Adam au paradis me plantait de sa main ; Le Nil me vit au rang de ses dieux domestiques ;. LE NAVET AU CHOU. J'ai senti, comme toi, notre commune injure; Le ciel fit les navets d'un naturel plus doux. Je vois que c'est pour plaire à ce Paris frivole, Mais le tems a détruit Memphis et nos grandeurs : Il faut à son état accommoder ses mœurs. Je permets qu'aux boudoirs, sur les genoux des belles, Et n'y parle jamais de navets et de choux. La mer à l'opéra, les forêts à Long-Champs, pour Sur son char fugitif où brillent nos Laïs, LE CHOU. Qu'importent des succès par la brigue surpris; Combien de grands auteurs dans leurs soupers brillèrent, L'idole du matin le soir n'a plus d'autels. LE NAVET. Și la fortune, un jour, pour venger notre affront, Qu'il vienne de l'Auvergne être le bel esprit, Qu'il vienne, reprenant les mœurs de son enfance, Je veux lui rendre alors mes bienfaits, mes secours, Et de ce grand débris consoler les vieux jours. (31 Octobre 1782.) Un jeune Bordelais, nommé Garat, fils d'un avocat du même nom et neveu de Garat homme de lettres qui s'est établi à Paris, y est venu trouver son oncle. Il est doué de l'organe le plus beau et le plus merveilleux, et s'est flatté en conséquence avec raison de se produire ici avec succès. Sans savoir une note de musique, il contrefait, à s'y tromper, toutes les voix des acteurs et des actrices, tous les instrumens d'un orchestre, et à lui seul il exécute successivement un opéra entier. Les premiers compositeurs de cette capitale, MM. Piccini, Sacchini, Grétry, Philidor, ne pouvaient croire à ce prodige, et s'en sont convaincus par leurs propres oreilles. Ce talent unique l'a bientôt faufilé parmi les actrices célèbres, les filles du grand ton de cette capitale, et c'est à qui l'aura. Il n'a que 18 ans ; il n'est point mal de figure, et, en outre, passe pour être doué d'une vigueur à toute épreuve auprès du sexe. C'est aujourd'hui Mad. Dugazon qui s'en est emparée. Ceux qui s'interressent à lui sont fâchés qu'il s'énerve de la sorte. Quoi qu'il en soit, avant qu'il ait perdu sa voix et son talent, ce qui ne manquera pas de lui arriver bientôt, on voudrait le faire paraître à la cour, et il est grandement question d'engager la reine à l'entendre. (10 Novembre 1782.) On disait ces jours-ci chez la maréchale de Luxembourg, que la banqueroute du prince de Guémené était une banqueroute de souverain : oui, s'écria-t-elle; mais il faut espérer que ce sera le dernier acte de souveraineté que fera la maison de Rohan. (1er. Décembre 1782.) M. Collé, ce chansonnier si piquant, cet excellent convive, cet homme de société charmant, si couru des femmes, si fêté des hommes est un nouvel exemple de la faiblesse de notre humanité. Quoiqu'il ne soit pas vieux, il est devenu si vaporeux, si maussade, si chagrin, si insupportable, que non-seulement il ne va plus nulle part, mais que ses amis les plus intimes ont été obligés de l'abandonner. M. de Monsigny, commensal comme lui de la maison d'Orléans, M. de Carmontel aussi, qui lui étaient extrêmement attachés, n'ont pu tenir à son commerce, et l'ont quitté les derniers. Il n'est plus entouré que de mercenaires qui le détestent, qui lui rendent toute la mauvaise humeur qu'ils en éprouvent, et le font enrager tour-à-tour. Voilà ce que c'est que la fin d'un vieux garçon qui ne sait pas se rendre aimable jusque dans la vieillesse. (5 Décembre.) Mad: la nouvelle duchesse de Nivernois (1) vient de mourir. Son époux, er vain impatient de s'affranchir des bienséances, l'avait épousée presqu'à la fin du deuil de sa première femme. Elle n'a pu jouir qu'un instant de son bonheur. Ce seigneur, enchanté de son côté, avait fait travailler à un ameublement ma (1) Madame de Rochefort, née Brancas. gnifique, pour relever de son deuil; et tous ces préparatifs sont aujourd'hui convertis en un second deuil plus réel que le premier. Quoiqu'il en soit, on a déjà fait pour la défunte l'épitaphe suivante : Ci-git qui, constamment brûlant d'un même feu, Termina, sans jouir, sa triste destinée : Avec l'un vécut trop, avec l'autre trop peu. (6 Décembre.) On a exécuté aujourd'hui le nouvel opéra (1) dans le costume français, que desirait l'auteur, et il n'a pas paru moins ennuyeux. Il faut ajouter à tout ce qu'on en a dit, le couplet suivant, sur l'air de la béquille du père Barnabas. Embarras d'intérêt, Embarras dans les rôles, Vous n'en trouverez pas. : (12 Décembre.) On lit dans le journal de Paris, no. 327, l'énigme suivante en forme de chanson. (1) L'Embarras des richesses, de monsieur Lourdet de Santerre, surnommé depuis Lourdet sans tète. (Note de l'Éditeur.) |