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DE LA

LANGUE FRANCAISE

COMPRENANT

L'ORIGINE, LES FORMES DIVERSES, LES ACCEPTIONS SUCCESSIVES DES MOTS,

AVEC UN CHOIX D'EXEMPLES TIRĖS DES ÉCRIVAINS LES PLUS AUTORISES,

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DICTIONNAIRE HISTORIQUE

DK

LA LANGUE FRANÇAISE.

A

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ADAGE, s. m. (des mots latins Adagio, ada- S'il y a aujourd'hui quelque différence réellement gium, formés de ad et agere, et voulant dire aplum appréciable entre ADAGE et Proverbe, c'est peut-être ad agendum

que Proverbe s'applique davantage à des pensées qui Cette étymologie détermine le sens propre et spé- sont regardées comme l'expression de la raison unicial d'adage : ADAGE est une maxime de bon sens verselle, tandis qu'on entend plutôt par adage une

ADAGE pratique.

Maxime de bon sens pratique à laquelle l'usage gé

à Lacombe et Roquefort donnent, dans leurs lexi-néral n'a pas encore donné une autorité proverbiale, ques du vieux langage, Adagaire, diseur d'adages, qui peut, avec le temps, devenir proverbe, mais ne ce qui parait établir qu'adage lui-même remonte à le devient pas toujours. une époque ancienne. D'autre part, Robert Estienne, AdAge, assez employé au xvio siècle, était déjà tantôt omet Adage dans son Dictionnaire latin-fran- noté dans les Lexiques du xviio comme ayant vieilli çois de 1539, lorsqu'il y traduit adagium, tantôt le et n'étant plus guère d'usage que dans cette phrase: recueille dans son Dictionnaire françois-latin, mais on dit en commun adage. Il paraît avoir repris faseulement en 1549.

veur au xvII° siècle, comme on peut le conclure des ADAGE est expliqué par Proverbe dans ce dernier derniers exemples qui vont être cités; on remarDictionnaire, et il en est de même dans la plupart de quera seulement qu'il y est assez ordinairement pris ceux qui ont suivi, notamment dans le Dictionnaire en mauvaise part. de l'Académie, de 1694 à 1835. Vers le temps de Robert Estienne , Érasme, dans ses Adagiorum chi- Qui m'eust faict veoir Erasme, autresfois, il eust esté mal liades, employait les deux mots, sous leur forme la ayse que je n'eusse prins pour adages et apophtegmes, tine, indifféremment. Cependant Ausone les avait tout ce qu'il eust dict à son valet et à son hostesse. distingués dans cette phrase : « pour finir par

MONTAIGNE, Essais, III, 2. un proverbe ce que nous avons commencé par un

Comme dit l'adage, c'est percer un grain de millet d'une ADAGE, » Ut quod per adagionem cæpimus proverbio tairiere. finiamus (Idyll. XII.)

G. BOUCHET, Serées, liv. JII, 29° serée.

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De là est venu ce bel adage de morale, si rebattu par la troupe philosophique, que tous les hommes sont partout les mêmes, ayant partout les mêmes passions, les mémes vices.

J.-J. Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi

les hommes.

Ils voudroient être tristes et ne sont qu'ennuyeux.... les
Italiens sont plus adroits dans leurs adagio.

J.-J. Rousseau, Lettre sur la musique françoise.

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Écoutez les adages de la médecine. Les plantes sont utiles à la vie; elle en conclut qu'en se nourrissant de végétaux on doit vivre des siècles.

BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Études de la nature, IX.

Et tous les adages de cette espèce : passons-les donc à Figaro, bavard comme un barbier bel esprit.

La Harre, Cours de littéral., part. III, liv. I, Poésie,c. 11, sect. 9.

ADAPTER, v. a. (du latin Adaplare, et par ce mot de ad et aptare, venu lui-même d'aplus, aple. Voyez ce mot.)

Il ne paraît pas dans nos lexiques avant le XVII° siècle, et D. Carpentier, dans ses suppléments au Glossaire de Du Cange, ne s'en sert pas pour traduire adaplare, mais bien d'Appliquer, ajuster; il semble conséquemment, bien qu'employé déjà au. xvie siècle et même au xve, avoir été longtemps de peu d'usage.

ADAPTER, c'est, proprement et figurément, Appliquer, ajuster une chose à une autre.

On le dit au sens physique :

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Au peu d'esprit que le bonhomme avait L'esprit d'autrui par supplément servait; ll entassait adage sur adage.

VOLTAIRE, Contes en vers, le Pauvre Diable.

On trouve dans Cotgrave et dans Sainte-Palaye, l'adjectif adaGIAL, que le premier traduit par

Plein d'adages, et le second par Proverbial.

Et y seront adaptées promptement des compresses.
Ambr. Paré, Introd. à la vraje cognoissance de la chir., XIII, 10.

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Le corps du Czarowitz fut exposé en public et la téte

tellement adaptée au corps, que l'on ne pouvait pas disADAGIO, locution adverbiale. Terme de musique, emprunté de l'italien, as

cerner qu'elle en avait été séparée.

VOLTAIRE, Histoire de Pierre-le-Grand, part. II, c. 10. sez récemment peut-être, car le Dictionnaire de l'Académie ne l'a recueilli qu'en 1762. Il veut dire

On le dit au sens moral : À l'aise, sans se presser, lentement. On le met

Particulièrement lorsqu'il est question de quelque en tète d'un air pour marquer que cet air doit être

application littéraire : joué d'un mouvement lent, mais moins lent que le mouvement indiqué par largo.

On adapte spécialement le mot de seigneur aux terres

nobles que nous appellons féodales et seigneuriales. Cette lenteur, commandée par le mot adagio, ne satis

Est. PASQUIER, Recherches de la France, VIII, 5. fait qu'au sens grammatical, matériel, mécanique de ce mot. Pour en comprendre toute la portée..., il faut don- Si les langues mortes sont des sources où ils peuvent ner à l'exécution du morceau de musique dont le mouve- puiser, il faut qu'ils soient déjà grands poëtes pour aclap. ment est ainsi désigné, un certaiu coloris et une expres- ter à leur langue des beautés étrangères. sion pathétique, noble, simple et tendre à la fois...

CONDILLAC, Art d'écrire. Dictionnaire de l'Académie des beaux-arts, art. Adagio.

Le père le Bossu emploie une partie d'un fort long

traité sur le poëme épique à prouver qu'il est essentielleADAGIO est devenu un substantif qui se dit de

ment allégorique, qu'il faut d'abord que le poëte établisse l’air même, et c'est sous cette forme qu'on peut le

une vérité morale et imagine une action qui en soit la considérer comme appartenant à notre langue.

preuve et le développement, et qu'ensuite il y adapte un

fait historique et des personnages connus. Rien n'est si traînant, si läche, si languissant que ces

La Harpe, Cours de littérat., part. I, liv. I, c. 4, sect. 1, de beaux monologues que tout le monde admire en bâillant. l'épopée grecque.

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