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de notre territoire; il n'y a pas de terrains, parmi les plus mauvais du sol français, qui ne rencontrât plus mauvais encore de l'autre côté du détroit; il n'y a pas de si riche sol en Angleterre qui ne trouvât chez nous son équivalent et souvent même son supérieur.

Le pays de Galles n'est qu'un massif de montagnes couvertes de terrains stériles appelés moors. En y ajoutant les îles qui l'avoisinent et la partie du sol anglais qui le touche de plus près, il comprend 2 millions d'hectares, dont la moitié seulement susceptible de culture. On trouve en France l'analogue du pays de Galles dans la presqu'île de Bretagne, dont les habitants sont unis aux Gallois par une origine commune; mais, outre que la Bretagne occupe relativement moins de place sur la carte de France, l'Armorique anglaise est plus âpre et plus sauvage que notre Armorique; l'analogie n'est vraiment complète que pour quelques cantons.

Les deux parties de l'Ecosse ont une étendue à peu près égale, elles sont toutes deux bien connues par des noms que la poésie et le roman ont popularisés; les basses terres ou lowlands occupent le sud et l'est, les hautes terres ou highlands l'ouest et le nord; chacune de ces deux moitiés, avec les îles adjacentes, comprend environ 4 millions d'hectares.

La Haute-Ecosse est sans comparaison un des pays les plus infertiles et les plus inhabitables de l'Europe. L'imagination ne le voit qu'au travers des rêves charmants du grand romancier écossais; mais si la plupart de ses sites méritent leur réputation par leur grandeur agreste, ces belles horreurs se soumettent peu à la culture. C'est

un immense rocher de granit, tout découpé de cimes aiguës et de profonds précipices, et qui, pour ajouter encore à sa rudesse, s'étend jusqu'aux latitudes les plus septentrionales. Les highlands font face à la Norvége, qu'ils rappellent à beaucoup d'égards. La mer du Nord, qui les entoure et les pénètre de toutes parts, les bat de ses tempêtes éternelles; leurs flancs, sans cesse déchirés par les vents et tout ruisselants de ces eaux intarissables qui vont former à leurs pieds des lacs immenses, ne se couvrent que rarement d'une mince couche de terre végétale. L'hiver y dure presque toute l'année, et les îles qui les accompagnent, les Hébrides, les Orcades, les Shetland, participent déjà de la sombre nature islandaise. Plus des trois quarts de la HauteEcosse sont incultes; le peu de terre qu'il est possible de travailler a besoin de toute l'industrie des habitants pour produire quelque chose; l'avoine elle-même n'y mûrit pas toujours.

Où trouver en France l'analogue d'un pareil pays? Ce qui s'en rapproche le plus, est le noyau des montagnes centrales avec leurs ramifications qui couvrent une dizaine de départements et vont se rattacher aux Alpes par delà le Rhône, c'est-à-dire les anciennes provinces du Limousin, de l'Auvergne, du Vivarais, du Forez et du Dauphiné; mais les départements des Hautes et des Basses-Alpes, les plus pauvres et les plus improductifs de tous, ceux de la Lozère et de la Haute-Loire, qui viennent après, sont encore bien au-dessus, comme ressources naturelles, des célèbres comtés d'Argyle et d'Inverness et du comté plus inaccessible encore de Suther

land. Cette supériorité, de plus en plus marquée dans ceux du Cantal, du Puy-de-Dôme, de la Corrèze, de la Creuse, de la Haute-Vienne, devient tout à fait incommensurable quand on oppose aux meilleures vallées des highlands, la Limagne d'Auvergne et la vallée du Grésivaudan, ces deux paradis du cultivateur jetés au milieu de notre région montagneuse.

La Basse-Ecosse elle-même est loin d'être partout susceptible de culture: de nombreuses chaînes la traversent et unissent les montagnes du Northumberland à celles des Grampians. Sur les 4 millions d'hectares dont elle se compose, 2 sont à peu près improductifs, les deux autres présentent presque partout, notamment autour d'Edimbourg et de Perth, les prodiges de la culture la plus perfectionnée; mais le sol n'est véritablement riche et profond que sur 1 million d'hectares environ, le reste est pauvre et maigre. Quant au climat, il suffit de rappeler qu'Edimbourg est à la même latitude que Copenhague et que Moscou. La neige et la pluie y tombent presque sans interruption, et les fruits de la terre n'ont pour se développer qu'un été court et chan

ceux.

