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par jour de travail. Le drainage est généralement pratiqué, l'emploi des engrais supplémentaires fréquent.

Cette antique et prospère économie rurale n'a pas empêché l'esprit d'innovation de pénétrer dans le Cheshire. La ferme de M. Littledale, située près de Mersey, en face de Liverpool, est déjà célèbre par son admirable stabulation. Les vaches de cette ferme ne sortent jamais, ce qui doit paraître une monstruosité aux herbagers voisins; elles sont nourries en été avec du trèfle, du ray-grass d'Italie et des vesces en vert, en hiver avec du grain, du foin haché, des navets et des betteraves. On assure que par ce moyen on nourrit parfaitement, sur 32 hectares, 83 vaches laitières et 15 chevaux de travail.

Le marquis de Westminster, très-grand propriétaire, dont le magnifique château fait l'ornenent du pays, encourage particulièrement le drainage sur ses terres; il fabrique lui-même un million de tuyaux par an et les donne gratuitement à ses fermiers.

à

L'engrais qui réussit le mieux dans ces herbages est la poudre d'os, bone dust. Les fermiers n'hésitent pas payer 7 p. 100 de la dépense faite par les propriétaires pour répandre ce puissant engrais sur le sol; on obtient, dit-on, par hectare et demi, de quoi nourrir une vache de plus. La chimie agricole explique parfaitement pourquoi ce merveilleux effet se produit. Les phosphates du sol s'épuisent par l'exportation constante du lait, et ont besoin d'être renouvelés. On emploie, d'une à deux tonnes d'os broyés par acre, l'effet en est immédiat et dure quinze à vingt ans. Ces os viennent

de Manchester, où ils ont été dépouillés de leur gélatine pour faire de la colle. Ainsi l'industrie et l'agriculture se prêtent un mutuel secours, et la troisième sœur, la science, les rapproche et les unit, divinités modernes qui marchent comme les sœurs antiques, en se donnant la main. Nous obtenons chez nous des résultats analogues avec le noir animal qui a servi aux raffineries de

sucre.

Les fromages de Chester pèsent de 50 à 100 livres, les plus gros passent pour les meilleurs. On en fait aussi de plus petits sous la forme de pommes de pin, mais qui sont moins recherchés. Il faut environ quatre litres de lait pour une livre de fromage. On leur donne avec le rocou la couleur rouge qui les distingue, et on les garde quelquefois jusqu'à trois ans en magasin avant de les livrer à la consommation. Le rafraîchissoir pour le lait, le saloir, les larges et puissantes presses en fer, le magasin rempli de ces formes énormes, les ustensiles de bois et de métal parfaitement tenus, tout a, dans ces laiteries, un air d'aisance. La ville de Chester, une des plus curieuses de l'Angleterre par la bizarrerie de sa construction, fait tous les ans un commerce considérable de fromages. Parmi les produits de l'industrie rurale, celui-là est à mes yeux un des plus intéressants; outre que le fromage fournit au peuple par tout pays un aliment sain, agréable, nourrissant, d'un transport et d'une conservation faciles, divisible à l'infini suivant les besoins et n'exigeant aucune préparation, je ne puis oublier que deux des plus nobles nations de l'Europe moderne, la Hollande et la Suisse, ont primitive

ment fondé, sur la fabrication de leurs fromages, leur glorieuse indépendance. Il y a plus de rapports qu'on ne croit entre l'histoire politique des peuples et leur économie rurale. Des Pays-Bas, cette industrie est passée en Angleterre, avec la culture des turneps, et le second de ces deux présents vaut presque l'autre.

Aujourd'hui le commerce du fromage paraît devoir prendre dans le monde une extension immense. Dans les pays producteurs, notamment en Hollande, la hausse des prix atteste les progrès de la demande. Partout où la condition des ouvriers s'améliore, le premier mets que chacun d'eux ajoute à son morceau de pain, est un morceau de fromage. Les colonies européennes dans le nouveau monde ouvrent en outre des débouchés indéfinis, c'est surtout pour ces colonies nouvelles que les fromages de Hollande sont enlevés. La France en fabrique aussi d'excellents, mais pas encore en quantités suffisantes, surtout pour l'exportation. Rien n'est pourtant plus facile à imiter que les qualités les plus estimées de Hollande, de Suisse et d'Angleterre ; il suffit d'un peu de soin et de quelques capitaux. La France possède d'ailleurs des types qui lui sont propres et qui rivalisent avantageusement avec les meilleurs de l'étranger; tel est entre autres le fromage de lait de brebis des montagnes de Roquefort, qui n'a point d'analogue en Europe, et qui peut devenir une de nos plus précieuses richesses, comme il est déjà une des plus originales.

CHAPITRE XVII.

LES COMTÉS DU CENTRE.

En poursuivant notre voyage agronomique en Angleterre, nous sommes arrivés à la région du centre. Les premiers comtés à l'ouest de Londres sont ceux de Buckingam, de Berks et d'Oxford, qui n'offrent aucun trait bien saillant, et dont l'agriculture n'est ni au-dessus ni au-dessous de la moyenne.

Le Buckingham contient 190,000 hectares, et sa population n'est que de 150,000 âmes, ce qui révèle au premier abord en Angleterre un pays exclusivement agricole. Le partage des terres entre les diverses cultures, entre les grandes, les petites et les moyennes fermes, est à peu près égal; il en est de même des plaines et des collines, des terres fortes et des terres légères. La vallée d'Aylesbury passe pour une des plus fertiles du royaume. Les fermes y sont plus grandes que dans le reste du comté ; la rente y est aussi deux fois plus élevée. Un tiers à peu près de ses pâturages est consacré à l'engraissement des moutons, un tiers à l'engraissement du gros bétail, un tiers à la nourriture des vaches laitières. Un des produits les plus estimés d'Aylesbury est

une espèce magnifique de canards blancs, qu'on élève surtout dans les cottages des petits cultivateurs, et qui font, avec le souvenir de John Hampden, l'orgueil du comté de Buckingham.

Le Berkshire touche au comté de Surrey, en remontant la Tamise. A l'est, c'est le même terrain sablonneux et pauvre que dans les comtés de Surrey et de Hants: là se trouvent la forêt de Windsor et des étendues de landes incultes; ailleurs, ce sont des collines calcaires ou downs, de la même nature que ceux de Sussex et de Dorset, et une vallée renommée par sa fertilité, qu'on appelle la Vallée du Cheval blanc, parce qu'on a découpé la forme d'un cheval dans une des collines crayeuses qui la bordent. La principale industrie de la vallée est la fabrication du fromage qui passe dans le commerce pour fromage de Glocester. Les collines calcaires nourrissent des troupeaux de moutons qui appartiennent à l'espèce des south-downs, originaires de dunes analogues. Du côté de Faringdon, on engraisse beaucoup de cochons, la race du comté de Berks étant une des meilleures de l'Angleterre. On y trouve peu de grandes fermes et beaucoup de petites, il reste même quel– ques yeomen ou petits propriétaires cultivant euxmêmes.

La ferme la plus célèbre du Berkshire est celle de M. Pusey, membre du parlement, président actuel de la société royale d'agriculture d'Angleterre. Elle contient environ 150 hectares; toutes les parties de la culture y sont également soignées; mais on admire surtout l'élève et l'engraissement des moutons. Le troupeau se compose

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