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EN PERSE

DE MM.

EUGENE FLANDIN, PEINTRE, ET PASCAL COSTE, ARCHITECTE

ATTACHES A L'AMBASSADE DE FRANCE EN PERSE

PENDANT LES ANNÉES 1840 ET 1841

ENTREPRIS

PAR ORDRE DE M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

D'après les instructions dressées par l'Institut

PUBLIÉ

SOUS LES AUSPICES DE M. LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

TOME II

RELATION DU VOYAGE

PAR

M. EUGÈNE FLANDIN

PARIS

GIDE ET J. BAUDRY, LIBRAIRES ÉDITEURS

RUE DES PETITS-AUGUSTINS, 5

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Cheheristan.

Djoulfah. niers.

· Arméniens schismatiques et catholiques. — Ferráhbad. Cimetières.

Pigeon

Nous étions donc de retour à Ispahan où tous, plus ou moins éprouvés, nous avions besoin de prendre un repos salutaire. Il nous fallait y réparer nos forces afin d'entreprendre de nouvelles courses. La plus importante de nos excursions devait nous conduire dans le sud. Il était trèsimportant que nous partissions dans des conditions de santé qui ne pussent ni entraver, ni abréger nos recherches ou nos travaux. Pour cela il fallait donner aux malades le temps. de se rétablir, aux chaleurs celui de se modérer. Nous devions attendre que les vents frais d'automne eussent dégagé l'atmosphère de ces vapeurs fébrifères auxquelles on est exposé, surtout dans les plaines désertes que nous avions à traverser pour nous rendre dans le Fars. De tous les climats de la Perse celui de cette province est le plus redoutable par son insalubrité pendant l'été. Les Persans appellent cette contrée Guermsir, ou pays de la chaleur; et,

quand ils peuvent faire autrement, ils se gardent bien de s'y aventurer dans les temps chauds.

Nous étions d'ailleurs parfaitement installés à Djoulfah, et nous pouvions y attendre très-patiemment une saison plus propice. Grâce à l'affectueuse hospitalité de M. Boré, nous avions des appartements aussi confortables que le permettait le pays, et nous croyions pouvoir y braver la fièvre. Grâce aussi à d'amicales relations que nous y avions laissées, il nous était permis de passer le temps fort agréablement. L'amitié de notre hôte et celle de quelques-uns des membres de l'ambassade russe, qui se trouvait encore à Ispahan, satisfirent nos besoins de société.

Une volumineuse correspondance de France à lire et à laquelle il fallait répondre combla, dans les premiers jours, les lacunes que laissaient entre elles les causeries quotidiennes.

Nous avions encore en perspective un assez grand nombre de recherches à faire pour compléter les notions que nous avions recueillies sur Ispahan lors de notre premier séjour dans cette ville. Tout cela, comme on voit, devait bien remplir nos journées et nous permettait d'attendre trèspatiemment le moment du départ.

M. Coste n'allait pas mieux; au contraire, la fièvre empirait beaucoup; les ravages qu'elle avait faits en peu de temps dans la constitution du malade, me donnaient même des inquiétudes. Cependant il recevait d'excellents soins, et le médecin attaché à l'ambassade russe avait l'obligeance de lui en donner journellement. Mon collègue avait été, pendant plusieurs jours, dans un état qui ne laissait pas d'être alarmant, lorsque enfin le mieux se fit sentir. Les

accès, moins violents, permirent aux forces de renaître. Il touchait à son complet rétablissement quand, à mon tour, je fus pris avec une énergie telle qu'en trois jours j'étais arrivé à un degré de faiblesse si grande, qu'il fallait deux hommes pour me porter d'un bout de ma petite chambre à l'autre. A une fièvre intermittente semblable à celle de M. Coste se joignait une fièvre cérébrale des plus violentes. Influencé par l'épidémie qui sévissait, le médecin ne voulait voir dans mon état que ses conséquences. Le mal qui me consumait n'était compris que par moi; je ne pouvais me méprendre aux douleurs qui me torturaient la tête; je sentais bien qu'elles étaient causées par une affection du cerveau. Soumis à la médication usitée pour combattre une fièvre tierce, celle qui était toute cérébrale faisait des progrès qui mirent mes jours en danger. Mais les malades ont quelquefois des intuitions qui ne les trompent pas. Celle à laquelle j'obéis me sauva. J'étais dans un état assez fàcheux pour qu'on fit tous les essais sans grand risque. Le docteur consentit à faire celui que je réclamais. On ne refuse pas à un moribond. Je demandai un dallek ou barbier. Comme autrefois les barbiers d'Europe, ce sont eux qui saignent en Orient. Je me fis pratiquer une bonne saignée, et, quoique contraire aux prescriptions doctorales, elle me soulagea instantanément. De ce moment, j'allai mieux; je me rétablis même assez promptement.

Je ne laisserai pas passer la circonstance de la maladie dont mon compagnon de voyage et moi nous fumes atteints, sans mentionner ici notre gratitude pour M. le ministre de Russie. Pendant tout le temps que nous fùmes alités ou convalescents, M. le général Duhamel fut rempli d'attentions et nous combla

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