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HISTORIQUES, LITTÉRAIRES, ANECDOTIQUES

ET CRITIQUES,

DE BACHAUMONT.

( 1782. ) )

(9 Janvier.) ON attribue à M. Laus-de-Boissy les couplets suivans, d'un caractère original et piquant. Ils font fortune dans la société, ne pouvant guère s'imprimer dans nos journaux trop pudiques.

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Épuisa sur eux tous ses traits.
On ressent un tendre délire
Lorsqu'on y rêve seulement ;
En les regardant on soupire;
On ferait mieux en y
touchant.

Objets, que mon cœur idolâtre,
Paraissez sans déguisement;

De la rose unie à l'albâtre,
Montrez le contraste piquant.....
Hélas! cette gaze cruelle

Se plaît encor à vous cacher:
Que ma main au moins ne peut-elle
Suivre l'œil qui va vous chercher !

(15 Janvier.) Le duc de Chartres, qui aime sans doute à ne rien faire comme un autre, vient d'instituer gouverneur des princes ses enfans, madame la comtesse de Genlis. Cette innovation, sans exemple, a révolté M. le chevalier de Bonnard, qui était sous-gouverneur, et il a donné sa démission.

On raconte que M. le duc de Chartres étant allé, suivant l'usage, prendre les ordres du roi à cet égard, sa majesté, à cette nouvelle, avait fait un moment de réflexion, puis lui avait dit : J'ai un Dauphin; Madame pourrait être grosse; M. le comte d'Artois a plusieurs princes..... vous pouvez faire ce que vous voudrez, et lui avait tourné le dos.

En conséquence, les jeunes princesses ayant eu la rougeole, madame la duchesse de Chartres s'est enfermée avec elles, et madame de Genlis est restée avec les princes.

On fait la plaisanterie de nommer, dans le public, M. de la Harpe pour sous-gouvernante, parce qu'il est soupçonné correcteur et auteur des comédies de cette dame.

(17 Janvier.) Toutes nos jeunes femmes, qui varient continuellement de modes dans leurs ajustemens, n'en pouvant inventer de nouvelles, sont obligées de revenir aux anciennes : elles portent aujourd'hui de grands tabliers et d'amples fichus sur leur gorge. Madame la maréchale de Luxembourg ne peut les souffrir ainsi; elle dit qu'elles ont l'air de cuisinières et de tourières. En conséquence, pour persiffler la jeune duchesse de Lauzun, sa petite - fiile, elle lui a envoyé pour étrennes, cette année, un tablier de toile à emballage, entouré d'une superbe dentelle, et une demi-douzaine de mouchoirs de col d'un linon très-épais, également garnis de dentelles. M. le chevalier de Boufflers s'est égayé sur cet envoi, et a fait une chanson charmante, comme le sont toutes les productions de cet aimable et spirituel seigneur. Elle est divisée en deux partis, sur l'air de Joconde. Dans la première, il parle à la cuisinière :

J'applaudis à l'emploi nouveau

Qu'on donne à ma cousine,
Jamais aussi friand morceau

N'entra dans ma cuisine:
Elle aurait tort de répugner
A l'état qu'elle embrasse ;
C'est où le bon goût doit régner,
Qu'elle est mieux à sa place.

On sait que des goûts délicats

Le sien est le modèle ;
Ceux même qui ne le sont pas,
Le deviennent près d'elle..
Mais, ma tante, on vous avertit
Que votre cuisinière
Ne fait qu'éveiller l'appétit,

Et point le satisfaire.

Il apostrophe ensuite la tourière :

Vous en qui mon œil prévenu

Vit une cuisinière,
Passez-moi d'avoir méconnu
La plus digne tourière.

Pieux costume, doux maintien,
Prévenance discrète,

Oh! ma tourrière, l'on voit bien
Qu'au tour vous êtes faite.

Entre le cloître et les mondains
Ma divine tourière

Semble habiter sur les confins
Du ciel et de la terre.
Tous deux à son aspect émus,
Doivent rendre les armes ;

Les immortels à ses vertus,

Les mortels à ses charmes.

(19 Janvier.) On n'a pas manqué de faire un vaudeville sur les fêtes que la ville doit donner, où, suivant l'usage, on tourne en ridicule messieurs de la ville et leur plan.

Air: Mon père était pot.

Vous qui voulez fêter vos rois

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