Ce qui offre en France le plus de rapports avec la Basse-Ecosse, ce sont les dix départements qui forment la frontière de l'est, et qui s'étendent des Ardennes au Dauphiné par les Vosges et le Jura; mais là encore, la supériorité du sol et du climat est sensible. La nature a fait les pâturages de la Lorraine et de la Franche-Comté au moins égaux à ceux d'Ayr et de Galloway; l'Alsace aut bien les Lothians. La pointe septentrionale de cetle

région est à six degrés de latitude au-dessous de Berwick, et sa pointe méridionale à la hauteur de Venise; le souffle ardent de l'air d'Italie arrive jusqu'à Lyon.

Des deux fractions de l'Irlande, celle du nord-ouest, qui embrasse un quart de l'île et qui comprend la province de Connaught avec les comtés adjacents de Donegal, de Clare et de Kerry, ressemble beaucoup au pays de Galles, et même, dans ses parties les plus mauvaises, à la Haute-Ecosse. Il y a là encore 2 millions d'hectares disgraciés, dont l'aspect effrayant a donné naissance à ce proverbe national: Aller en enfer ou en Connaught. L'autre, celle du sud-est, beaucoup plus considérable, puisqu'elle embrasse les trois quarts de l'île et comprend les trois provinces de Leinster, d'Ulster et de Munster, c'est-à-dire environ 6 millions d'hectares, égale au moins l'Angleterre proprement dite en fertilité naturelle. Tout n'y est cependant pas également bon; l’humidité y est plus grande encore qu'en Angleterre. De grands marais tourbeux, appelés bogs, couvrent un dixième environ de cette surface; plus d'un autre dixième est à déduire pour les montagnes et les lacs. En somme, 5 millions d'hectares sur 8 sont seuls cultivés.

Déduction faite du nord-ouest que nous avons comparé à l'Angleterre, du centre et de l'est que nous avons comparés à l'Ecosse, la France ne nous offre plus que le midi à comparer à l'Irlande. Ce rapprochement se justifie à quelques égards, car la France du midi est à l'égard du nord un pays distinct et inférieur en richesse acquise, comme l'Irlande à l'égard de l'Angleterre ; mais là s'arrête l'analogie, car rien ne se ressemble moins

sous tous les rapports. Le parallèle tourne comme les précédents, et plus qu'eux encore peut-être, en faveur de la France. Notre région méridionale s'étend de l'embouchure de la Garonne à celle du Var ; elle embrasse une vingtaine de départements environ et 13 millions d'hectares, ce qui maintient la proportion: elle a aussi, dans les Pyrénées et les Cévennes, sa partie montagneuse; mais il y a déjà loin, comme fécondité, des moutagnes de l'Hérault et du Gard, qui produisent la soie, et même des cantons pyrénéens, où la culture peut s'élever jusqu'au pied des neiges éternelles, aux glaciales aspérités du Connaught et du Donegal; à mesure qu'on descend dans les plaines, la supériorité devient de plus en plus frappante, malgré les avantages naturels qui ont fait donner à l'Irlande ce surnom poétique: la plus belle fleur de la terre et la plus belle perle de la mer. : La plaine qui s'étend de Dublin à la baie de Galway, dans toute la largeur de l'Irlande, et qui fait l'orgueil de cette île, est dépasséc en richesse comme en étendue par la magnifique vallée de la Garonne, un des plus beaux pays de culture de la terre. La vallée d'or, golden vale, dont se vante Limerick, les pâturages des bords du Shannon, les terres profondes si favorables à la production du lin des environs de Belfast, ont sans doute une grande valeur; mais les vignobles du Médoc, les sols du Comtat qui porte la garance, ceux du Languedoc, où le froment et le maïs peuvent se succéder, ceux de la Provence, où mûrissent l'olive et l'orange, valent plus encore. L'Irlande a sur l'Angleterre cet avantage, qu'elle a moins d'argiles, de sables et de craies, et que le sol y

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