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» ou lieu destiné aux premiers chapclains et aux autres auxquels on l'assignera (1). »

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Il faut convenir du reste qu'il a dû exister sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, diverses coutumes dans les diverses églises, et quoique, selon nous, les stalles n'aient commencé que peu avant le xii.° siècle, elles ont bien pu en certains lieux devancer cette époque, comme en d'autres ne venir que plus tard.

Si quelque témoignage pouvait manquer à l'opinion que nous venons d'émettre sur l'origine des stalles et que les documents historiques nous semblent si bien appuyer, ce serait sans doute la preuve tirée de l'existence même de monuments de cette nature remontant à l'époque où fut modifiée et adoucie la manière de prier; mais on n'en retrouve aucun, du moins en France. Les stalles de la cathédrale de Poitiers signalées comme les plus anciennes ne remontent qu'à l'année 1239 (2). Il faut peu s'étonner du reste de la perte totale de nos anciennes boiseries. Quand un si grand nombre d'églises, bâties de pierres, profondément enracinées dans le sol, a cependant disparu par l'influence de mille causes violentes, comment un meuble délicat et fragile eût-il pu résister, ayant de plus contre lui le danger du feu, la dent des vers et ce germe natif de vétusté que le bois le plus dur porte dans ses flancs? En nous félicitant d'avoir trouvé dans les annales de l'histoire de quoi suppléer à cette la

(1) Statuimus quòd Stallus seu locus erit in choro ubi hinc indė tàm primi capellani quàm alii qui ibidem assignantur assideant. ap. Lobineau hist. Paris. t. I. p. 339.

(2) Voir la note A. n.o 1. à la fin du vol.

cune, il nous reste le regret de ne pouvoir étudier sur des types certains et, pour ainsi dire, pièces en main, le style et les formes qu'ont successivement revêtus ces monuments. Toutefois, les diverses périodes du moyenâge imprimèrent à toutes leurs œuvres un caractère telle-ment exclusif et original, que sans craindre de se tromper, l'on peut dire que les stalles furent sévères, lourdes, et chargées d'ornements bizarres avec les édifices romans et bysantins; nobles, graves, élégantes avec les églises gothiques ou ogivales, et coquettes, fleuries et même un peu précieuses avec le goût flamboyant des xv. et xvI. siècles. Elles demeurèrent, d'ailleurs, dans tous les temps, assujetties à un même mode de construction dont leur destination ne pouvait leur permettre de s'écarter. Ainsi, l'on y rencontra toujours : la miséricorde, l'appui, le museau, la parclose, l'accoudoir, et dans les grandes églises le haut-dossier, le dais et le double rang de hautes et basses formes.

Déjà nous avons dit que la Miséricorde ou Patience est le petit siége attaché au siége principal sur lequel on se tient en même temps assis et debout, quand celui-ci est levé. On le nommait encore subsellia, sedicula en latin et sellette en français.

L'Appui, que la basse latinité appelle podium, s'entend quelquefois de la pièce de bois sur laquelle on appuie les coudes lorsqu'on est sur la miséricorde et plus ordinairement de la partie antérieure de la stalle disposée en prie-dieu.

La Parclose " sponda» sépare une stalle d'une autre stalle. C'est de l'échancrure et de la courbe élégante de la parclose que les formes empruntent principalement la légèreté et la grâce qui les distinguent.

L'extrémité de la pièce de bois dans laquelle s'engage la partie supérieure de la parclose est le Museau de la stalle. Il est souvent orné de sculptures.

L'Accoudoir ou Accotoir, que nos ayeux appelaient croche, est placé sur le rampant de la parclose et sert d'appui aux coudes quand la stalle est baissée. L'artiste du moyen-âge ne manque pas d'y faire briller la richesse de son ciseau.

