin. Sur le parement vertical de l'un des rocs, poli ad hoc, est un grand bas-relief représentant un cavalier gigantesque entouré de personnages dont la physionomie et le costume paraissent être différents. Le nom de Chapour est celui que les gens du pays donnent à la figure principale. Le cavalier qui occupe le milieu du tableau est, en effet, habillé de la même manière que celui qu'on désigne ainsi sur les bas-reliefs de la gorge de Châpour, ou sur les rochers de Nakch-i-Roustâm. Il porte de grands cheveux bouclés s'échappant d'une coiffure surmontée d'un globe et accompagnée de bandelettes. Ici, comme sur les sculptures précitées, le cavalier étend le bras gauche et impose sa main sur la tête d'un personnage qui semble prêter un serment, tandis que deux autres, placés devant son cheval, paraissent l'implorer. Derrière ce cavalier sont quatre rangs de personnages superposés; leur costume est semblable à celui dont sont revêtues les figures des basreliefs de Châpour. A droite du tableau, et faisant face à ceux-ci, sont encore d'autres personnages très-rapprochés les uns des autres et dont on ne voit que les têtes. Ils ne portent aucune coiffure, non plus que les trois qui sont devant le cavalier, et ils ont un aspect général qui peut les faire prendre pour des Romains. Sous les pieds du cheval est un individu étendu à terre. On doit penser que c'est là encore un de ces nombreux cadres sculptés sur les rochers, qui se retrouvent dans différentes contrées de la Perse, et dans lesquels le roi Châpour s'est plu si souvent à retracer le sou

venir de sa victoire sur l'infortuné Valérien. Sur les autres bas-reliefs du même genre, dont j'ai parlé, le monarque sassanide s'est fait mettre en regard de l'empereur romain. dans les fers. Ici, à en juger par les lauriers et les bandelettes qui ceignent la tête du personnage étendu à terre, Châpour aurait voulu faire subir une humiliation plus grande à son prisonnier et représenter Valérien foulé aux pieds de son cheval. S'il est permis de donner une signification aux détails de ces sculptures trop souvent énigmatiques, on pourrait expliquer l'extension du bras et l'apposition de la main du roi sassanide sur la tête du personnage debout et libre devant lui, par la remise de la pourpre impériale, qu'il fit à un homme obscur nommé Cyriadis, en présence de l'armée romaine captive que figurent les têtes à droite du tableau. Ce bas-relief a un grand développement, mais son exécution est très-grossière; de tous ceux de la même époque, il est certainement l'un des moins remarquables par le travail.

CHAPITRE XLVIII.

Départ de Daråbgherd.

Sarbistân. - Lac salé. - Retour à Chiraz.
Loutis.

Événements de l'ouest. - Courban-baïram.

Le 26 janvier, après avoir séjourné à Darâbgherd le temps nécessaire pour faire des explorations qui nous donnassent la certitude que nous avions vu tout ce que son territoire recelait de vestiges d'antiquité, nous partîmes pour Chiraz. Nous dûmes reprendre la route que nous avions suivie en venant. Nous marchâmes ainsi pendant cinq heures, toujours à l'ouest, en restant au pied des montagnes, jusqu'à un défilé qui traverse celles qui bornent la plaine de ce côté. Le passage n'en fut pas long, et, au bout de deux heures, nous apercevions une nouvelle vallée où nous ne tardâmes pas à déboucher. Une heure après, nous descendions de cheval au village de Derakiân.

Le lendemain nous ne parcourûmes que quatre farsaks, et, suivant la base d'une chaîne de montagnes dont les sommets étaient couverts de neige, nous arrivâmes à Chechtèh. C'est un bourg considérable, dans une vallée assez bien cultivée, et, comme celle que nous avions quittée la veille, fermée par

H

de hautes montagnes entre lesquelles elle forme un vaste bassin; mais elle n'a ni l'étendue ni la fécondité de la plaine de Darâbgherd.

A l'ouest de Chechtèh, et à une heure et demie de ce bourg, nous traversâmes une colline au bas de laquelle nous rencontrâmes une petite rivière. Son cours, qui descend du nord et se dirige vers le sud, traverse une plaine peu spacieuse au centre de laquelle se voient un grand nombre de pierres taillées et disposées de tous côtés; elles paraissent rappeler l'existence d'un lieu important. Nous sûmes, par des raïas que nous rencontrâmes près de là, que c'étaient les ruines d'une petite ville qui s'appelait Mathèh. Pendant cette journée, qui fut de sept heures, nous traversâmes un pays boisé, coupé de collines et de ravins. Les perdrix rouges y abondaient.

Nous couchâmes à Teng-i-Kiarân, village situé à l'embranchement de trois routes celles de Chiraz, de Fessa et de Savonat. Selon l'habitude que nous avions, surtout dans cette partie inexplorée de la province de Fars, nous demandâmes aux habitants de Teng-i-Kiarân s'il y avait dans leurs environs quelque objet digne d'intérêt, quelques souvenirs de l'antiquité. Ils nous désignèrent un atèch-gâh; ce qui voulait dire un monument ancien, puisque les Persans comprennent sous cette désignation générale tout ce qui remonte au delà de l'islamisme. Atech-gâh, ou toute autre chose, nous tenions à voir la ruine en question. Aussi primes-nous, en partant de Teng-i-Kiarân, un guide pour nous la montrer. Nous traversâmes la rivière qui est près du village, en marchant au nord, et après une heure environ, nous arrivâmes, en effet, au pied de la montagne, en un lieu tout couvert de décom

« PreviousContinue »