Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

Ce qu'il y a de singulier, c'est que ces deux odes qui semblaient devoir rendre les deux rois irréconciliables et faire dégénérer en querelles personnelles leurs querelles politiques, servirent en quelque sorte de base au traité de paix, dont Voltaire fut le premier agent par sa correspondance avec les deux cours.

[ocr errors]

-(26 Mars.) Il court depuis quelque tems une plaisanterie en vers, intitulée : la Résidence. Cette satire, attribuée au chevalier de Boufflers, paraît dirigée en général contre les évêques, sans qu'on y en trouve cependant aucun de désigné spécialement. La voici :

La Résidence.

Un évêque de grande mide,
Et dont le nom me reviendra,
Payait du trésor de l'église,
Comme l'usage l'autorise,
Une actrice de l'opéra ;
Tandis qu'à Paris, à Versailles,
Pour édifier ses ouailles,

Il faisait chaudement sa cour
Et l'amour.

Un mot lâché dans une thèse
Sur l'origine des pouvoirs,
L'appela dans son diocèse ;

Et le grave prélat, fidèle à ses devoirs,

Vint prendre le congé de sa belle Thérèse.

On se jura fidélité,

Foi d'apôtre et d'honnête femme ;

Mais contre les sermens faits dans la volupté,
On proteste bientôt, et le plaisir réclame

Les douceurs de la liberté.

L'évêque part; un abbe lui succède;

Un juif après est écouté ;

Puis milord Spleen qui la prend pour remède
Par ordre de la faculté,

Prouve que le plaisir est bon à la santé.
Milord des médecins remplissait la formule,

Quand l'évêque parut, jeûnant depuis deux mois,

Il ouvre le boudoir..... Quel affront! il recule

Et témoin du forfait, il élève la voix ;

Mais Thérèse avec assurance

Lui dit : « Calmez votre fureur;

[ocr errors]

» A la cour de Vénus il n'est point de dispense:

>>

Apprenez que dans la rigueur,

››› Une maîtresse est libre après trois jours d'absence:
» Ce bénéfice, monseigneur,

>>

Quoiqu'à simple tonsure, exige résidence. »

(28 Mars) M. Laus-de-Boissi étant ces jours derniers chez madame la marquise de Villette qui est grosse, trouva sous sa main un Mathieu Lansberg. On sait que cette almanach est rempli de centuries dans le goût de celles de Nostradamus, et contient des espèces de prophéties: «< Ah! Madame, s'écria-t-il, en voilà une qui vous concerne ; » et il lut le quatrain suivant, qu'il venait de composer, comme s'il l'eût trouvé dans l'almanach.

>>

De Belle et Bonne (1) il doit naître un enfant,
Qui recevra le surnom de sa mère :

Il y joindra grâce, esprit, enjouement,
Car il faut bien qu'il tienne de son père.

(1) Belle et Bonne, nom que Voltaire donnait à sa nièce,

(29 Mars.) Chanson (1).

Air: Philis demande son portrait.

Voulez-vous savoir les on dit
Qui courent sur Thémire?
On dit que par fois son esprit
Paraît être en délire.

Quoi! de bonne foi?
Oui, mais, croyez-moi,
Elle sait si bien faire,
Que sa déraison,
Fussiez-vous Caton,

Aurait l'art de vous plaire.

On dit que le trop de bon sens
Jamais ne la tourmente ;

On dit même qu'un grain d'encens
La ravit et l'enchante.

Quoi! de bonne foi?
Oui, mais, croyez-moi,

Elle sait si bien faire,
Que même les Dieux

Descendraient des cieux

Pour l'encenser sur terre.

Vous donne-t-elle un rendez-vous

De plaisir ou d'affaire,

On dit qu'oubliant l'heure et vous 1

Pour elle c'est misère.

Quoi! de bonne foi?

(1) De madame de Boufflers, intitulée les ON DIT.

[blocks in formation]

(9 Avril 1784.) On raconte que ces jours derniers la reine avait besoin de goo;000 livres pour acquitter quelques dettes, et surtout pour satisfaire à des actes de bienfaisance. S. M. a parlé avec confiance au contrôleurgénéral. Celui-ci, après avoir témoigné à la reine qu'il était à ses ordres, lui a représenté que ce déplacement, dans ce moment-ci, contrariait fort ses autres arrangemens. « A la bonne-heure, a dit S. M., je veux bien » attendre, mais à condition que vous viendrez tout-à« l'heure avec moi chez le roi, lui attester combien je >> suis raisonnable ». M. de Calonne a suivi la souveveraine; le roi a été enchanté de la modération de son auguste compagne, et en même tems de la fermeté respectueuse du ministre des finances. Cette anecdote le met mieux que jamais auprès du monarque.

(20 Avril.) Madame la comtesse d'Artois, quoique

malade, et ne recevant personne, voulut cependant voir M. de Suffren, lorsqu'il fut présenté à la cour, et c'est la seule personne qui entra chez elle pendant toute la journée.

M. le duc d'Angoulême était à son travail, lorsque l'amiral entra chez lui. Il se leva, et s'avançant lui dit : Je lisais dans ce moment même l'histoire des hommes illustres; je quitte mon livre avec plaisir, puisque j'en vois un. On assure que ce propos est vraiment du jeune prince, rempli de vivacité et d'esprit.

Le roi entretint M. de Suffren pendant plus d'une heure de ses opérations de l'Inde, et ce marin fut étonně de la manière dont sa majesté avait les choses présentes, comme si elle eût été à côté de lui pendant ses opérations.

En entrant dans la salle des gardes, quelqu'un ayant averti la sentinelle que M. le maréchal de Castries passait : Messieurs, dit le ministre, c'est M. de Suffren. » A ces mots les gardes-du-corps se levèrent, et quittant leur mousqueton formèrent un grand cortège à cette amiral jusqu'à la chambre du roi.

A diner, le 4 de ce mois, chez le maréchal de Castries, où étaient beaucoup d'officiers de la marine, et surtout le comte d'Estaing, quelqu'un appelait toujours celui-ci général. M. d'Estaing, désignant M. de Suffren, lui répondit : « Monsieur, voilà le seul général qu'il y . » ait ici. »

Quelqu'un disant à M. de Suffren: « voilà bien des » honneurs ; mais y a-t-il quelque pension? Il répondit : » Je me soucie bien de pension, je suis plus riche qu'eux » tous. » En effet, il a 54,000 livres de rente en com

« PreviousContinue »