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entreprises et menées à bien les améliorations qui ont changé la face du pays. Les petits fermiers profitent ensuite des exemples qui leur sont donnés.

Nulle part en Angleterre l'art des irrigations n'a été poussé aussi loin que dans le Devonshire. Les eaux qui traversent des terrains granitiques sont particulièrement fécondantes, et la disposition accidentée du sol se prête admirablement à ces travaux. On peut dire qu'il n'y a pas aujourd'hui dans tout le comté de source, si petite qu'elle soit, qui ne soit recueillie et utilisée. La race nouvelle de gros bétail passe avec raison pour une des plus gracieuses et des plus productives de la Grande-Bretagne. Elle n'est pas de grande taille; mais pour la perfection des formes et l'excellence de la viande, elle ne connaît pas de supérieure. Le lait des vaches est peu abondant, mais renommé pour la qualité du beurre qu'il produit; c'est en effet du beurre et de la crème que fournissent les nombreuses laiteries du Devon. On cultive très-peu de céréales, le sol se prêtant plus aux cultures vertes. Le pays est couvert de pommiers, et on y fait beaucoup de cidre; il ressemble, avec ses prairies et ses vergers, à la haute Normandie.

La rente des terres dans les environs d'Exeter monte à 100 francs l'hectare; dans le reste du comté, elle est de 60 en moyenne.

Le Cornwall, le plus méridional des comtés anglais, occupe l'extrémité sud de cette presqu'île longue et étroite qui s'étend entre le canal de Bristol et la Manche, et que recouvre un amas de montagnes stériles. Cependant, comme il doit aussi à sa position presque insulaire

un climat égal et doux, notamment sur la côte occidentale, l'agriculture y est plus avancée et plus productive qu'on ne pourrait s'y attendre. On y compte environ une tête humaine par hectare, ce qui est énorme pour un sol aussi ingrat. Les mines d'étain et de cuivre du Cornwall occupent un nombre considérable d'ouvriers; une autre industrie, celle de la pêche, emploie à son tour beaucoup de bras; l'agriculture n'a que le troisième rang parmi les travaux et les richesses du comté. On sent à chaque pas, dans la culture de ce district naturellement sauvage et reculé, les heureux effets du voisinage de l'industrie. La rente moyenne de ces mauvaises terres va de 50 à 60 francs.

CHAPITRE XV.

LES COMTÉS DE L'EST.

Passons maintenant la Tamise, et entrons dans la région de l'est. Nous rencontrons d'abord le comté de Middlesex, qui n'a, à proprement parler, aucune valeur agricole, car, outre qu'il est un des plus petits, 70,000 hectares environ, son territoire presque tout entier disparaît sous l'immense métropole de l'empire britannique.

Hors de la ville proprement dite, tout ce qui n'est pas en villas ou en jardins forme des prairies naturelles ou artificielles, dont le foin se vend à Londres ou sert à alimenter les laiteries de la capitale. Le voisinage d'une aussi grande population fournit des quantités énormes de fumier qui renouvellent la fertilité du sol, épuisée par une incessante production. On s'accorde cependant à reconnaître que la culture n'est pas aux environs de Londres tout ce qu'elle pourrait être. Quelque haute que soit la rente des terres cultivées, 125 francs en moyenne, elle ne dépasse, elle n'atteint même pas le taux où elle arrive sur d'autres points de l'Angleterre. L'état de l'agriculture

dans les comtés environnants se fait sentir jusqu'aux portes du plus grand centre de consommation qui existe. L'étendue moyenne des fermes dans cette banlieue de Londres est de 100 acres ou 40 hectares; on en trouve quelques-unes de 100 à 200 et un grand nombre audessous de 40. Parmi celles qui sont exploitées avec le plus d'intelligence figure celle de Willesden, à trois ou quatre milles seulement de Regent's-Park. Elle se compose de 40 hectares, uniquement en herbages, dont 24 en prairie naturelle et 16 en ray-grass d'Italie; elle est louée près de 200 francs l'hectare, et le fermier paie en sus la dîme et les taxes, qui sont d'environ 50 francs par hectare.

Immédiatement au nord de Londres se trouve le petit comté de Hertford, tout rempli, comme celui de Surrey au sud, de maisons de campagne et de jardins. Il contient un des établissements les plus, curieux et les plus remarquables de l'Angleterre, le laboratoire de chimie agricole de M. Lawes, à Rothamstead-Park, près SaintAlbans, aujourd'hui unique au monde depuis que le laboratoire du même genre établi à grands frais à l'Institut agronomique de Versailles a été détruit. Un simple particulier a créé et soutenu à ses frais une entreprise dispendieuse qui fait ailleurs reculer des gouvernements, et qui sera pour le pays entier d'une immense utilité. Toute l'Angleterre a les yeux fixés sur ses expériences, et en a déjà tiré de précieux renseignements sur les variétés d'engrais qui conviennent le mieux aux diverses espèces de cultures et de terrains. Son laboratoire a les proportions d'une véritable usine; une machine à va

peur de la force de 10 chevaux, une étuve en fonte de 2 mètres et demi de long, des fourneaux énormes, tout concourt à étendre la portée de ses essais. On y réduit en cendres des bœufs entiers, pour en soumettre les débris à des analyses exactes. M. Payen, bon juge en pareilles matières, a vu ces ateliers et en a exprimé son admiration dans un rapport qui a été publié. Un champ de culture, de 5 à 6 hectares, divisé en 28 compartiments, sert à expérimenter les divers engrais.

Quiconque a un peu suivi le mouvement agricole moderne sait parfaitement que le moment approche où les progrès de la culture ne pourront plus être demandés qu'aux sciences proprement dites. Tout ce que peut faire l'expérience est bien près d'être fait. Le monde marche cependant, la population s'accroît, le bien-être se généralise; ce qui suffisait hier ne suffit plus aujourd'hui; ce qui suffit aujourd'hui ne suffira plus demain. Il faut tirer sans cesse de la terre, cette mère commune, de nouveaux trésors. Nous n'aurions devant nous que famine, dépopulation et mort, si Dieu, qui nous donne tous les jours tant de nouveaux besoins à satisfaire, ne nous avait donné en même temps un moyen puissant d'y parer. Ce moyen inépuisable, c'est la science; la science qui couvre le monde de ses merveilles, qui permet de converser en un instant par le télégraphe électrique d'un bout de la terre à l'autre, qui transporte par la vapeur d'eau, et bientôt peut-être par l'air chauffé, des masses énormes d'hommes et de marchandises sur la terre et sur l'Océan, qui commande dans les ateliers de l'industrie à la matière inerte tant de transformations inouïes, et

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