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propos des sculptures de la même époque. La main gauche tient par la poignée une épée qui pend à son côté, tandis que, de la droite, il tend un large anneau ou diadème orné de bandelettes, que saisit un personnage placé à sa gauche. A en juger par la coiffure de cette figure, qui consiste en de longues tresses pendantes devant et sur les épaules, par son costume qui paraît être une longue robe dont les plis amples cachent complétement les pieds, et dont les manches recouvrent les mains, à en juger surtout par les contours de certaines parties du corps, on doit croire qu'elle représente une femme. Ce tableau, qui paraît rappeler ou un serment ou le partage d'une couronne entre deux époux royaux, est complété par un enfant placé entre eux. Ce petit prince est coiffé et vêtu à peu près comme le roi. Il porte une épée sur la poignée de laquelle sa main gauche est posée.

Nous avons déjà fait observer que dans l'un des groupes des sculptures de Tâgh-i-Bostan, nous avions acquis de fortes présomptions pour croire que l'une des figures est celle d'une femme. Nous aurions donc ici le second exemple de la représentation d'un individu du sexe féminin sur les basreliefs de Perse. Cette particularité se présente d'ailleurs trèsrarement, et il est remarquable qu'on ne la rencontre que sur les bas-reliefs sassanides. En effet, dans aucune partie des nombreuses sculptures de Persépolis ou autres de l'époque antique de la Perse, on ne trouve une figure qui puisse être prise pour celle d'une femme. Cette observation, ou plutôt ce fait, est donc particulier à l'ère des Sassanides, et il tend à prouver que, lorsque ces princes régnaient sur la Perse, les mœurs avaient éprouvé une modification qui avait sans doute permis que les femmes fussent moins invisibles.

On peut, en effet, penser qu'elles ne vivaient pas dans une retraite aussi complète ni aussi sévère, puisque leur image pouvait se trouver exposée sur des bas-reliefs placés sous les yeux de tous. Peut-être faut-il voir là une des influences produites par la domination occidentale des Grecs sur les mœurs de l'Orient. A gauche de ce tableau, et à la droite du personnage royal, en est un quatrième, vêtu comme celui-ci, mais coiffé d'un grand bonnet recourbé en avant et terminé par une petite tête d'animal. Cette partie de sa coiffure a été mutilée; cependant, d'après les traces de contours qu'on retrouve, on peut croire que cette tête est celle d'un taureau ou d'un cheval.

Les mutilations qu'a subies ce bas-relief ont entamé les mains, quelques parties des visages, et surtout celui de la femme. Le soin avec lequel il semble même qu'on ait voulu faire disparaître celui-ci est une preuve de l'acharnement qu'ont mis à le détruire les Musulmans iconoclastes qui, tout en brisant indistinctement ces images par superstition. ou fanatisme, semblent avoir éprouvé une indignation plusgrande en face de cette figure de femme. Quoi qu'il en soit, cette sculpture est, par le soin avec lequel elle a été exécutée, par le fini de ses détails, une des plus remarquables parmi celles de l'époque sassanide. C'est toujours à peu près le même caractère, le même style; et l'on voit, en les comparant toutes ensemble, que l'art, comme les mœurs et les habitudes de ces temps, est resté stationnaire pendant la période de quatre siècles qu'a duré le règne de cette dynastie. Mais, comme, tout en suivant la même voie, il a dû se trouver nécessairement des sculpteurs plus ou moins habiles, c'est seulement à ces nuances de talent qu'il faut attribuer

la différence que l'on remarque dans l'exécution de ces diverses sculptures.

