Page images
PDF
EPUB

les baigneurs éprouvaient à y rafraîchir leur corps, ils pussent en ressentir aucun bien pour leur santé. Néanmoins, et par curiosité de la sensation procurée par un bain aussi froid, j'en pris un auquel je trouvai une vertu tonique et réconfortante qui me sembla devoir combattre les effets énervants de la chaleur.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Le 17 juin nous sortîmes d'Hamadân, à 7 heures du matin, après mille ennuis de toutes sortes et des contestations sans fin avec un nouveau tchervadår. Les difficultés soulevées par cet homme tenaient à ce que, contrairement aux habitudes du pays, nous voulions le prendre au jour, au lieu de le retenir seulement pour transporter nos bagages à un point donné. Devant séjourner à Bi-Sutoun, à Kermanchâh, à Serpoul, pour étudier les ruines de ces localités, il nous convenait mieux, en effet, d'avoir des mules à nos ordres et de les garder indéfiniment. Mais cet arrangement insolite était un prétexte pour soulever des prétentions et des exigences qui donnaient lieu à des négociations interminables. Nous parvinmes cependant, après bien des peines, à nous entendre, et nous partimes.

Nous nous dirigeâmes vers l'Ouest, à travers une campagne qui, semblable à celle que nous avions déjà vue en venant

[ocr errors]

de l'Est, était en pleine culture; les vergers s'y touchaient sans intervalle; d'abondants ruisseaux y entretenaient une riche végétation. On y remarquait une grande quantité d'arbres fruitiers et de vignes au-dessus desquels les peupliers élevaient leurs longues pyramides. Les Persans emploient cet arbre pour leurs constructions; leurs maisons n'ayant qu'un rez-de-chaussée, et la partie supérieure étant terminée en terrasse, la charpente peut en être légère. Le bois blanc suffit donc. Le peuplier pousse très-droit et vient promptement; c'est ce qui fait que les Persans le plantent de préférence à d'autres arbres, au bord des ruisseaux, ou dans leurs jardins.

A une demi-heure de la ville, nous traversâmes une rivière coulant au nord. Nous rencontrâmes successivement quelques autres courants d'eau sortant des gorges de l'Alvend. La plupart sont torrentiels et produits par la fonte des neiges. A cette époque de l'année, leurs lits étaient remplis.

Notre route ne tarda pas à s'élever, et, après avoir dépassé le village de Mariana, elle s'engagea dans l'Alvend. Le chemin était abrupte et couvert de pierres. De chaque côté, dans les enfoncements de la montagne, on découvrait des hameaux qui y cherchaient sans doute la fraîcheur et l'eau, chose toujours si rare en Perse.

Nous n'avions marché que quatre heures quand nous arrivâmes au bourg de Zagáh. Quoiqu'il fût encore de bonne heure, nos muletiers prétendaient que, pour une première journée, nous avions fait assez de chemin. Il commençait à faire très-chaud; nous étions partis trop tard d'Hamadân, et il leur convenait de s'arrêter là.-Il est difficile de résister à des muletiers, ce sont de vrais tyrans; quand ils ont dit

que leurs bêtes ne peuvent plus marcher, ou que, plus loin, on ne trouve rien, il faut bien céder. Ils en abusent souvent, et, à moins de connaître le pays où l'on voyage, et d'avoir fait un long usage des muletiers d'Orient, on est à leur merci. Nous fùmes obligés de croire les nôtres. Nous devions, disaient-ils, nous engager de plus en plus dans la montagne et nous trouverions difficilement à nous loger. Le bourg de Zagâh, au contraire, offrait des ressources de tout genre: bon logement, toute espèce de choses à manger, de l'eau et de l'herbe pour les mules; c'était là surtout ce qui tentait le chef tchervadâr qui voyait la possibilité de nourrir ses animaux sans rien débourser.

Nous nous arrêtâmes donc à Zagâh. Nous eûmes beaucoup de peine à trouver le Ket-Khodah. Le village semblait désert, toutes les maisons étaient fermées, et nous dûmes attendre fort longtemps avant qu'un de nos goulâms eût pu mettre la main sur un homme. Nous avait-on aperçus de loin? L'aspect de nos deux cavaliers, reconnus pour être de ceux qu'on donne aux voyageurs de distinction, avait-il effrayé la population? La crainte de fournir des vivres sans être payés avait-elle déterminé les habitants à s'enfermer chez eux? - Toujours est-il qu'en entrant dans Zagàh, nous crûmes entrer dans un village abandonné; cependant Ressoul-Bek finit par découvrir le Ket-Khodah auquel il exhiba son firman qui fut assez mal accueilli de lui et de quelques hommes qui l'accompagnaient. Ils ne le reçurent pas avec cette déférence qu'on avait généralement témoignée sur notre route pour le sceau impérial. Nous étions dans un pays tant soit peu hássi, comme disent les Persans, c'est-à-dire rebelle, ndépendant. En effet, nous entrions dans cette partie du

Kurdistan qui, quoique nominalement soumise au Châh de Perse, ne souffre qu'avec une extrême répugnance, et souvent même ne veut point reconnaître l'autorité de ses gouverneurs ou de ses firmans. Parmi les tribus dont les territoires sont dans le voisinage d'Hamadan, il en est une surtout dont la puissance est telle que le Châh ou ses Beglier-Beys recherchent son amitié, à cause du nombre des hommes armés qu'elle peut mettre sur pied. Cette tribu porte le nom de Karagueus-Oglou, fils de Karagueus, ou plutôt enfants aux yeux noirs. Considérée comme une alliée plutôt que comme une vassale de la couronne de Perse, elle s'en prévaut naturellement pour s'affranchir presque complétement de l'autorité royale. Autour d'elle en sont groupées quelques autres qui, à la faveur d'une origine commune avec celle-là, s'arrogent aussi le privilége d'une indépendance que protégent d'ailleurs leurs montagnes inaccessibles.

- Cette disposition hostile à tout ce qui émane des agents du gouvernement, cette indépendance de caractère, particulière aux populations de cette province, nous créèrent plusieurs fois des difficultés, surtout à cause du rôle que jouaient dans notre voyage les goulâms qui nous escortaient.

Des pourparlers sans fin entre Ressoul-Bek et le KetKhodah n'aboutissaient à rien. Cependant nous avions mis pied à terre, et nous attendions un menzil. La discussion commençait à s'échauffer; mais, sans en attendre le résultat, nous entrâmes dans un grand jardin qui était près de là Il s'y trouvait de beaux arbres et de l'eau vive; il ne nous fallait pas d'autre logement. Nous pensâmes être dans ce bagh parfaitement pour passer la fin du jour et la nuit.

« PreviousContinue »