Le Haut-Dossier est le lambris contre lequel s'adossent les stalles et dont la riche structure s'élève quelquefois de plusieurs mètres au-dessus d'elles. Il ne forme pas une partie intégrante du siége, mais il en est souvent le plus brillant accessoire et lui donne un caractère de noblesse et de grandeur que sa nature ne semblait pas comporter. Dès le XIV. siècle, l'usage avait prévalu d'entourer d'une ceinture de murailles le chœur des basiliques. Tout-à-fait en désaccord avec le style des édifices dont elles troublent l'harmonie et embarrassent la perspective, ces lourdes constructions trouvaient cependant une sorte de justification dans la nécessité de se mettre à l'abri des rigueurs du froid, surtout pendant la célébration des offices nocturnes. Nos chanoines d'alors étaient d'autant plus excusables d'avoir recours à ce moyen, bien que désavoué par le bon goût, que la fourrure de leurs vêtements ne les garantissait pas assez contre la fraîcheur des églises, depuis que les heures canoniales déjà fort longues s'étaient accrues de grand nombre d'autres offices, tels que, le petit office de la Vierge, l'office des morts, les psaumes graduels, graduels, les sept psaumes pénitentiaux à certains jours et une multitude de fondations diverses. Il est encore possible qu'on ait appuyé l'innovation

sur l'usage antique de dérober aux fidèles la vue des mystères; qu'on ait allégué, par exemple, la coutume observée en Occident de couvrir de voiles et de tapisseries l'entrée du sanctuaire jusqu'à ce que les catéchumènes aient été congédiés, ou celle des Grecs qui surhaussaient la balustrade placée entre la nef et le chœur, de l'Iconostase, c'est-à-dire d'une cloison ornée de colonnes et d'images peintes qui ne laissaient pénétrer l'œil dans l'enceinte sacrée que par l'étroite ouverture d'une porte (1). Quoiqu'il en soit des raisons qui ont déterminé nos ayeux à fermer les chœurs des églises, l'art chrétien s'empara de ce défaut et le voila d'un chef-d'œuvre : Il éleva en avant du choeur de magnifiques jubés, il sculpta les murs faisant face aux nefs latérales, et au dedans, il enrichit nos stalles de glorieux dossiers.

Un Dais ou baldaquin, élégamment décoré d'ogives, d'aiguilles, de clochetons, de pendentifs et culs-delampe ou, comme disaient nos pères, de souspentes

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(1) Goar, not. in menolog. Græc. Cyp. Robert, sur les Eglis. de Russie, Univers Cath. 1839.- La liturgie des Cophtes dit que, le prêtre entrant dans l'action du sacrifice qui est le Canon, on tire le rideau pour cacher le Sanctuaire et le prêtre s'y tient comme dans le Saint des Saints hors de la vue du peuple. L'oraison qu'il récite alors en secret s'appelle Oratio Veli. A Amiens, la veille du 1. Dim. de Carême, on tendait un grand voile entre le Sanctuaire et le Chœur: Broda ponitur ad altare dit l'Ordinaire. Lanfranc dit également dans ses Statuts. ch. I. n.o 3.: Dominicâ prima quadragesima post completorium suspendatur cortina inter chorum et altare. A Amiens, on faisait tomber le voile à ces mots du récit de la Passion: Velum scissum est medium...... A Jumièges, on le déchirait réellement. (Ordo S. Ambian. Ecc. pag. 75 et 99.)

et lampettes, surmonte ordinairement le dossier et forme à la stalle une magnifique couronne.

Quand les stalles sont disposées à droite et à gauche sur deux rangs étagés, le rang supérieur prend le nom de Stalles-Hautes ou Hautes-Formes, l'inférieur, celui de Stalles-Basses ou Basses-Formes. On trouve cette dénomination dans des chartes fort anciennes ; un titre du Chapitre de Rouen parle d'un chanoine qui, après avoir prêté serment, fut installé dans une basse-forme, du côté gauche Juravit et fuit stallatus...... in parte sinistra, in bassá-formá (1). De distance en distance, la ligne des Basses-Formes est interrompue pour ouvrir des passages qui mènent dans les Hautes-Formes.

Telles sont les richesses plus ou moins complètes dont se vantent encore aujourd'hui les Stalles de la cathédrale de Poitiers, de Notre-Dame de Rodez, de Ste.-Marie d'Auch, de Notre-Dame de Brou, de l'ancienne abbaye de Pontigny, de Notre-Dame de Rouen, de St.-Martin-au-Bois près Beauvais, de Mortain, de St.-Bertrand de Comminges, de St.-Claude, d'Orbais, d'Ulm en Allemagne, etc., etc.

Aux plus belles d'entr'elles, les Chaires de NotreDame d'Amiens disputent le premier rang. Il est temps de nous en occuper.

II.

LE jour qui vit Notre-Dame d'Amiens, œuvre de foi autant que de science, lever plus haut que presque

(1) Ex Regestis cap. Roth. T. IV hist. Harc. p. 1439.

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