Page images
PDF
EPUB

Troisième règle. Une proposition particulière affirmative peut être convertie en une autre particulière affirmative. Ainsi la proposition suivante : Quelques rois sont philosophes, peut être convertie en celle-ci, Quelques philosophes sont rois.

Quatrième règle. Une proposition particulière affirmative ne peut être convertie en une autre universelle affirmative. Ainsi on ne pourrait pas changer cette proposition, Quelque homme est animal, en celleci, Tout animal est homme.

Quant aux règles particulières à suivre pour la conversion des propositions négatives, on en compte trois, les voici :

Première règle. Une proposition universelle négative peut être convertie en une autre universelle négative. Ainsi cette proposition, Aucun cercle n'est triangle, peut être convertie en cette autre universelle négative, Aucun triangle n'est cercle.

Deuxième règle. Une proposition universelle négative peut être convertie en une autre négative particulière. Ainsi cette proposition, Aucun esprit n'est corps, peut être convertie en celle-ci, Quelque corps n'est point esprit.

Troisième règle. Une proposition particulière négative ne peut être convertie, ni en une négative universelle ni en une négative particulière. En effet, on sait que l'attribut des propositions négatives est toujours pris dans un sens universel. Or cela étant, il en résulte qu'il ne peut pas être remplacé par un sujet pris dans

un sens particulier, et, par conséquent, une proposition particulière négative n'a pas de converse, c'està-dire ne peut pas être convertie. Ainsi, dans cette proposition, Quelque homme n'est point médecin, le sujet homme est pris particulièrement et ne peut point, par cette raison, devenir attribut d'une proposition négative sans changer de nature, puisqu'alors il serait pris dans toute son étendue.

Il en serait de même de la proposition suivante, Quelque animal n'est pas homme, qui ne peut être convertie ni en cette universelle négative, Aucun homme n'est animal, ni en cette particulière négative, Quelque homme n'est pas animal; parce que, dans ces deux dernières, l'attribut animal est pris selon toute son étendue, tandis que, dans celle à convertir, comme sujet d'une proposition particulière, il n'était pris que selon une partie de son étendue.

Concluons de ce qui précède, que toute proposition n'est pas essentiellement susceptible de conversion, et qu'il n'y a réellement que les universelles affirmatives, les particulières affirmatives et les universelles négatives qui jouissent de cette propriété.

Il faut remarquer aussi que la conversion n'est pas la seule transformation qu'une proposition puisse subir; car, outre qu'une proposition peut être convertie, elle peut aussi être traduite et divisée.

Traduire une proposition, c'est l'expliquer, l'interpréter, l'éclaircir, ou bien lui en substituer une autre qui exprime la même pensée, mais en des termes plus clairs que ceux de la première proposition, ou

plus connus de la personne en faveur de laquelle on traduit.

La diviser, c'est la décomposer en toutes les propositions simples dont elle se compose, ou qu'il importe d'y reconnaître.

- D'où il suit qu'en général les propositions peuvent admettré trois sortes de transformations, la conversion, la traduction et la division.

Mais, de même que toutes les propositions ne peuvent pas êtres converties, toutes ne peuvent pas non plus être divisées ou traduites.

2o L'opposition. — L'opposition des propositions est la contrariété qui existe entre deux propositions dont l'une affirme ce que l'autre nie. Ainsi il y a opposition entre deux propositions toutes les fois que de la vérité de l'une suit la fausseté de l'autre. Telles sont les propositions suivantes : Le corps est une substance, Le corps n'est pas une substance; - Le cercle est rond, Le cercle n'est pas rond.

Il ne peut pas y avoir opposition entre deux négatives; car, pour qu'il y ait opposition il faut, comme on vient de le dire, que la vérité de l'une exclue la vérité de l'autre; or, quand deux propositions sont négatives, il n'arrive jamais que la vérité de l'une soit exclusive de la vérité de l'autre. Ainsi, par exemple, dans ces deux propositions : Le cercle n'est pas carré,

Le cercle n'est pas triangle, on ne peut pas dire que la vérité de l'une exclut la vérité de l'autre.

D'où il suit que pour réfuter une proposition négative, il faut employer une proposition affirmative.

Mais entre deux affirmatives il peut y avoir opposition; c'est ce qui arrive lorsqu'on donne successivement au même sujet deux attributs qui s'excluent mutuellement. Exemple: Le cercle est rond,

cercle est carré.

Le

Mais pour que deux propositions affirmatives puissent être opposées, il faut qu'elles aient le même sujet.

Deux propositions dont l'une est affirmative et l'autre négative, ne peuvent être opposées qu'autant que l'une nie d'un sujet ce que l'autre affirme du même sujet. De sorte qu'entre une proposition affirmative et une proposition négative il ne peut y avoir d'opposition qu'autant qu'elles ont toutes deux le même sujet. Si je dis : Pierre est juste; Paul n'est pas juste, ces deux propositions ne sont point opposées. En effet, la vérité de l'une n'exclut pas la vérité de l'autre, et toutes deux peuvent être vraies, comme toutes deux peuvent être fausses.

Si une proposition dit précisément ce qu'il faut pour en détruire une autre, l'opposition est dite contradictoire, et les propositions qui sont ainsi opposées sont appelées propositions contradictoires. Telles sont les deux suivantes : Toute figure est étendue; - Quelque figure n'est pas étendue.

Mais si une proposition dit plus qu'il ne faut pour en réfuter une autre, alors l'opposition est dite contraire, et les propositions ainsi opposées sont appelées propositions contraires. Telles sont les deux suivantes : Tout homme est juste; - Nul homme n'est juste.

Pour détruire la première de ces deux propositions, il suffit de montrer que quelque homme n'est pas juste; et par conséquent, si, au lieu d'employer cette proposition particulière négative, on se sert de l'universelle négative, il est clair qu'on dit plus qu'il ne faut pour détruire la première de ces deux propositions.

L'universelle affirmative et l'universelle négative (A et E), voilà donc ce qu'on appelle des propositions contraires. Comme il est impossible que tout homme soit juste, et qu'en même temps nul homme ne le soit, il est évident que deux propositions contraires ne peuvent pas être vraies à la fois; et, d'un autre côté, comme il n'est pas nécessaire que tout homme soit juste, pour qu'on ne puisse dire que nul homme ne le soit, il s'ensuit aussi nécessairement que toutes deux peuvent être fausses.

Ainsi ce qui distingue les propositions contraires des contradictoires, c'est que deux propositions contraires peuvent être toutes deux fausses, exemple : Tout homme est juste; — Nul homme n'est juste; tandis que de deux contradictoires, l'une est nécessairement vraie et l'autre nécessairement fausse. Exemple : Nul homme n'est juste ; — Quelques hommes sont justes.

Il y a donc un avantage réel à combattre un adversaire plutôt par des propositions contradictoires que par des propositions contraires, puisque si je n'emploie contre lui que des contradictoires, il me suffira de lui prouver qu'il a tort, pour qu'il s'ensuive que j'ai raison; tandis que si je le combats par des propositions contraires, après avoir prouvé qu'il se trompe,

« PreviousContinue »