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seule qui est exprimée dans le sujet par un seul mot, et dans l'attribut, par un assemblage de mots.

« On ne saurait trop se mettre dans l'esprit, dit Laromiguière, à quel point il importe de distinguer les définitions des simples propositions, et de ne jamais perdre de vue que les définitions ne contiennent qu'une seule idée exprimée de deux manières.

>> J'insiste sur ces choses, continue le même auteur, et je ne puis trop y insister, parce que mon expérience et mes lectures m'ont appris combien cette confusion des rapports qui sont entre les idées, et des rapports qui ne sont qu'entre des mots, jette de trouble dans nos pensées.

>> Tant qu'on ne parviendra pas à se défendre du penchant qui nous conduit à mettre des réalités sous des mots, qui ne sont que l'expression abrégée de plusieurs autres mots, il ne faut pas se flatter de faire le moindre progrès dans la connaissance des choses. Malheureusement pour nous ce penchant, continuellement entretenu et favorisé par les analogies les plus familières du langage, a presque la force d'une disposition qui viendrait de la nature.

>> Nous disons, les parties d'un tout, les arbres d'une forêt, les facultés de l'entendement, la fortune de César, les ouvrages d'Hippocrate, les peuples de l'Asie; et comme la fortune de César n'est pas César, que les ouvrages d'Hippocrate ne sont pas Hippocrate, que l'Asie n'est pas la même chose que les peuples de l'Asie, nous nous figurons qu'un tout est autre chose que la somme de toutes ses parties, qu'une forêt se

distingue de la totalité des arbres qui la composent, et que l'entendement est quelque chose de plus que la réunion de toutes ses facultés. » (Leçons de pHILOSOPHIE sur les principes de l'intelligence, par LAROMIGUIÈRE. Voir la Ire partie, leçon 12°) 1.

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Quatre conditions sont exigées pour qu'une définition soit bonne. Elle doit être claire, brève, réciproque, et contenir le genre prochain et la différence spécifique.

Elle sera claire, si elle ne renferme que des mots parfaitement connus ou déjà expliqués.

Elle sera brève, si elle ne contient rien de superflu, c'est-à-dire si elle ne dit pas en beaucoup de mots ce qu'elle pourrait exprimer en moins de termes sans nuire à la clarté; car on multiplie parfois les mots pour arriver à plus de clarté, et on ne fait qu'affaiblir

'La septième édition de cet ouvrage, publiée en deux magnifiques volumes grand in-8°, se vend à Paris chez Hachette, libraire de l'Université, rue Pierre-Sarrazin, 14. Cette édition de luxe mérite une place distinguée dans toutes les bibliothèques des amis de la science et des saines doctrines de la philosophie. L'Éditeur à qui nous sommes redevables de cette septième édition s'est acquis lui-même des droits réels à la reconnaissance des amis des lettres, par les soins vigilants dont il a entouré cette publication, par les recherches auxquelles il s'est livré, et par le zèle scrupuleux avec lequel il s'est en tout conformé aux intentions de l'Auteur, qui lui étaient parfaitement connues. Ce livre, on le sait, est l'un des plus propres à développer l'intelligence et à former la raison. On peut donc espérer qu'il deviendra, un peu plus souvent que par le passé, la juste récompense des efforts des jeunes lauréats de collége. Les pères de famille ne pourront que s'estimer heureux qu'on veuille bien mettre de pareils ouvrages entre les mains de leurs enfants. Il appartient d'ailleurs aux esprits sages et éminents qui président aux destinées de la France, de semer dans le présent afin que l'on puisse recueillir dans l'avenir.

l'attention qui se divise en se portant sur un trop grand nombre de termes à la fois.

Elle sera réciproque, si elle convient à tout le défini et au seul défini, de telle sorte qu'on puisse prendre indifféremment le sujet pour l'attribut et l'attribut pour le sujet, comme dans la définition suivante : L'homme et l'animal raisonnable, ou L'animal raisonnable, c'est l'homme.

Quant à la quatrième condition, expliquons avant tout ce qu'on entend par genre. Ce mot est un terme général qui exprime ce qui est commun à diverses espèces. En logique, on nomme genre prochain le genre qui contient immédiatement l'espèce définie. Le genre prochain, par cela même qu'il renferme un nombre moins grand d'espèces différentes, est plus propre à faire connaître l'espèce que l'on définit. On comprend en effet que si le genre était trop éloigné, trop général, il contiendrait un nombre trop grand d'espèces différentes et ne présenterait qu'une idée vague de la chose définie. Dans le tableau suivant, par exemple,

Etre.

Dieu.

Animal. Ange. Corps inanimé.

A

Homme. Lion. Cheval, etc.

le mot être est un genre très-étendu, puisqu'il représente tout ce qui existe; le mot animal, qui est espèce par rapport à être, devient genre par rapport aux différentes espèces d'animaux; le mot homme, qui est aussi espèce par rapport à animal, devient genre par rapport aux différentes races d'hommes que l'on rencontre sur la terre.

Je suppose maintenant qu'il s'agisse de donner une définition de l'homme, il ne faudrait pas dire : L'homme est un être..., ce serait, comme on le voit, pour faire connaître l'homme, remonter à un genre trop général, à un genre qui contiendrait un trop grand nombre d'espèces d'êtres; et dans le fait, en s'exprimant ainsi, L'homme est un être, on ne préciserait pas assez l'idée de la chose définie, qui resterait confondue avec toutes les autres espèces d'êtres. Conformément à la règle qui nous occupe, pour donner une idée nette d'une chose, il faut la montrer d'abord dans le genre qui la renferme immédiatement. D'après cela, pour définir l'homme, il faut commencer par énoncer qu'il appartient au genre animal; de cette manière on précisera déjà la notion de l'homme, puisque le genre qui le contient étant indiqué, l'homme se trouvera déjà séparé de toutes les espèces d'êtres autres que l'espèce animale.

Mais, pour définir une chose, il ne suffit pas de montrer le genre qui la contient, il faut de plus indiquer sa différence spécifique. On appelle différence spécifique la qualité essentielle qui distingue l'espèce définie de toutes les autres espèces du même genre.

*

Si, en définissant l'homme, je dis, L'homme est un animal raisonnable, ce mot raisonnable montre parfaite

ment par quelle qualité essentielle l'homme se sépare de toutes les autres espèces d'animaux.

Voilà les conditions exigées pour qu'une définition soit bonne.

Remarquons cependant qu'on peut quelquefois négliger le genre prochain, parce que, pour avoir des idées exactes, nous n'avons pas toujours besoin de mettre dans nos discours une précision rigoureuse; ce serait même une affectation puérile de l'employer où elle n'est pas nécessaire. Celui qui, ayant à désigner un Français, dirait tout simplement que c'est un homme né en France, s'exprimerait aussi clairement que s'il disait : C'est un Européen né en France.

Peut-on attaquer les définitions? Peuvent-elles fournir matière aux disputes?

« Les définitions sont inattaquables, dit Laromiguière, et on les attaque: elles ne peuvent pas fournir matière aux disputes, et c'est sur les définitions surtout qu'on dispute: elles devraient tout apaiser, tout concilier, tout terminer; elles aigrissent tout, divisent tout et ne finissent rien. Comment expliquer un phénomène qui semble ne pouvoir exister!

» Il est expliqué par les observations qui précèdent, c'est qu'on ne s'avise pas que le sujet d'une définition n'est autre chose que le nom de son attribut; c'est qu'on prend ce sujet pour le nom d'une réalité autre que celle qui est exprimée par l'attribut; c'est qu'on réalise un mot qui n'est qu'un simple signe d'autres

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