Le second bas-relief, qui se trouve surmonté d'espèces de créneaux, représente un combat entre deux cavaliers. Ils sont armés de toutes pièces. L'un, qui est à droite, reçoit un coup de lance qui paraît le renverser, tandis que son . cheval, blessé également ou ébranlé par le choc de celui de son adversaire, s'accule et tombe sur sa croupe. Sous les pieds du cavalier de gauche est prosterné un guerrier mort. Derrière lui, un écuyer ou un page, dont on ne retrouve guère que la silhouette, tient une espèce d'étendard dont la forme nous parut nouvelle. Le haut de la hampe est croisé par une barre de même grosseur, aux extrémités de laquelle pendent des touffes ondulées qui ressemblent à des flocons de laine ou de soie, mais qu'il est impossible de définir plus exactement; au-dessus de cette barre est un anneau surmonté d'une espèce de panache. Dans son ensemble, cette scène rappelle celles des tournois du moyen âge. Entre quels personnages ce duel a-t-il lieu? Rien ne l'indique. Aucune inscription ne peut le faire connaître. On peut seulement admettre que ce sont rois ou princes. Le cavalier de gauche porte une coiffure qui consiste en une espèce de casque surmonté de deux ailes d'oiseau, entre lesquelles est un globe; et, comme on sait que cette coiffure est sassanide, on est autorisé à penser que celui qui la porte ici est un prince de cette race. Quant à l'autre cavalier, il paraît avoir aussi la tête couverte d'un casque dont le cimier a la forme d'un oiseau; mais il n'a d'ailleurs aucune marque distinctive à laquelle on puisse le reconnaître.

CHAPITRE XXXV.

Querelle avec le Ket-Khodah.
couverte d'un bas-relief. — Châtiment infligé au Ket-Khodah.
des yeux bleus.

- Travaux et déblais à Nakch-i-Roustam. Dé-
Cadeau pour

J'étais occupé à étudier les diverses parties de ce tableau, quand je vis avec étonnement arriver à toute bride mon saïs. Il venait en hâte, me prévenir que le ket-khodah de HusseinAbad faisait grand train au jardin que nous occupions, et qu'il s'était même permis de battre deux de nos serviteurs. Je sautai de suite sur le cheval que l'on m'avait amené et me rendis au bâgh. J'y trouvai tout notre monde en rumeur. Voici ce qu'on me raconta le ket-khodâh s'était, dès le premier jour, imposé comme seul pourvoyeur de toutes les denrées dont nous avions besoin; vendant tout au-dessus de sa valeur, on s'était adressé à d'autres. Les paysans donnaient à meilleur compte, et, en conséquence, on avait cru devoir ne plus acheter exclusivement au ket-khodâh. Celui-ci l'ayant su avait défendu à aucun de ses raïas de nous vendre la moindre chose; néanmoins il voulait maintenir ses prix.

Nos serviteurs n'avaient pas voulu se soumettre à ce monopole. Ils avaient mis en avant leur qualité de frenguis, pensant que leur indépendance, comme celle de leurs maîtres, serait respectée; il n'en fut point ainsi, et le ket-khodah, passant de l'abus de son pouvoir aux invectives, puis des invectives aux voies de fait, s'était oublié au point de frapper deux de nos domestiques.

Tous ces griefs avaient, dans l'isolement où nous étions, une gravité réelle; car, en Orient, une faiblesse en entraîne une autre, et à la suite un péril. Je ne pouvais donc pas céder; mais comme les raias de Husseïn-Abad n'osaient enfreindre la dé. fense de nous vendre, je donnai l'ordre à nos gens de ne plus rien prendre dans ce village, dussions-nous pourvoir à nos besoins en envoyant un homme à cheval dans l'un des autres bourgs de la plaine-la distance n'était rien ; je ne doutais — pas d'ailleurs que les habitants, quelle qu'elle fût, ne vinssent avec empressement nous approvisionner.-Ce qui importait, c'était de nous faire respecter et de ne point subir la loi brutale du ket-khodah dont la conduite actuelle ne démentait en rien celle qu'il avait tenue à notre arrivée. Il ignorait à qui il avait affaire. J'étais bien résolu à maintenir notre liberté d'action, l'indépendance de notre bourse et le respect de nos personnes; d'un autre côté, toutes les fois que j'en trouvais l'occasion, j'aimais à prouver à nos gens que j'étais prêt à les soutenir, à les protéger, et à les venger au besoin. Eussent-ils eu tort, que, ostensiblement, je leur aurais donné raison et les aurais soutenus. On comprend en effet que ces gens, voyageant sans cesse avec nous, partageant toutes nos fatigues, nos dangers, sans avoir en espérance aucune des satisfactions qui pouvaient nous at

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